Loi 22-20 : Lachgar désavoue son ministre de la justice et se dédouane du projet
Trois jours après la fuite sur les réseaux sociaux de dispositions polémiques du projet de loi N° 22-20, le ministre de la Justice a refusé de commenter le tollé actuel sur ce texte dont il est pourtant l’initiateur. Deux sources de l’USFP affirment que leur parti a décidé de se déresponsabiliser de son initiative, pourtant dûment approuvée par le premier secrétaire Driss Lachgar, en laissant son propre ministre et le chef du gouvernement se débrouiller seuls.
Loi 22-20 : Lachgar désavoue son ministre de la justice et se dédouane du projet
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Samir El Ouardighi
Le 30 avril 2020 à 21h04
Modifié 11 avril 2021 à 2h45Trois jours après la fuite sur les réseaux sociaux de dispositions polémiques du projet de loi N° 22-20, le ministre de la Justice a refusé de commenter le tollé actuel sur ce texte dont il est pourtant l’initiateur. Deux sources de l’USFP affirment que leur parti a décidé de se déresponsabiliser de son initiative, pourtant dûment approuvée par le premier secrétaire Driss Lachgar, en laissant son propre ministre et le chef du gouvernement se débrouiller seuls.
Depuis la révélation de son contenu, dont certaines dispositions veulent criminaliser l’appel au boycott, le projet de loi 22-20 fait l’objet de protestations et d’un rétropédalage du gouvernement qui a affirmé à un confrère avoir bien reçu le message de l’opinion publique mais aussi de la part de l’USFP qui est pourtant l'initiateur du texte via le ministre Mohamed Benabdelkader, quasi-désavoué par son parti.
Le PJD désigné responsable de la fuite ?
Ainsi, dans un article signé USFP paru ce jeudi 30 avril sur le site officiel du parti de la rose, l’auteur attaque sans le nommer un ministre du gouvernement, en l’accusant d’avoir fait fuiter les dispositions polémiques de criminalisation pour régler un vieux compte avec Benabdelkader.
Si son identité n'a pas été dévoilée, tous les regards convergent vers Mustapha Ramid accusé de ne pas avoir digéré que son successeur au ministère n’ait pas poursuivi son projet de réforme du code pénal, en particulier l’adoption d'un article permettant de criminaliser l’enrichissement illicite.
Benabelkader ne veut pas mettre d’huile sur le feu
Joint par Médias24, le ministre de la Justice, Mohamed Benabdelkader a temporisé en affirmant que pour l’instant, il refusait de s’exprimer afin de ne pas alimenter une polémique sans fondements.
« L’ambiance nationale, conséquence de la crise de l’épidémie du Covid-19, m’interdit d'entrer dans une polémique inutile et surtout inappropriée en pareil moment.
« De plus, mon éthique politique fait que je refuse de m’immiscer dans la recherche des responsables de cette fuite des textes.
Des explications seront apportées à la fin du confinement
« Si tout se passe bien, ce n’est que vers le 20 mai (date prévue pour le début du déconfinement) que je pourrai répondre à vos questions dans le cadre d’un point de presse consacré à ce dossier », botte en touche le ministre, visiblement pressé de mettre un terme à notre conversation.
Devant notre insistance à vouloir connaître la position de l’USFP et savoir si une réunion du bureau politique était prévue en sa présence pour maintenir, reporter voire rejeter ce projet de loi, Benabdelkader nous a invités à contacter directement le premier secrétaire du parti de la rose, "seul habilité à convoquer ce genre de réunion", avant de mettre fin à notre conversation et de pouvoir l'interroger sur l'utilisation de l'expression "lever notre main" dans l'article de l'USFP.
La main levée, synonyme de dédouanement chez l’USFP
Sachant que le leader de l’USFP était, encore une fois injoignable pour Médias24, nous avons sollicité deux autres sources requérant l’anonymat, qui nous ont déclarés qu’au sein du parti, "tout le monde savait" que la fuite du projet de loi 22-20 avait été organisée par le prédécesseur de l’actuel ministre.
Questionné sur la signification de l’expression "l’USFP a décidé de lever la main ou de pratiquer une main levée sur le projet de loi 22-20", traditionnellement utilisée dans le jargon bancaire, insérée à la toute fin de l’article du journal « Al Ittihad al ichtiraki», nos interlocuteurs, mi-gênés mi-amusés affirment que leur parti avait tout simplement décidé de se dédouaner de la responsabilité de ce projet de loi.
Un timing très mal choisi
« Si une grande partie de ce projet de loi s’impose pour faire face aux délits nés avec le développement des réseaux sociaux (usurpation de l’identité numérique, diffusion de contenu pornographique pour les mineurs, tutoriels pour fabriquer des explosifs, sextorsion, dénonciation calomnieuse …), il n’était pas très intelligent d’y inclure la criminalisation de l’appel au boycott.
« Sachant que cela se fait ailleurs (France..), il faudra bien évidemment en discuter un jour ou l’autre, mais là, le timing était vraiment très mal choisi.
"De plus, comme notre parti a été imposé par le RNI pour intégrer la majorité gouvernementale, tout le monde sera tenté de croire que c'est un renvoi d'ascenseur de notre parti.
Un premier secrétaire qui désavoue son propre ministre
« Du coup, le premier secrétaire qui ne veut pas s’aliéner, pour 2021, une opinion publique déjà très remontée contre lui, a décidé de laisser le ministre en question et le Chef du gouvernement se débrouiller seuls », avance le membre du bureau politique pour qui le premier secrétaire a quasiment désavoué Benabdelkader
« Sachant que selon ses propres directives à ses ministres, ces derniers sont des ministres politiques qui doivent obligatoirement référer aux instances du parti (en réalité à la personne du premier secrétaire) avant d'initier tout projet de loi important (Ex : PL 22-20), soit Lachgar était au courant et il s'est retourné contre son ministre, soit il ne l’était pas et c’est encore plus grave », conclut amère notre source.
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