Elections. Les premiers enseignements du scrutin

Quels que soient les propos volontaristes des uns et des autres, il ne faut pas s’y tromper. Le grand vainqueur du scrutin est bien le PJD. Tour d’horizon des premiers enseignements du 4 septembre.

Elections. Les premiers enseignements du scrutin

Le 6 septembre 2015 à 17h33

Modifié 6 septembre 2015 à 17h33

Quels que soient les propos volontaristes des uns et des autres, il ne faut pas s’y tromper. Le grand vainqueur du scrutin est bien le PJD. Tour d’horizon des premiers enseignements du 4 septembre.

1-Qui a gagné?

Avec leur langue de bois, tous les politiciens vous diront que le premier vainqueur est la démocratie ou encore le Maroc. Pour une fois, ils auront raison.

Mais parmi les compétiteurs, le vainqueur est bien le PJD, mené par son secrétaire général Abdelilah Benkirane.

Certes, il n’est que troisième en nombre de sièges. Mais en nombre de voix, il est premier. Surtout, il a conquis la plupart des grands centres urbains ou presque. Lorsque Casablanca et Fès donnent la majorité absolue au PJD, c’est du jamais vu et la symbolique est grande.

Benkirane a raison de dire que la politique est la cité. En milieu rural, on vote pour un notable. Avec l’urbanisation, l’alphabétisation, le développement, on votera de moins en moins pour les notables. De plus en plus pour les partis.

Enfin, quoi qu’on en dise, ces élections avaient un enjeu politique. Non seulement pour la gestion communale et pour l’instauration de la régionalisation, mais aussi parce que ce sont les premières élections “à froid“ après la constitution de 2011.

2-Le PJD et les autres.

Aujourd’hui, il y a le PJD et il y a les autres. Tous ceux qui ont parié sur une érosion de la popularité du parti et de son leader se sont trompés. Même parmi ses alliés au gouvernement, certains pensaient que le parti commençait à subir l’usure du pouvoir. Ils ont bien vu leur erreur. Aujourd’hui, les mêmes se demandent si la popularité du PJD ne leur a pas fait de l’ombre.

3-Le bicéphalisme du PAM.

Ilyas Omari peut raconter ce qu’il veut, le principal perdant, c’est lui. Il a mis tout son poids et construit tout un projet pour contrer le PJD, c’est l’inverse qui s’est produit. C’est lui qui a organisé la campagne du PAM. Avec le résultat que l’on sait, sur les plans de la communication, de l’organisation et des résultats.

Ces élections devaient être, pour le PAM, celles de la normalisation. Le scrutin où on aurait prouvé qu’il n’est pas, ou qu’il n’est plus, un parti de l’administration. La démonstration n’a pas été faite. Il n'est pas arrivé à trouver un ancrage populaire. Rendez-vous aux législatives en 2016.

4-L’opposition en mauvaise posture.

L’USFP, l’UC et l’Istiqlal sont en mauvaise posture. Chacun pour des raisons différentes.

L’USFP est en pleine reconstruction sous la houlette de Driss Lachguar. Il n’est plus le grand parti de Abderrahim Bouabid, mais il a limité les dégâts. Il a toutefois perdu l’emblématique Agadir ainsi que ses différentes positions dans le Souss Massa.

L’UC est en pleine rénovation. Sa nouvelle direction n’a été élue que le 25 avril dernier. La réorientation imprimée par Mohamed Sajid semble pertinente. Parions qu’il continuera à travailler “dans la sérénité“ et la discrétion.

L’Istiqlal a subi une déroute dans plusieurs de ses fiefs. Il a perdu Oujda par exemple. Et surtout Fès, “sa“ ville, celle dont Hamid Chabat a fait un symbole.

Chabat avait juré de démissionner s’il perdait Fès. Il ne le fera pas. Le comité exécutif qui s’est réuni samedi matin s’est déroulé dans une ambiance irréelle, les esprits étaient désorientés, et c’est parti dans tous les sens, et bien sûr dans l’accusation et la théorie du complot.

Après le 20 février en 2011, plusieurs barons de l’Istiqlal avaient pensé qu’il fallait “élire un fils du peuple“ et rompre avec le “fassisme“ élitiste. Ils ont été soutenus par ceux qui ont pensé que contre un populiste (qualité prêtée à Benkirane), il fallait un autre populiste.

Aujourd’hui, tout le monde sait que l’élection de Chabat a été une erreur. Au lieu de rénover le parti, il l’a enfoncé. Chabat finira par partir, c’est évident, mais en laissant le parti dans quel état? Le premier rendez-vous important sera le conseil national du parti prévu début octobre. Un Conseil national suffit pour confirmer ou désavouer un secrétaire général.

5-Les prochaines étapes du marathon électoral.

L’actuel marathon ne prendra fin que le 2 octobre, avec l’élection au suffrage indirect, de la chambre des conseillers. Celle-ci sera comme la précédente, très probablement dominée par l’opposition.

D’ici le 19 ou le 20 septembre, devront avoir lieu les différentes assemblées destinées à élire les conseils et les présidents des régions et des communes. La cartographie sera alors plus claire.

Les élus issus du scrutin du 4 septembre éliront à leur tour les bureaux et les présidents des régions et des communes. Pour être candidat, il faudra être tête de liste et avoir été classé dans les cinq premiers.

Les régions, c’est la première concrétisation de la régionalisation avancée. Une belle aventure qui commence et qui se mettra en place d’une manière progressive. Les régions auront des compétences beaucoup plus larges que les communes et auront même des compétences transférées par l’Etat à leur profit. Elles seront une sorte d’exécutif et de législatif à l’échelon local.

Il y aura également plusieurs centaines de nominations dans les régions (par exemple pour les agences régionales ou pour les sociétés de développement local) ainsi que des milliards de DH de budgets qui seront dépensés chaque année.

6-Les pronostics dans quelques villes.

Ce qui est sûr: Hamdi Ould Rachid (Istiqlal) va être maintenu à Laâyoune… sauf s’il préfère présider la région Laâyoune-Sakia Al Hamra. La majorité à Laâyoune et dans toute la région est istiqlalienne.

Fès sera dirigée par Driss Azami Idrissi (PJD), le respecté ministre du Budget. Selon des sources proches de M. Azami, celui-ci répète être effaré par l’état dans lequel se trouve la ville de Fès et il compte s’investir totalement dans sa renaissance.

Casablanca sera dirigée par Abdelaziz Omari (PJD), actuel ministre des Relations avec le Parlement et la société civile (successeur de Habib Choubani).

Pour le reste des villes PJD, nous pouvons révéler que les décisions ne sont pas prises. Les villes où il y a une majorité PJD sont connues: Meknès (Abdallah Bouanou est candidat à la mairie, mais la décision du parti n’est pas prise), Agadir, Salé, Chaouen, Kénitra, Témara, Taroudant, Errachidia, Oued Zem, Inezgane, Ait Melloul, Ouled Taima et d’autres encore.

Dans d’autres villes, il est soit majoritaire, soit dominant et pèsera de toutes façons d’une manière décisive sur le résultat final: Tanger, Tétouan, Marrakech, Rabat… Pour Kénitra, Aziz Rabbah, par ailleurs ministre de l’Equipement, se représente à la présidence du conseil communal.

Ce qui est certain, c’est que le PJD laissera quelques villes à alliés de la majorité, RNI, PPS et MP.

7-Le PJD sait-il gérer des communes?

On n’en sait rien. Même le PJD dit l’ignorer. En conférence de presse samedi 5 septembre, Benkirane a répété comme cela s’est passé jusqu’à présent, dans les communes gérées par le parti: “nous arrivons, nous regardons les comptes, nous dépensons en bon père de famille, les marchés sont passés d’une manière honnête, nous prenons soin de l’argent de la collectivité… et ça marche.  Les gens sont étonnés, car le changement est visible. Pourtant, nous n’avons fait qu’être honnêtes“.

8-Le Maroc change.

Moins d’achat de voix, moins de votes automatiques pour les notables, davantage de liberté et de politisation des votes: l’ordre ancien se débat mais l’ordre nouveau s’installe d’une manière inexorable.

A l’avenir, les partis devront se professionnaliser. La communication est centrale, on l’a bien vu dans le cas du PJD où la communication, dans la plupart de ses aspects, a été réactive, extrêmement performante, voire exemplaire.

Le contact avec l’électeur doit être permanent et commence le lendemain du scrutin. Elle est finie l’époque où on peut arriver les deux derniers jours et jouer les premiers rôles.

Aujourd’hui, il y a huit grands partis au Maroc. En restera-t-il autant à l’avenir?  Certainement pas. Mais on ne sait pas encore à quel rythme se fera le changement.

Le RNI et le PPS ont certes amélioré leurs positions par rapport aux scrutins précédents. Mais leurs scores ne reflètent ni la qualité des dirigeants, ni la qualité de la campagne qui a été faite. Le PPS n’a pas atteint la taille critique à laquelle il aspirait mais tout espoir n’est pas perdu. Il a besoin d’atteindre une taille plus importante pour pouvoir disposer de plus de moyens et faire des campagnes plus efficaces, car il est plus audible et populaire que plusieurs autres.

Pour le RNI, les doutes et la contre performance du PAM ouvrent un boulevard au plan idéologique. Ce parti pourrait devenir, s’il se donnait un contenu idéologique plus consistant, le contrepoids du PJD, un parti libéral sur tous les plans, y compris des libertés individuelles.

Depuis le milieu des années 80 sur le plan économique, puis les années 2000 sur le plan politique, le Maroc a opéré un virage libéral. Mais il n’a pas trouvé les leaders politiques capables d’en faire une idéologie.

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