Document. Ali Najab: «Enfin libre après 25 ans de calvaire» (4 et fin)

37 ans après avoir été capturé par le Polisario, le capitaine Ali Najab revient pour médias 24 sur les 25 années de captivité subies dans les camps de Tindouf. Témoignage émouvant d’un héros ordinaire, qui malgré les privations, continue de mettre la patrie au dessus de toute autre considération.

Document. Ali Najab: «Enfin libre après 25 ans de calvaire» (4 et fin)

Le 29 juillet 2015 à 10h08

Modifié 11 avril 2021 à 1h03

37 ans après avoir été capturé par le Polisario, le capitaine Ali Najab revient pour médias 24 sur les 25 années de captivité subies dans les camps de Tindouf. Témoignage émouvant d’un héros ordinaire, qui malgré les privations, continue de mettre la patrie au dessus de toute autre considération.

Dans ce dernier épisode, le capitaine Ali Najab revient sur sa libération intervenue en septembre 2003. Il évoque son combat pour faire libérer les derniers prisonniers marocains, ainsi que son engagement pour qu’ils obtiennent réparation.

- Après votre libération, vous est-il arrivé de rencontrer certains de vos anciens tortionnaires ?

- La comédienne Naima Lamcharki, qui travaillait à la HACA, avait créé une association pour la libération des détenus marocains. Après mon retour dans la mère-patrie, cette dame a invité d’anciens prisonniers à une réunion au sein de la wilaya de Settat, dirigée par un ancien du polisario.

J’étais dans le public quand Mohamed Admi alias Omar Hadrami  a annoncé être heureux d’accueillir un invité de marque. Me citant, il a dit devant l’assistance que j’avais été malmené par le polisario. Écœuré de la tournure des choses, j’ai décidé à la fin de la réunion de prendre le train pour rentrer à Rabat. À la gare, j’ai trouvé son chauffeur qui a lourdement insisté pour que je revienne chez le wali.

Arrivé devant la wilaya, j’ai retrouvé le wali tout sourire, se réjouissant de mon retour, tout en m’affirmant qu’il tenait à ce que je déjeune avec lui. Pendant qu’il tournait le dos à la façade de la wilaya, j’observais le drapeau marocain qui flottait au-dessus du bâtiment.

Je l’ai alors retourné en lui disant : Si Omar, vous ne trouvez pas que c’est mieux ainsi? Il m’a alors répondu : Mais c’est exactement pour cette raison que je suis rentré au Maroc.

Par la suite, j’ai vu Ayoub, le fameux chef militaire qui avait été mon tout premier contact avec les dirigeants ennemis du polisario après mon éjection en septembre 1978.

C’est à l’occasion d’une rencontre à l’hôpital militaire Mohamed V de Rabat avec un colonel major médecin qui l’avait opéré du cœur que je l’ai revu.

Une fois dans sa chambre, le médecin a dit : Ayoub, je te ramène un de tes copains. En entendant mon nom, il m’a enlacé, alors qu’il était branché à une perfusion. Visiblement ému, il n’a pas arrêté de chanter mes louanges, en me félicitant de lui avoir tenu tête lors de notre rencontre.

- Que pensez-vous de tous ces gens qui ont décidé de rentrer au pays après vous avoir combattu ? Est-ce de l’opportunisme ou ont-ils ouvert les yeux sur l’impasse dans laquelle ils étaient ?

- À mon sens, les motivations de chacun d’entre eux constituent un véritable casse-tête.

Une chose est cependant certaine, c’est qu’il y a eu deux problèmes qui nous ont desservis.

Le 1e est que nous avons longtemps délaissé ces populations aux mains des espagnols. Hormis les initiatives de certains nationalistes, nos partis politiques ont failli à leur mission de maintenir le cordon ombilical  avec notre Sahara.

Le 2e problème était d’ordre conjoncturel car l’époque était à une guerre froide paroxysmique entre les blocs communiste et capitaliste. Notre gauche n’a pas été perspicace face à la radicalisation de son aile soutenant l’abolition de la monarchie par le polisario.

L’Algérie a sauté sur ce conflit pour tronquer le Maroc de son Sahara et trouver ainsi un débouché géographique sur la façade atlantique.

N’étant pas parvenu à abolir la monarchie, l’URSS a chargé l’Algérie et la Libye de cette mission car ils pensaient que l’indépendance du Sahara aboutirait de facto au soulèvement du peuple marocain et à la chute de notre monarchie.

- Pensez-vous que le polisario est actuellement dans une impasse ?

- À partir du moment où il a commencé à utiliser des armes lourdes pour nous combattre, il a perdu la guerre contre le Maroc.

 

Je me demande si la décision de ne pas nous armer avec le matériel adéquat dès le début de la guerre pour faire face à la guérilla du polisario a été en fin de compte une idée géniale du défunt Roi.

Hassan II a attendu que le polisario atteigne une courbe asymptotique en matière d’armement avant de déterminer ce que le Maroc devait acheter comme matériel pour le contrer.

Si cela a été pensé de cette manière, c’est tout bonnement brillantissime car l’Algérie et le polisario sont tombés dans le piège en optant pour une guerre classique.

Pour faire face au mur de défense, ils n’ont eu d’autre choix que de s’équiper en armes lourdes et d’attaquer en masse face au Maroc aguerri à ce type de combat.

Si cette stratégie militaire a été projetée sciemment, notre pays a mis le temps qu’il fallait en payant un lourd tribut en vie humaines mais aura finalement triomphé.

Aujourd’hui, le polisario est à Tindouf en Algérie et non au Sahara.

- À l’international, la diplomatie algérienne a largement contribué aux 1er succès du polisario ?

 

-Évidemment, car nous n’avions pas les mêmes moyens financiers et nos diplomates n’étaient pas à la hauteur des événements.

 

Cela a changé depuis mais à l’époque, nos représentants à l’ONU, nos ambassadeurs et les chefs de nos partis politiques n’avaient pas une connaissance solide du dossier du Sahara, ni de connaissances stratégiques car ils n’étaient pas informés de ce qui se passait sur le  champ de bataille

Heureusement, les militaires surtout les soldats, les officiers subalternes et les pilotes n’ont jamais manqué de courage car ils étaient conscients de défendre un idéal nationaliste.

J’ai remarqué chez nous autres prisonniers que nous n’étions pas la somme de nos intérêts mais plutôt la somme de nos dons pour la patrie.

- Le 1er septembre 2003, vous êtes enfin libéré après 25 années de captivité moins une semaine ?

- Quand la Croix Rouge est venue à notre rescousse, le mal était déjà fait : les maladies de toutes sortes et notre contingent- à lui seul comptait 46 morts enterrés à 3 kilomètres de l’actuel  quartier général de Mohamed Abdelaziz.

Quand elle a mené son enquête au nom de France Libertés à Tindouf, madame Danielle Mitterrand en a répertorié 120.

La Croix Rouge nous a cependant aidés en dissociant la libération de tous les prisonniers du processus de paix au Sahara. Elle a négocié une journée de repos par semaine et a acheminer notre courrier et des colis de médicaments ou de vivres.

Nous avons fait partie du 6e ou du 7e contingent de prisonniers libérés. Deux ou trois jours avant notre libération, nous avions senti que quelque chose se tramait. Cela n’a pas été une surprise car nous étions au courant du mouvement de libération précédent.

Le Congrès américain, le CICR et les Nations-Unis ont certainement fait pression sur l’Algérie, le polisario et les ONG qui le soutenaient. Ces ONG ont exigé de faire libérer les prisonniers en contrepartie de la poursuite de leurs supports financier, alimentaire ou même diplomatique.

Nous avons donc été monnayé contre des intérêts purement mercantiles. C’est l’ancien chef du gouvernement espagnol qui a exigé du polisario que les officiers marocains soient libérés.

- Comment avez-vous été accueilli à votre retour au Maroc ?

- Le moins que l’on puisse dire est que l’accueil réservé a été glacial de la part de notre hiérarchie militaire. Pour se justifier, nos interlocuteurs ont préféré garder le mutisme et ont affiché une attitude pusillanime.

Nous ne perdons cependant pas l’espoir qu’un jour,  SM le Roi nous convoque pour se pencher sur nos problèmes d’anciens prisonniers. Quelle que soit sa décision, nous l’accepterons les yeux fermés.

- N’est-il pas du devoir de vos anciens camarades des FAR devenus généraux de vous soutenir ?

- Je refuse de leur parler, car ils n’ont rien fait pour nous défendre en expliquant la nature de nos efforts et de nos sacrifices. Je tiens cependant à rappeler une exception notable pour nous pilotes de chasse, car nos bases aériennes nous ont organisé une grande fête.

 Le commandement de notre armée aurait dû faire un geste de reconnaissance pour sauvegarder la réputation de l’armée royale en traitant dignement ses prisonniers.

Nos prisonniers ont tous fait leur devoir et doivent être reconnus comme tels, car malgré les tortures endurées, ils n’ont jamais pensé à trahir leur mère-patrie.

- Que réclamez-vous concrètement du Maroc, après toutes ces années de souffrance ?

- Avant toute chose, un devoir de reconnaissance, avec un geste pour nous permettre de retrouver notre dignité.

Nous avons été envoyés à la retraite avec le grade que nous avions quand nous avons été faits prisonniers. Les généraux 3 étoiles étaient capitaines comme moi à l’époque, je ne leur en veux pas d’avoir franchi les échelons, mais nous aussi avons rempli notre part du contrat.

- Comment arrive t-on à reconstruire sa vie après 25 ans de captivité et de tortures diverses ?

- Je suis très chanceux,car j’ai trouvé ma famille soudée autour de ma personne et de mes épreuves. Ma femme m’a attendu pendant tout ce temps et j’ai retrouvé ma fille, qui a fait de moi un papa et un grand-père heureux.

J’estime sincèrement être le plus chanceux des prisonniers de guerre au Maroc, mais ce n’est pas le cas pour de nombreux frères d’armes. Je ne cherche pas à monnayer mon statut en quémandant quoi que ce soit auprès de qui que ce soit.

Ce que j’ai donné à mon pays n’a pas de prix, même si au final, j’estime n’avoir fait que mon devoir. Ce n’est pas une raison pour oublier nos martyrs, les veuves, les orphelins et les libérés souffrant de contingences matérielles médicales etc.

Cette reconnaissance peut prendre plusieurs formes comme des compensations financières, une cérémonie officielle, l’inauguration d’un monument aux morts sans distinction de grade ….

Quand je suis sorti de captivité, un soldat non libérable m’a dit : Ne nous oubliez-pas, mon capitaine Dans cette simple phrase, tout est dit, car tout le Maroc a un devoir de mémoire et de reconnaissance.

C’est pourquoi, dès notre libération, nous avons fondé une association que feu le général Bennani nous a refusée. Cela ne nous a pas empêché de mener une sensibilisation à l’international, pour libérer les 404 prisonniers restés derrière nous à Tindouf.

Je me suis rendu à Genève et j’ai pris contact avec le CICR. J’ai fait un témoignage poignant à la 4e  Commission des Nations-Unies à New York.

Avec un groupe de 6 camarades, nous avions agi auprès du Congrès américain à Washington et rencontré John Mc Cain puis Human Rights Watch, Freedom House et tant d’autres.

Nos actions ont porté leurs fruits et nos camarades furent libérés en 2005 et ramenés à Agadir par un sénateur américain.

Si je me suis beaucoup investi pour faire libérer nos 404 derniers prisonniers en août 2005, la page n’est pas tournée pour autant, car je milite toujours pour que leur situation soit prise en compte.

L’État, l’armée et la société civile ont un devoir de mémoire et de reconnaissance envers nos martyrs et nos prisonniers, c'est-à-dire une dette.

Pour s’en acquitter, il faut pérenniser ce devoir de mémoire et de reconnaissance. C’est la condition sine qua non pour forger chez nos citoyens et chez les générations montantes, le sens du devoir, du dévouement et du sacrifice.

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