L'érudit Abdelhadi Tazi tire son ultime révérence: un monument s'en va!

Prof Abdelhadi Tazi est décédé ce jeudi à l'âge de 94 ans, après une vie riche d'écrits, d'annotations, de recherches et de rebondissements.  

L'érudit Abdelhadi Tazi tire son ultime révérence: un monument s'en va!

Le 3 avril 2015 à 9h50

Modifié 3 avril 2015 à 9h50

Prof Abdelhadi Tazi est décédé ce jeudi à l'âge de 94 ans, après une vie riche d'écrits, d'annotations, de recherches et de rebondissements.  

"En Afrique, quand un vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui brûle", aimait à dire l'écrivain malien Amadou Hamapâté Bâ (1901/1991). A une nuance près, au Maroc c'est un érudit qui vient de rendre l'âme: Prof Abdelhadi Tazi tire son ultime révérence.

Difficile en fait de circonscrire la vie et encore moins l'œuvre de quelqu'un qui, comme Prof Tazi a très tôt fait du brouillage des frontières une ligne de conduite, un style de vie, un crédo. L'homme est d'une épaisseur telle qu'il échappe au classement, le personnage est si dense qu'il se joue de toute indexation.

Tous ceux qui l'ont côtoyé ou connu de plus près garderont de lui l'image d'un homme d'une taille moyenne et constamment en costume-cravate. D'autres se rappelleront de ces yeux étincelants d'une intelligence impressionnante. Mais d'aucuns n'oublieront de sitôt la stature imposante de l'homme qui irradie d'une modestie hors du commun, combinée à la simplicité d'un enfant qui se refuse à grandir.

C'est que derrière ce regard presque naïf, mais combien profond et pénétrant, se cachent l'avidité d'un chercheur, la curiosité d'un journaliste, la précision d'un historien, la rigueur d'un juriste, la finesse d'un diplomate, la dextérité d'un écrivain, bref...la grandeur d'un érudit.

"Le fqih (érudit) est le titre qui me convient le mieux au vu de ma formation initiale à Fès et précisément à la Mosquée Al Qarawiyine dans son ancien cursus", a expliqué feu Tazi lui-même dans l'une de ses dernières interviews.

Né le 15 juin 1921 à Fès dans une famille ayant, à la fois, servi auprès des Sultans Hassan Ier et Moulay Abdelaziz, et à l'origine de l'introduction au Maroc de la première imprimerie, "j'ai évolué dans un milieu où politique et culture font bon ménage", dira-t-il.

Du haut de ses 90 ans, la mémoire toujours aussi vive, le défunt ne s'est jamais départi de ses origines ni comment il est entré, à l'âge de 9 ans après avoir appris par coeur le Coran, en différend avec son père qui le prédestinait pour une carrière à la Mosquée Al Qarawiyine.

La grandeur d'un érudit

En diplomate né, le jeune Abdelhadi a opté pour une école moderne comme il l'entendait, mais sans jamais rompre avec la célèbre Mosquée "que je n'ai quitté qu'en période de prison" et d'où il obtiendra au grand bonheur de son père, en 1947, une licence (Aâlimiya), l'auréolant du titre de Aâlem (érudit), son titre préféré.

Dans un Maroc sous Protectorat, le jeune Abdelhadi, à l'instar de nombre de ses semblables à l'époque, a fait la taule à deux reprises, à l'âge de 14 et 17 ans, en raison de leurs activités politiques et culturelles au moment où montait l'étoile du Mouvement national.

Dans la foulée, un certain Ahmed Balafrej (un des fondateurs du Parti de l'Istiqlal) éveilla en le jeune homme l'intérêt pour la diplomatie, en l'assurant que la majorité des ambassadeurs du Maroc étaient, par le passé, des lauréats d'Al Qarawiyine.

Nommé fonctionnaire au ministère de l'Education nationale, le jeune Abdelhadi décida de s'inscrire à la moderne Université Mohammed V de Rabat d'où il obtint un DES sur la dynastie Almohade, prélude à un doctorat de l'Université d'Alexandrie en Egypte.

La boule de feu que le jeune "aâlem" portait en lui-même allait le propulser vers d'autres espaces autrement plus vastes et plus insondables, dès le jour où il fut nommé ambassadeur du Maroc en Irak.

"J'ai dit à l'époque combien j'étais heureux de servir de lien dans l'Histoire du Maroc, en me voyant perpétuer la mission de l'Imam Abdellah Ibn Al Arabi que le Sultan Youssef Ben Tachefine a nommé ambassadeur à Bagdad", expliquera-t-il.

Et c'est précisément à partir de Bagdad qu'il entamera l'écriture de "L'Histoire de la diplomatie marocaine" (15 tomes) et tissera une large trame de connaissances dans nombre de pays du Moyen-Orient où il multipliera ses missions d'ambassadeur, notamment en Libye, aux Emirats Arabes Unis et en Iran, à partir d'avril 1979.

Chargé de mission au Cabinet royal, feu Tazi a enseigné et donné d'innombrables conférences sur l'Histoire des relations internationales et autres sujets relatifs à la civilisation et à l'Histoire dans plusieurs facultés et établissements supérieurs, à l'intérieur du Maroc comme à l'étranger.

Auteur et collaborateur avec plusieurs publications, ouvrages et traductions de recherches et de livres en Arabe, Français et en Anglais, il fut le Président-Fondateur du Club diplomatique du Maroc, président de la VIème Conférence Mondiale des Noms Géographiques (New-York) et membre notamment de l'Académie Irakienne des Sciences, de l'Académie de langue Arabe au Caire, de l'Institut Arabo-Argentin, de l'Académie de langue arabe de Jordanie, de l'Académie de langue arabe de Damas et de l'Institut du patrimoine islamique (Londres).

Membre du comité fondateur de l'Académie du Royaume du Maroc, dont il a obtenu le Statut de membre en avril 1980, il a été nommé, en novembre 2004, membre correspondant de l'Institut Italien pour l'Afrique et l'Orient (ISIAO), avant d'être choisi, trois ans plus tard, membre du conseil scientifique de l'instance "Le Dictionnaire Historique" (Egypte).

Il a été aussi décoré du wissam du Trône en 1963, de l'insigne de l'Etat Irakien "Wissam Arrafidayne" (Irak 1968), du Cordon de la capacité intellectuelle de classe exceptionnelle (Maroc 1976) et de la Médaille d'Or de l'Académie du Royaume (1982), en plus du wissam Al-Arch de l'ordre de Grand officier.

L'homme qui a affiché au compteur plus de 1280 vols par avion à sillonner le monde disait, de son vivant, que "sans l'Université Al Qarawiyine, le Maroc serait aujourd'hui un pays parlant une autre langue hormis l'arabe et peut-être un peuple croyant à une autre religion hormis l'Islam".

La dépouille du défunt, connu entre autres pour avoir porté au firmament la biographie de son semblable Ibn Battuta, sera inhumée ce vendredi à Fès, au mausolée du non moins célèbre soufi "Abi Bakr Ibn Al Arabi", un autre symbole, un autre registre, un monument de plus.

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