Coulisses diplomatiques: De Medays 2015 aux échanges de visites Kagame-Mohammed VI

Il y a un an, en novembre 2015, le président du Rwanda recevait à Tanger le Grand Prix MEDays pour son action de reconstruction de son pays, qui avait subi un terrible génocide dans les années 1990. Sept mois plus tard, les relations entre les deux pays étaient rétablies, Paul Kagame visitait Casablanca en juin 2016, avant que le Roi Mohammed VI ne se rende à son tour dans la capitale rwandaise, Kigali, en octobre dernier. Entretien avec Brahim Fassi Fihri, président de l’Institut Amadeus.

Coulisses diplomatiques: De Medays 2015 aux échanges de visites Kagame-Mohammed VI

Le 11 décembre 2016 à 9h47

Modifié 11 avril 2021 à 1h05

Il y a un an, en novembre 2015, le président du Rwanda recevait à Tanger le Grand Prix MEDays pour son action de reconstruction de son pays, qui avait subi un terrible génocide dans les années 1990. Sept mois plus tard, les relations entre les deux pays étaient rétablies, Paul Kagame visitait Casablanca en juin 2016, avant que le Roi Mohammed VI ne se rende à son tour dans la capitale rwandaise, Kigali, en octobre dernier. Entretien avec Brahim Fassi Fihri, président de l’Institut Amadeus.

Médias24: Comment vous était venue l’idée d’inviter le président Kagame en 2015 à Tanger?

Brahim Fassi Fihri: Il faut rappeler que depuis leur création en 2008, l’Institut Amadeus et les MEDays se sont fixés comme objectif, non pas d’organiser une énième conférence où les gens viennent et repartent, mais ont voulu créer une plateforme, un outil opérationnel de promotion du Maroc et de réflexion autour de sujets qui peuvent être portés par la diplomatie marocaine.

Nous avons publié en 2014 et en 2015 deux études sur les relations entre le Maroc et l’Afrique.  Dans ces deux études, nous avons confirmé l’importance pour le Maroc de conforter son rôle d’acteur africain de premier plan de sortir de sa zone de confort, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale francophone. Nous avons préconisé que le Maroc aille vers cette Afrique que nous connaissions peu, voire pas du tout à cette époque, cette Afrique de l’Est anglo-saxonne, puissante sur le plan économique, une Afrique qui compte sur le plan politique et avec laquelle nous n’avions pas de traditions de relations politiques, économiques ou diplomatiques.

A travers ce constat, nous avons identifié le Rwanda comme un pays pivot capable de jouer ce rôle de rapprochement entre le Maroc et cette partie de l’Afrique, tenant compte du fait que le président Kagame est l’un des leaders charismatiques de cette région du continent, compte tenu de sa crédibilité et de ses réalisations. Il a fait du Rwanda, 20 ans après le génocide un pays que l’on qualifie de «la Suisse de l’Afrique».

Pour toutes ces raisons, on s’est rapproché du Rwanda en proposant d’inviter et de recevoir le président Kagame et de lui remettre le Grand Prix MEDays avec, un peu, l’arrière-pensée de contribuer modestement au rapprochement entre le Maroc et le Rwanda.

- Lorsque vous aviez proposé au président Kagame de lui remettre le Grand Prix MEDays 2015, comment cela s’est-il passé? 

-Evidemment, ce sont de tractations longues et ce n’est pas facile de faire venir un chef d’Etat dans un événement comme celui-ci. On a eu des premiers ministres, des anciens chefs d’Etats mais là c’était la première fois. MEdays n’est pas une conférence officielle, ce n’est pas une conférence diplomatique. MEDays est un événement porté par un think tank, donc par définition un événement informel.

Evidemment, il y a eu un certain nombre de tractations. Mais nous avons dans nos arguments fait prévaloir que la présence du président Kagame aux MEdays et ce prix pouvaient in fine contribuer à l’ouverture d’un nouveau chapitre dans les relations bilatérales.

Le président Kagame étant un homme extrêmement intelligent, proactif et doté d’une vision à moyen et long termes a très vite saisi l’importance de le faire.  Les tractations n’ont finalement pas été très longues.

Ensuite, il a lui-même lors de son passage à Tanger clairement signifié qu’il était admiratif de la vision de Sa Majesté en Afrique et il s’est proposé pour être ce relais, pour faire connaître cette vision auprès des pays de son voisinage régional.

Un modèle gagnant-gagnant, décomplexé, sans rapports de forces, entre Africains

- Entre le moment où le président Kagame est venu à Tanger en novembre 2015 et juin 2016, il s’est passé des choses…

-Aux MEDays, lorsque le président Kagame est intervenu, il a lancé un signal fort, en exonérant de visa les visiteurs marocains au Rwanda.

Ensuite la diplomatie classique a fait son travail. Et pour transformer la visite de M. Kagame à un forum informel, il fallait passer aux choses officielles.

D’où la visite du mois de juin qui a été soigneusement préparée et qui a finalement permis de consacrer cette rencontre entre deux leaders africains majeurs, qui ont une réelle vision pour le continent. Ensuite le président Kagame a lancé un groupe de réflexion et d’impulsion sur le sujet de l’Union africaine et c’était donc utile de discuter de l’avenir de cette organisation.

-Est-ce qu’on peut dire que cette approche est dupliquée pour renouer et se rapprocher avec d’autres Etats, notamment africains?

-Pendant très longtemps, notre diplomatie avait une logique dichotomique, manichéenne, «on ne parle pas avec les pays qui reconnaissent la rasd» disait-on. Le nombre de pays qui reconnaissent la rasd a été réduit, même s’il est vrai qu’un noyau de pays, peu nombeux mais puissant, a continué de reconnaitre la rasd.

Cette volonté du Maroc de jouer un rôle majeur et de retourner au sein de l’Union africaine ne pouvait se faire sur ce type de position.

Aujourd’hui, le Maroc a beaucoup de choses à offrir de manière concrète et opérationnelle. Tous ces pays ont ces dernières années exprimé leur forte volonté d’indépendance face aux puissances occidentales traditionnelles. Ils sont fondamentalement convaincus du bien-fondé de la coopération Sud-Sud et du modèle proposé par Sa Majesté qui est un modèle gagnant-gagnant, décomplexé, sans rapports de forces, entre Africains.

Je pense que le président Kagame a été séduit par cette approche et les autres pays du voisinage également.  Cela fait que nous assistons depuis le mois d’octobre à une succession de visites historiques dans des pays qui n’ont pas été visités par un Roi du Maroc depuis des décennies.

- Vous pensez que l’on assistera à un rapprochement plus visible entre le Maroc et l’Afrique du Sud au cours des prochains mois?

-Aujourd’hui, il y a une conjoncture politique en Afrique du Sud qui est difficile. Le président Zuma est en fin de règne, avec une succession qui restera probablement dans le giron de l’ANC (Congrès national africain, parti au pouvoir) mais les relations sont difficiles.

Elles le sont d’abord à cause du complexe idéologique de l’ANC. Ensuite il ya une lutte, une compétition qui s’installe entre deux pays leaders sur le continent. Le Maroc fait des percées en Afrique australe où l’Afrique du Sud a dominé pendant plus de 15 ans et plusieurs pays continuent de vouloir se distancer de cette puissance régionale dominatrice.

Mais en se rapprochant de pays importants sur le plan régional, le Maroc peut déconstruire cette hégémonie sud-africaine, tout comme le départ annoncé de Mme Zuma de l’Union africaine y contribuera.

-Alors justement pour parler du sommet de l’Union africaine de janvier 2017 à Addis-Abéba, quel est votre regard d’observateur et d’analyste sur ce rendez-vous diplomatique? Etes-vous optimiste?

-J’observe qu’une présidente de la Commission africaine en fin d’exercice fait maintenant tout ce qui est en son pouvoir, de manière claire et limpide, pour retarder l’entrée du Maroc dans l’Union africaine. Soit pour des raisons idéologiques soit pour des raisons malhonnêtes.

A la limite cela la regarde, mais on ne peut pas prendre en otage une organisation dont l’écrasante majorité des membres souhaitent un retour immédiat du Maroc au sein de l’organisation africaine.

Le processus est lancé, l’histoire est en marche et le Maroc sera de retour au sein de l’Union africaine. L’Acte constitutif de l’UA et son article 29 sont très clairs.

Mme Zuma a voulu créer des artifices de procédure mais au pire des cas le sommet est souverain. Donc je ne vois pas le Maroc ne pas intégrer l’Union africaine, je l’espère avant le sommet ; mais il l’intégrera pendant le sommet. C’est une question de semaines, car il y a un autre sommet en juin mais l’objectif est de réintégrer l’Union africaine au plus tôt.  

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