Jihadismes, symptômes et bombes à retardement

Une conférence internationale réunissant des experts arabes, asiatiques et européens sur le jihadisme européen et ses conséquences sur la sécurité dans l’espace euro-méditerranéen dresse le constat d’une situation inquiétante face à laquelle les premières réponses se mettent progressivement en place.

Jihadismes, symptômes et bombes à retardement

Le 25 mai 2014 à 17h53

Modifié 11 avril 2021 à 2h35

Une conférence internationale réunissant des experts arabes, asiatiques et européens sur le jihadisme européen et ses conséquences sur la sécurité dans l’espace euro-méditerranéen dresse le constat d’une situation inquiétante face à laquelle les premières réponses se mettent progressivement en place.

Qui sont les jihadistes? Comment sont-ils organisés et financés? Quelles sont les conséquences du jihadisme européen sur la sécurité en Méditerranée? Quelles sont les stratégies de gestion du retour des jihadistes? ont été les principales questions abordées par cette conférence organisée par le Centre marocain d’études stratégiques (CMES).

Des jihadistes opposants et des jihadistes pro-Assad

Sur le profil des jihadistes, «cartographie d’un modèle qui n’existe pas» a rappelé le chercheur Jean-François Daguzan, le consensus des experts et des observateurs avance aujourd’hui un chiffre maximum de 35.000 combattants étrangers dans la guerre civile syrienne dont 3.000 européens, 1.500 Marocains et 2.000 Tunisiens.

Agés en moyenne de 25 à 35 ans ils sont aussi en majorité des hommes et sont mariés. S’agissant des Marocains, ils se retrouvent en majorité au sein de Harakat Sham al Islam (HSI) dirigée, jusqu’à sa mort, il y a quelques semaines, par Brahim Benchekroun. C’est dans cette mouvance qu’opérait également Ahmed Chaâra, alias Abou Hamza Al-Maghribi,  un homme originaire de Tanger qui était parti en Syrie avec sa femme et ses enfants. Ce fut la première fois, en novembre dernier, que l’on vit des combattants jihadistes mineurs, info révélée à l’époque par Médias 24.

Selon les experts, la création de ces phalanges nationales répond au souci de filtrer et de contrôler les adhérents au groupe tout en facilitant la communication et en préparant d’éventuelles actions dans les pays d’origine.

A noter que parmi les 35.000 étrangers qui combattent en Syrie, ceux-ci se retrouvent autant du côté de l’opposition islamiste et laïque que du côté des soutiens du régime d’al Assad avec le Hezbollah libanais, les chiites irakiens ou les pasdarans iraniens. Depuis le début de la guerre en Syrie en mars 2011, 150.000 mortsont été enregistrés et 3 millions de Syriens, sur une population globale de 22 millions en 2010, ont fui leur pays vers la Turquie, le Liban et la Jordanie voisins, mais également vers le Maroc et l’Europe de l’ouest.

Selon des intervenants, plus le conflit syrien dure,- tout comme le conflit israélo-palestinien «perçu comme une atteinte à la dignité arabe et musulmane-, avec son cortège d’images de massacres, de manifestations, de villes détruites et d’attaques chimiques, et ses flux sur les réseaux sociaux et les télévisions satellitaires, plus la radicalisation et l’auto-radicalisation de jeunes continueront leur marche …». «Il y a un génocide en cours en Syrie a rappelé un expert émirati, et les Arabes et les musulmans regardent».

«L’islam est religieux et spirituel mais aussi une relation sociale et une relation au politique» a rappelé un expert

 «Aller en Syrie pour un jeune, rappellera Olivier Kempf, n’est pas une conversion à l’Islam mais la conversion à un modèle politique de combat. Les jihadistes d’aujourd’hui viennent de Tanger ou de Tunis, de Fnideq et Melilia, mais aussi de la banlieue parisienne, sont parfois diplômés ou «gaulois» convertis.

Pour le financement des cellules, le jihadisme en Syrie dispose de deux sources principales, notamment koweitiennes pour ce qui de HSI, et de trafics divers comme celui de la drogue pour certaines filières marocaines. Ailleurs, braquages de banques et trafics d’armes fournissent des ressources également. Recrutements et soutiens se font sur la base des connaissances personnelles et du voisinage, mais également à travers les réseaux sociaux ainsi que les séjours en prison.

Périls sécuritaires

Les conséquences sur la sécurité dans l’espace méditerranéen et européen si elles restent encore limitées peuvent se révéler importantes à terme. Le retour des jihadistes vers le Maroc ou la Tunisie, directement ou via la Libye, ou bien le retour des jihadistes vers l’Espagne,  la France, la Belgique ou les Pays-Bas peuvent se traduire demain en unes de journaux informant de coups d’éclat terroristes.

 La faiblesse de la stabilité en Irak, l’interaction entre réseaux criminels et réseaux terroristes, l’ambition de groupes intégristes syriens de fonder un Etat islamiste entre la côte syrienne et la frontière avec l’Irak dans le nord syrien pointent l’origine de certaines menaces. Mais la création de zones de non-droit dans certains quartiers de villes maghrébines ou européennes, en territoire libyen, libanais ou syrien fournit aussi le terreau pour le renforcement des réseaux jihadistes.

Dans cette optique, les Etats ont choisi également de mettre en œuvre des mesures pour limiter les départs et gérer les retours. Les premières sont des mesures répressives et dissuasives comme les appels de religieux dans le monde musulman ou en Europe pour indiquer que le combat en Syrie n’a rien du devoir religieux. S’agissant de la gestion du retour, il s’agit de limiter les options de la prison et de la répression pour s’orienter vers un travail de persuasion et de négociation, une approche marquée de clémence qui n’exclut pas la fermeté sur les résultats de neutralité et de contribution à amplifier la déradicalisation des jeunes tentés par le combat jihadiste en Syrie.

A côté de cela il y a des options structurelles, coûteuses mais nécessaires à mettre en œuvre pour dissuader de partir et d’économiser ainsi les coûts de la gestion des retours. Il s’agit de voir selon de nombreux experts  “l’adéquation entre territoire, éducation et emploi“, sans omettre l’aspect identitaire.

En substance disent ces experts, «les mauvaises conditions de vie urbaines, dans l’absolu ou relatives, la pauvre qualité du système éducatif et la piètre situation de l’emploi qui touche en majorité les jeunes constitue le terreau fertile qui exige du courage et des idées politiques». «Le territoire a rappelé Olivier Kempf vendredi à Tanger, est un espace et l’expression d’une politique».La mauvaise gestion de permis de construire est une affaire de corruption et aussi d’encouragement au terrorisme.

Des coopérations hésitantes

Sur le terrain en Turquie ou sur la frontière avec la Syrie, les services collaborent pour «limiter la casse» et repérer les filières. En France, en Belgique, aux Pays-Bas et au Maroc des stratégies de dé-radicalisation sont mises en œuvre.  A un niveau plus politique et plus global, entre des Etats du Maghreb divisés et une Europe à la décision militaire et diplomatique hésitante, la coopération officielle entre le Nord et le Sud de la Méditerranée n’est pas placée sous les meilleurs auspices. «Nous ne sommes pas des voisins, a voulu rappeler un ancien ministre tunisien vendredi à Tanger, nous sommes copropriétaires de notre destin». Mais des ménages au revenu annuel per capita de 3.000 euros vivent-ils véritablement sur le même palier que des ménages à 45.000 euros de revenu annuel per capita avec ce que cela implique comme proximité culturelle, d’intérêts et de préoccupations notamment?

Un peu paralysée, politiquement lasse d’être constamment sollicitée pour payer, en retrait sur le plan internationale, l’Europe semble hésiter sur la stratégie à adopter. Quant au sud, il ne semble pas 60 ans après les indépendances vouloir cesser de continuer à demander assistances financières sur assistances financières.

En matière euro-méditerranéenne, l’Europe, moins riche, réévalue ses politiques. Le représentant de l’UE l’a rappelé vendredi à Tanger.  Un sentiment renforcé par l’état politique actuel du monde arabe et le désordre qui continue de régner à Tripoli ou au Caire. Les nouvelles formes de coopération  restent à inventer. Les anciens instruments n’agissent plus. La crise économique et identitaire au nord conjuguée à la crise identitaire et aux désordres politiques au sud de la Méditerranée rendent obligatoirement la recherche de solution plus exigeante.

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