Al Hoceima. Débat contradictoire inédit entre Ramid et la société civile

C’est une première. Un débat public entre le gouvernement représenté par Mostafa Ramid, ministre d’Etat chargé des droits de l’Homme d’un côté et de l’autre, des ONG, des militants de droits humains, et des avocats connus pour leur engagement.

Al Hoceima. Débat contradictoire inédit entre Ramid et la société civile

Le 7 juillet 2017 à 14h55

Modifié 11 avril 2021 à 2h42

C’est une première. Un débat public entre le gouvernement représenté par Mostafa Ramid, ministre d’Etat chargé des droits de l’Homme d’un côté et de l’autre, des ONG, des militants de droits humains, et des avocats connus pour leur engagement.

Le gouvernement respecte-t-il les droits humains à Al Hoceima? Les prévenus ont-ils bénéficié de toutes les garanties d’une justice équitable? Les forces de l’ordre ont-elles fait preuve d’un usage disproportionné de la force?

Ces questions ont été débattues à l’initiative du ministre d’Etat chargé des droits de l’Homme, le 6 juin lors d'une recontre avec les acteurs de la société civile. Le plus intéressant dans l’affaire est l’aspect "controverse": point par point, chaque partie a livré ses arguments. Tous les points relatifs au Hirak, sous un angle des droits de l’Homme, ont été passés en revue.

Au total, 26 interventions parmi les acteurs de la société civile, ajoutées à l'exposé de Mostfa Ramid et des représentants des différents secteurs gouvernementaux, qui ont fait le point sur l'état d'avancement du projet "Al Hoceima Manarat Al Moutawassit".

L'objectif de la rencontre, exposer le point de vue du gouvernement, lequel a été consigné dans un "document préliminaire". Ensuite, écouter les propositions des intervenants. Celles "qui nous sembleront opportunes seront introduites dans le document final, que nous voulons objectif", a expliqué le ministre d'Etat, ajoutant: "Mais permettez-moi d'émettre des réserves sur quelques-unes de vos propositions et de ne pas être d'accord avec d'autres".

Les photos et vidéos, preuve ou atteinte à la présomption d'innocence?

"L'effusion de sang d'un Marocain, qu'il appartienne à un corps réglementaire ou à un citoyen protestataire, est une ligne rouge à ne pas franchir", rappelle Ramid. Au même moment, deux photos illustrant respectivement un blessé parmi les forces de l'ordre et un autre parmi les manifestants sont exposées simultanément sur des écrans.

Quelques minutes plus tard, c'est au tour du représentant du ministère de l'Intérieur de dérouler une vidéo. Elle documente les événements d'Imzouren survenus le 26 mars. Une résidence et des moyens de transport destinés aux forces publiques avaient été incendiés. Des blessés au sein des forces de l'ordre ont été déplorés. 14 personnes ont été poursuivies, la première audience a eu lieu le 4 juillet.

L'intervenant montre également une vidéo où l'on voit des barricades et un caillassage qui empêchent selon lui un camion-citerne de la protection civile, d'accéder au lieu de l'incendie pour l'éteindre. On voit plusieurs dizaines de policiers, éléments de la brigade d'intervention rapide, sauter tour à tour du toit pour échapper aux flammes. Selon la même source, c'est un camion qui a été incendié devant le bâtiment qui a mis le feu à la totalité de cet immeuble servant de logement à une centaine d'éléments de la sécurité publique.

"Vous auriez dû passer les vidéos des violations de domiciles d'habitants, pour souci d'équilibre", souligne l'un des intervenants, acteur associatif. "Vous n’avez pas le droit de diffuser des photos ou des vidéos concernant des affaires qui sont toujours devant la Justice", tranche pour sa part le bâtonnier Abderrahim Jamaï, craignant que ce procédé ne puisse constituer une pression sur les juges.

"Les vidéos que nous avons présentées ne portent pas atteinte à la présomption d'innocence. Nous nous sommes contentés d'exposer des faits, sans évoquer les noms des personnes impliquées", répond Mustapha Ramid.

Libérer les détenus, Ramid ne dit pas non  

Comme Salah El Ouadie, poète et militant, président de l'association Damir, une grande partie des intervenants a mis l'accent sur la nécessité de libérer les détenus.

"La Justice est la seule institution habilitée à statuer sur leur libération. Mais je suis personnellement favorable à une issue dans le cadre de la loi, à considérer que les événements d'Al Hoceima sont partis d'un mouvement social", a fait savoir Ramid.

Quelques minutes plus tôt, le ministre d'Etat lançait même un appel solennel à Mohammed Aujjar, son homologue et successeur au ministère de la Justice: "Je compte exhorter le ministre de la Justice de requérir en urgence la liberté provisoire à Sylia (Salima Ziani)".

Figure emblématique du Hirak, Silya est détenue à Casablanca et souffrirait, selon Me Jamai, d'une dépression chronique. D'où l'initiative du ministre.  

Rapport sur la torture, le CNDH assume

"Nous avons fait appel à des experts médicaux pour élucider des cas de torture alléguées par certains détenus. Nous avons ensuite transmis les rapports aux parties concernées. Vous l'avez constaté, il y a eu des réactions et notamment deux communiqués. Mais le Conseil a la conscience tranquille car il a accompli son devoir en toute éthique".

C'est la réponse de Abderrazak El Hanouchi, chef du cabinet du président du CNDH, lorsqu'il est interpellé sur le rapport polémique fuité en début de semaine dans les médias.

Hicham El Mellati, conseiller du ministre de la Justice, a quant à lui affirmé que bien avant le rapport du CNDH, 66 plaintes pour torture ont été déposées sont actuellement aux mains de la Justice, précisant que tous les demandeurs ont été soumis à des expertises médicales.

Pour sa part, M. Ramid a rassuré sur le fait que "la torture institutionnelle n'existe plus au Maroc". Il reconnaît néanmoins l'existence de cas isolés, "des tâches qu'il faut éradiquer", dit-il.

Dégradation de biens privés par les forces de l'ordre, "apportez-moi les vidéos"

"Le ministère de l'Intérieur m'a affirmé que les autorités locales ont réparé tous les biens privés que des éléments des forces de l'ordre sont accusés d'avoir dégradé". Cette phrase de M. Ramid, qui a par ailleurs salué "la noblesse" de cette initiative, n'a pas convaincu les intervenants. Une grande partie a déploré des cas de vandalisme selon elle documentés par des vidéos.

"Evitons la surenchère et ramenez-moi les vidéos dès lundi, je les soumettrai aux parties concernées", dit-il en s'adressant à ses interlocuteurs. "Nous demandons des garanties. Nos témoins seront-ils protégés?", rétorque le Dr Aziz Ghali, membre de l'Association marocaine des droits de l'Homme. Une crise de confiance, soulevée de manière récurrente lors du débat.

"La militarisation d'Al Hoceima": clore ce débat

"La militarisation à Al Hoceima n'existe plus. Le Dahir déclarant cette ville zone militaire a été abrogé en vertu d'un texte publié en 1959. Nous avons fait des recherches et notre constat est scientifique". Le président du Centre de la mémoire commune pour la démocratie et la paix, Abdesslam Boutayb est catégorique.

"Seule ma mère confond entre présence sécuritaire et militarisation", ironise M. Boutayb, par ailleurs fils d'Al Hoceima. "Pour lui, ce débat n'a plus lieu d'être."

Un perche saisie par Mustapha Ramid, qui demandera aux intervenants de lui épargner toute remarque sur ce sujet. 

Les médias publics pointés du doigt

"Il faut prendre des mesures à l'encontre des responsables de la chaîne Al Aoula et de Médi1 TV pour avoir falsifié des faits". Abderrazzak Boughanbour fait référence aux vidéos non contextualisées que ces chaînes ont diffusées, le 27 mai dernier, pour illustrer les événements d'Al Hoceima.

"Il faut également prendre des précautions à l'égard de certains journaux et sites électroniques douteux. Je vous cite un exemple. Un quotidien avait titré à propos de Nasser Zefzafi: "L'Antéchrist se cache dans l'une des maisons d'Al Hoceima. Vous appelez ça du journalisme?", s'indigne le président de la ligue marocaine pour la défense des droits de l'Homme. Il parle de "catastrophe". Ramid concède.

Au final, si vous voulez connaître les arguments et les positions des uns et des autres, déroulez les vidéos ci-dessous. C'est long, mais passionnant.

 

 

 

 

 

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