L'hypothèse d'une cession des parts de l'Etat dans 2M fait son chemin

Les récentes remarques de la Cour des comptes au sujet de l’audiovisuel public sonnent comme un signal, celui de la remise à plat de l’audiovisuel public et plus largement, de la politique audiovisuelle du Maroc. 

L'hypothèse d'une cession des parts de l'Etat dans 2M fait son chemin

Le 9 mai 2017 à 9h43

Modifié 11 avril 2021 à 2h40

Les récentes remarques de la Cour des comptes au sujet de l’audiovisuel public sonnent comme un signal, celui de la remise à plat de l’audiovisuel public et plus largement, de la politique audiovisuelle du Maroc. 

Les raisons de s’interroger sur la viabilité et l’efficacité du modèle actuel ne manquent pas: le coût extrêmement élevé pour les finances publiques, l’introuvable modèle économique, les déficits cumulés, la complexité du système, la fuite d’audience…

Comment juger l’audiovisuel public? sur quels critères? lui demande-t-on d’être performant ou rentable? Le Maroc a-t-il réellement besoin de deux chaînes généralistes qui parfois se concurrencent? Quel est le critère de performance? A quoi servent 7 chaînes SNRT (et deux en projet, la parlementaire ainsi que la femme et l’enfant) en plus de 2M? 

2M, champion de l’audience et... maillon faible

2M et la Soread sa maison mère, réussissent mieux que leurs 7 sœurs du pôle public: certes les déficits sont chroniques, mais les besoins financiers restent modestes comparativement à ceux de la SNRT (maison mère d’Al Aoula et des chaînes thématiques sport, culture, tamazight, coran, Laâyoune, films).

De plus, si le Maroc arrive à retenir environ la moitié des téléspectateurs marocains, il le doit en majeure partie à 2M.

Cela étant dit, 2M est dans le viseur: ses déficits cumulés imposent des recapitalisations récurrentes et elle a moins de légitimité, en tant qu’audiovisuel public, que la première chaîne, la TVM devenue Al Aoula.

La TVM fait partie du paysage et du Maroc. Si on doit y injecter des fonds régulièrement, cela paraît psychologiquement acceptable. Il en est autrement pour 2M dont le capital a une structure hybride avec la présence du privé.

A la Soread, société mère de 2M, la situation financière est presque létale. Dans son appréciation, Inforisk estime que “le risque de défaillance est très fort“. Soread a consommé l’intégralité de son capital. Ses fonds propres sont négatifs. Le délai moyen qu’elle impose à ses fournisseurs est de 411 jours, pour un délai à l’encaissement de 105 jours. Le seuil de rentabilité serait de 445 jours de chiffre d’affaires. Le résultat net a été négatif en 2015 aussi, et il l’est depuis 2008.

En 2015, 58 MDH sont venus s’ajouter aux pertes antérieures, malgré une subvention d’exploitation de 37,5 MDH. Les charges financières sont de 45 MDH en 2015 dont 18,7 MDH d’intérêts.

Les chiffres de l’exercice 2016 vont dans le même sens. Nous publierons les principaux agrégats 2016 de Soread dès que nous les recevrons.

Cette situation impose donc une recapitalisation que les actionnaires rechignent à suivre. Une source sûre contactée par Médias24 nous a confirmé une information de L’Economiste: l’Etat est réticent à la perspective d’une énième recapitalisation. Par contre, ni 2M ni la SNI n’ont pu être joints par Médias24.

Entre 2006 et 2015, le soutien public au secteur audiovisuel a représenté 11,95 milliards de DH. Cette enveloppe qui équivaut à 1,33 milliard de DH par an en moyenne, est répartie entre la SNRT, 2M et le CCM (Centre cinématographique marocain).

88% de ce montant global ont été captés par la SNRT (soit plus de 10 milliards de DH). 2M exige chaque année une subvention (entre 35 MDH et jusqu’à 65 MDH) sans compter les recapitalisations. Cela paraît dérisoire comparativement à la SNRT. Mais c’est une S.A., dont une partie des actionnaires sont privés. Et avec son positionnement de chaîne généraliste, certains estiment qu’elle fait doublon avec la SNRT.

SNRT: les charges représentent le double du chiffre d'affaires

Au niveau de la SNRT, la situation est également préoccupante. Certes, subventionner un média public est un mal nécessaire dans la plupart des pays, mais il y a pléthore de chaînes, de personnel, de dépenses, avec des déficits et des performances modestes en termes d’audience.

Le rapport du contrôleur d’État présenté lors du conseil d’administration tenu au mois de juin 2015 et cité par la Cour des comptes, fait écho d’un recours quasi structurel aux découverts bancaires et l’importance des postes de créances et de dettes.

Le chiffre d’affaires réalisé par la SNRT a connu une régression depuis l’année 2010, passant de 916 millions de dirhams à 597 millions de dirhams en 2014. Sapremière source de revenus demeure les subventions publiques.

Les charges représentent environ deux fois le chiffre d’affaires. Elles ont atteint 1,4 milliard de dirhams en 2014 contre un chiffre d’affaires de 597 millions de dirhams seulement.

Le système des subventions lui-même est très complexe, avec un Fonds dont l’intitulé est difficile à mémoriser: “Fonds pour la promotion du paysage audiovisuel et des annonces et de l’édition publique“.  Un fonds dont les recettes baissent d’année en année, tandis que le nombre de bénéficiaires augmente.

Audiences: heureusement que 2M est là

L’un des critères de performance en audiovisuel est l’audience. L’audiovisuel public est la voix du Maroc, sa vitrine internationale. En interne, il contribue au lien social. On peut espérer qu’il relayerait les messages importants dans la société. Il fixerait le public marocain.

Les résultats sont mitigés. Selon les chiffres Médiamétrie (publiés par Ciaumed), et sur l’ensemble de l’année 2016, la moyenne d’audience captée par toutes les chaînes nationales, était de 53,5%. 46,5% de l’audience partait vers des chaînes étrangères.

En prime time, c’est pire. Seuls 45,4% des téléspectateurs restent sur des chaînes marocaines. Plus de la moitié regardent des chaînes étrangères.

Est-ce que c’est une question de moyens? En grande partie, oui. Pendant le mois de Ramadan, la part d’audience de l’ensemble des chaînes marocaines approche les 75% en prime time.

La question du financement est récurrente mais elle est universelle: le péage des débuts n’a pas fonctionné à cause du piratage; le marché publicitaire est limité et il subit une fuite massive vers les supports étrangers tels que Google ou Facebook; la subvention publique impacte les finances de l’Etat… Un casse-tête.

L’idée d’une cession des parts de l’Etat dans la Soread fait son chemin dans le cadre d’une éventuelle remise à plat de l’audiovisuel public. On peut imaginer un tour de table privé, marocain et/ou étranger, pour donner davantage de moyens à 2M, éventuellement un rapprochement avec le groupe Médi1 qui serait alors composé d’une chaîne d’information régionale, d’une radio, d’une chaîne généraliste (2M) et d’une régie publicitaire.

L’audiovisuel public se concentrerait alors sur la SNRT à laquelle il faudrait donner les moyens d’agir et une stratégie plus volontariste.

L’audiovisuel est stratégique. Les médias sont irremplaçables en démocratie, ils sont indispensables au lien social. La mondialisation et la digitalisation imposent des défis redoutables aux médias marocains, audiovisuels ou autres. Le statu quo serait le pire des choix. Le secteur a besoin d’une vision.

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