Khashoggi: Sur la défensive, l'Arabie saoudite soumise à une forte pression internationale

Londres, Paris et Berlin ont publié dimanche une déclaration commune adressée aux autorités saoudiennes demandant à ce que "la lumière soit faite" sur la disparition, survenue le 2 octobre, du journaliste saoudien Jamal Khashoggi. Les USA menacent Riyad d'un "châtiment exemplaire", et la bourse saoudienne a fortement baissé, effaçant ses pertes de l'année 2018.

Khashoggi: Sur la défensive, l'Arabie saoudite soumise à une forte pression internationale

Le 14 octobre 2018 à 14h59

Modifié le 11 avril 2021 à 2h49

Londres, Paris et Berlin ont publié dimanche une déclaration commune adressée aux autorités saoudiennes demandant à ce que "la lumière soit faite" sur la disparition, survenue le 2 octobre, du journaliste saoudien Jamal Khashoggi. Les USA menacent Riyad d'un "châtiment exemplaire", et la bourse saoudienne a fortement baissé, effaçant ses pertes de l'année 2018.

"Défendre la liberté d'expression et une presse libre, et assurer la protection des journalistes sont des priorités essentielles pour l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France", ont déclaré dans un communiqué commun les ministres des Affaires étrangères des trois pays, Heiko Mass, Jeremy Hunt et Jean-Yves le Drian.

"Dans cet esprit, la lumière doit être faite sur la disparition du journaliste saoudien Jamal Khashoggi", ont exigé les trois dirigeants, qui réclament une "enquête crédible" pour, "le cas échéant, identifier les responsables" et "s'assurer qu'ils rendent des comptes".

Jamal Khashoggi, critique du prince héritier Mohammed ben Salmane et qui collaborait notamment avec le Washington Post, s'était rendu le 2 octobre au consulat saoudien à Istanbul, ayant besoin d'un document nécessaire à son futur mariage. Il n'a plus été revu depuis par sa famille. Selon sa fiancée, il devait fêter ses 60 ans samedi au bord du Bosphore.

Quatre jours plus tard, des responsables turcs cités par les médias ont affirmé qu'il avait été tué dans ce bâtiment. Des allégations aussitôt qualifiées d'"infondées" par l'Arabie saoudite.

Plus tôt dimanche, l'Arabie saoudite, qui dément catégoriquement toute implication dans l'éventuel meurtre du journaliste, a promis des représailles si des sanctions étaient prises à son encontre.

Jeudi, Jeremy Hunt avait déjà prévenu les autorités saoudiennes qu'elles s'exposaient à de "graves conséquences" en cas de responsabilité dans cette disparition.

"Les faits sont graves" avait commenté le président français Emmanuel Macron vendredi, qui avait jugé "inquiétants" les "premiers éléments" de l'affaire.

Samedi, le président américain Donald Trump avait promis "un châtiment sévère" contre le royaume saoudien si celui-ci était impliqué.

Cette disparition au retentissement planétaire pourrait avoir un impact significatif sur le programme de réformes, notamment économiques, mises en avant par le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane. Dimanche, la Bourse de Riyad a accusé une baisse de plus de 7%, face aux possibles répercussions de l'affaire.

Riyad menace les USA de graves représailles

Riyad a promis dimanche des représailles si des sanctions étaient prises à son encontre, au lendemain de menaces du président américain Donald Trump évoquant un "châtiment sévère" pour l'Arabie saoudite si sa responsabilité était avérée dans la disparition du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.

La veille, dans un entretien à la chaîne de télévision CBS, le président américain Donald Trump, grand allié de l'Arabie saoudite, a pour la première fois haussé le ton, après avoir jugé possible l'implication de Riyad dans le sort de M. Khashoggi, entré le 2 octobre dans le consulat de son pays à Istanbul pour ne plus réapparaître depuis.

Si Riyad est responsable, il y aura "un châtiment sévère", a ajouté M. Trump.

Le royaume saoudien, qui dément catégoriquement toute implication dans l'éventuel meurtre du journaliste --exilé aux Etats-Unis depuis 2017--, a de son côté dit "rejeter entièrement toute menace ou tentative de l'affaiblir, que ce soit via des menaces d'imposer des sanctions économiques ou l'usage de pression politique".

Si des sanctions sont appliquées, le royaume répondra avec "de plus grandes" sanctions, a déclaré un haut responsable saoudien, citée par l'agence officielle SPA, sous le couvert de l'anonymat. "L'économie du royaume a un rôle vital et d'influence pour l'économie mondiale", a-t-il mis en garde.

La Bourse de Riyad a fortement dévissé dimanche, enregistrant sa plus grave dégringolade en trois ans, les investisseurs saoudiens réagissant principalement aux propos de M. Trump.

Peu après le début de sa première séance de la semaine, l'indice Tadawul All-Shares Index (Tasi) a perdu environ 7% avant de se reprendre légèrement, à -5%.

A 10H30 GMT, il frôlait le seuil symbolique des 7.000 points, effaçant ainsi tous les gains engrangés en 2018 et la hausse de 18% enregistrée depuis le début de l'année.

Des sources saoudiennes, y compris des éditorialistes influents, menacent les USA d'un baril de pétrole à 100 ou 200 dollars à brève échéance, ainsi que d'une "catastrophe économique mondiale". Les mêmes sources ajoutent qu'en cas de sanctions imposées par Washington, l'Arabie saoudite cesserait immédiatement tout achat d'armements américains, les remplaçant par des fournitures russes et chinoises. Aucune option n'est écartée, ajoutent les mêmes sources, 30 options sont prêtes, y compris un rapprochement avec le Hezbollah et avec l'Iran.

 Investisseurs échaudés

Samedi, Ankara a reproché à Riyad de ne pas coopérer, et notamment de ne pas laisser les enquêteurs accéder au consulat d'Arabie saoudite à Istanbul.

Des responsables turcs ont affirmé que le journaliste y avait été assassiné par des agents saoudiens. Riyad affirme qu'il a quitté le bâtiment.

Une délégation saoudienne devait s'entretenir à Ankara avec des responsables turcs dans le cadre de l'enquête sur le meurtre de M. Khashoggi.

Samedi, le ministre saoudien de l'Intérieur, Abdel Aziz ben Saoud ben Nayef, cité par l'agence SPA, a dénoncé de "fausses accusations contre l'Arabie saoudite".

Alors que les investisseurs s'enthousiasmaient encore il y a quelques semaines des pharaoniques projets économiques du prince héritier Mohammed ben Salmane, dit "MBS", l'affaire Khashoggi semble en avoir refroidi certains.

"Il y a une sorte d'incertitude autour de la situation concernant la disparition de Jamal Khashoggi, qui provoque la chute du marché", a déclaré à l'AFP Mohammed Zidan, analyste en stratégie pour Thinkmarket à Dubaï.

Le milliardaire britannique Richard Branson a annoncé geler plusieurs projets dans le royaume.

Autre contrecoup de l'affaire Khashoggi, plusieurs partenaires prestigieux ont annoncé ne plus participer au "Davos du désert", la deuxième édition de la conférence "Future Investment Initiative", qui doit se tenir du 23 au 25 octobre dans la capitale saoudienne.

Cher à "MBS", l'événement est boudé notamment par des médias, comme le Financial Times, The New York Times et The Economist, mais aussi le patron d'Uber, une compagnie de VTC.

Du côté du camp saoudien, un puissant hommes d'affaires émirati, Khalaf Al-Habtoor, a enjoint les pays du Golfe et les alliés de Riyad à boycotter les entreprises qui se désolidarisaient de ce rendez-vous.

"Le fait que des participants de premier plan (...) se retirent a aussi eu un impact négatif sur l'attitude des investisseurs" dimanche, a ajouté l'analyste Mohammed Zidan.

Jeudi, l'index Tasi avait déjà chuté de 3%, dans le sillage d'un vent de panique planétaire qui avait fait plonger Wall Street et les marchés asiatiques.

"Les pertes massives à Wall Street et des autres places boursières internationales a aussi joué un rôle dans l'effondrement des cotations saoudiennes", a remarqué M. Zidan.

Au cours de ses deux dernières séances boursières --jeudi et dimanche--, le marché a au total perdu 50 milliards de dollars de capitalisation, désormais à 450 milliards de dollars.

Les autres marchés du Golfe sont eux d'humeur morose, la Bourse de Dubaï chutant de 1,5% et celles d'Abou Dhabi et du Koweït de respectivement 0,74 et 0,4%.

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