Incertitudes sur la décompensation du sucre

Le gouvernement lancera-t-il dans les prochains jours son plan de suppression progressive des subventions sur le sucre granulé et en petits morceaux? Ou bien attendra-t-il 2020 pour supprimer la totalité des subventions sur le sucre en même temps que celles du gaz butane?

Incertitudes sur la décompensation du sucre

Le 30 janvier 2018 à 22h41

Modifié 30 janvier 2018 à 22h41

Le gouvernement lancera-t-il dans les prochains jours son plan de suppression progressive des subventions sur le sucre granulé et en petits morceaux? Ou bien attendra-t-il 2020 pour supprimer la totalité des subventions sur le sucre en même temps que celles du gaz butane?

Personne ne détient la réponse. Comme en janvier 2016, nous sommes dans un entre-deux. Il y a deux ans, Benkirane avait fini par renoncer à la décompensation du sucre, après en avoir pris la décision. Il l’avait fait parce que le Maroc entrait en année électorale et, pour des raisons politiques, il avait fini par s’abstenir de toute mesure pouvant être impopulaire.

Cette fois-ci, les raisons d’un possible renoncement sont autres. Elles sont d’ordre économique et social.

Ce mardi 30 janvier, une partie des industriels concernés ont rencontré le ministre des Affaires générales et de la gouvernance, Lahcen Daoudi. Au menu de la réunion, le sucre. Ou plutôt, le projet de décompensation du sucre. 

Médias24 a contacté des sources proches des centres de décision. Les sons de cloche sont les mêmes quant à la discussion de fond. Concernant la décision finale, ces sources divergent. Certains ont compris que la décision de décompenser le granulé a été reportée à 2020. D’autres que la décision est maintenue pour 2020 et qu’il n’y avait jamais eu de volonté de décompenser le sucre granulé de suite. D’autres encore que la décompensation sera étalée sur trois ans à partir de maintenant. D’autres enfin, que le ministre n’a pas pris de décision finale et que tout est possible, même s’il semblait “ébranlé“ par les arguments des industriels.

Disons donc que la décision de supprimer la subvention sur le sucre granulé, celui-là même qui est utilisé dans l’industrie, n’est pas certaine dans l'immédiat. Le gouvernement se préparait à réduire dans l'immédiat, et d'une manière progressive, les subventions du sucre. Deux scénarios étaient cités:

-soit une suppression de l'ordre de 10 à 20 centimes par mois de la subvention, sur les produits destinés aux professionnelles ou aux couches non précaires (granulé,petits morceaux).

-soit l'instauration d'un prix spécial sur le sucre destiné aux industriels (granulé). Ce dernier scénario peut favoriser la fraude ou l'informel, évidemment.

On en saura davantage dans les prochains jours.

Ce qui est certain, c'est que Daoudi a eu un discours rassurant et qu'il a déclaré vouloir travailler avec les industriels pour préparer l'avenir, d'ici 2020, date de la "suppression de la caisse de compensation".

Par contre, sur le fond, sur l’argumentaire des industriels, nous avons obtenu des récits concordants.

Le fond du discours des industriels, ce sont les emplois et les recettes fiscales pour l’Etat. En effet, ils affirment que la suppression des subventions signifierait une menace directe pour 88.000 agriculteurs qui vivent des cultures sucrières; ainsi que des perturbations réelles dans la filière laitière qui toucheraient jusqu’à 320.000 agriculteurs.

Le premier point qui a été exposé à l’intention du ministre, c’est que la subvention ne profite pas aux consommateurs, mais aux agriculteurs. Le système actuel ne profite qu’aux agriculteurs parce que le Maroc a fait le choix de la sécurité alimentaire, et donc de maintenir coûte que coûte, une production sucrière nationale.

En effet, pour ce qui concerne les consommateurs, si les prix avaient été libres et sans droits de douane, ils seraient aujourd’hui, 31 janvier 2018, moins chers que les prix actuels subventionnés.

Les industriels attirent l’attention sur le fait que l’Etat encaisse les droits de douane (35% à 42%, selon nos recherches) et décaisse les dépenses de compensation. Prenons l’exemple du cours actuel: l’importation en petites quantités, livrées à Casa, revient à 360 dollars la tonne. Le prix de vente du sucre subventionné est entre 6 et 7 DH le kilo (pour le granulé, les gros morceaux et les petits morceaux). L’importation serait donc plus avantageuse pour le consommateur, si l’on supprime les droits de douane et les subventions.

Le coût pour l’Etat doit être relativisé. Il est de 3,5 milliards de DH en 2017 (estimation de la caisse de compensation). Mais l’Etat aura également encaissé les droits de douane afférents à l’importation d'au moins la moitié de la consommation nationale. Le coût réel net pour l’Etat est de 0 à 2 milliards de DH par an, selon les fluctuations des cours mondiaux, affirment des industriels. Et donc n’atteint jamais les 3,5 milliards de DH.

Ces deux milliards de DH de coût, au maximum, sont le prix à payer pour garder une filière sucrière nationale avec les prix qui vont avec. C’est une politique largement partagée par d’autres pays qui ont choisi de maintenir, parfois plus cher que les cours mondiaux, une production sucrière locale couvrant entre le tiers et la moitié de la consommation.

Au Maroc, le raffineur national la Cosumar, achète à prix bonifié aux producteurs nationaux. Ces derniers ont couvert en 2016 et 2017, 50% des besoins nationaux, avec un rendement moyen de l’ordre de 12 tonnes de sucre à l’hectare.

La consommation est de l’ordre de 1,2 million de tonnes, dont 200.000 à 250.000 tonnes consommés par l’industrie agro-alimentaire (confitures, confiseries, biscuiterie, yaourt, produits laitiers, limonades, jus de fruits…).

Dans le panier moyen de la ménagère, une suppression de la subvention provoquerait une hausse de 2,50 DH/kilo, soit 1% d’augmentation du coût du panier.

Le vrai problème, selon les industriels, concerne l’impact sur l’amont, les agriculteurs, ainsi que sur les emplois industriels et sur leurs contributions fiscales, TVA ou autres.

Un fabricant de biscuits ou de confiseries, se demande s’il n’est pas plus avantageux pour lui de délocaliser sa production dans un pays tel que l’Egypte, lié au Maroc par un accord de libre-échange. D’autres industriels demandent le droit d’importer du sucre directement au cours international. D’autres enfin, se demandent s’ils ne vont pas importer du sirop de glucose ou des produits similaires.

Bref, les réponses des industriels, commandées par le souci économique, sont diverses et s’adaptent à la rupture éventuelle du statu quo actuel. En tous les cas, si les 200.000 à 250.000 T. des industries disparaissent du paysage national, cela pourrait se faire au détriment des agriculteurs marocains estiment les industriels. Et la Cosumar, que deviendrait-elle?

Bref, il y a une problématique économique et sociale, selon les industriels. Il ne s’agit pas seulement de la suppression d’une subvention destinée à des consommateurs. Le système marocain de compensation du sucre est bien plus complexe que cela.

Au final,  l’avenir des subventions du sucre est désormais flou. Peut-être y verra-t-on plus clair dans les prochains jours.

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