Rochdi El Bouab, la passion de l’hôtellerie

A 21 ans, il perdait la vue. A 23 ans, il était directeur général d’un hôtel 5 étoiles (le futur Hyatt). A 31 ans, il dirige La Mamounia. Rochdi El Bouab est un passionné du tourisme, métier qu’il a choisi très jeune, par vocation. Portrait.  

Rochdi El Bouab, la passion de l’hôtellerie

Le 31 mars 2014 à 12h42

Modifié 31 mars 2014 à 12h42

A 21 ans, il perdait la vue. A 23 ans, il était directeur général d’un hôtel 5 étoiles (le futur Hyatt). A 31 ans, il dirige La Mamounia. Rochdi El Bouab est un passionné du tourisme, métier qu’il a choisi très jeune, par vocation. Portrait.  

Du haut de ses 35 ans d’expérience, Rochdi El Bouab parle de son parcours avec une grande émotion. Lorsqu’il évoque, non sans fierté, les exploits de sa jeunesse et ses premiers pas dans l’hôtellerie, ses réussites, ses couacs et ses projets, ses gestes témoignent d’un profond ravissement. C’est que, depuis ses plus jeunes années, il a nourri une passion très forte pour ce métier, pourtant peu attrayant à cette époque-là. Portrait d’un poids lourd du tourisme.

Né à Fès, en 1950, Rochdi El Bouab fait ses études au lycée Lyautey, d’où il décroche son baccalauréat en 1967.

Brillant et passionné, il jette son dévolu, malgré les réticences de son père, sur l’Ecole de l’Hôtellerie de Rabat, qui bénéficie d’un partenariat avec la France. «Pour mon père, l’hôtellerie signifiait garçon de café», sourit-il. Il va très vite briser ce cliché, lorsqu’il remportera, alors qu’il n’a que 19 ans, une bourse «très intéressante» en Allemagne. Il obtiendra tous ces diplômes en 1971. «J’allais plus vite que la musique», dit-il.

Hélas, de retour au bercail, le «destin» va freiner l’élan de cet amateur de sports mécaniques : à la suite d’un malheureux accident il perd la vue à l’âge de 21 ans. Dieu merci, cela ne durera que quelques mois.

«Je l’ai retrouvée grâce aux médecins, à mes parents et à Dieu.» Ses projets remis à son corps défendant aux calendes grecques reprennent alors des couleurs et il s’envole à nouveau pour Munich afin de suivre une nouvelle formation, qu’il réussira avec brio.

Quand il regagne ses pénates, en 1972, la société allemande Europahotel, qui compte plusieurs établissements au Maroc, lui confiera la direction de l’hôtel le plus important de Casablanca: le Hyatt (qui s’appelait alors le Casablanca), un 5*. «Je n’avais que 23 ans mais je travaillais beaucoup, pendant que mes copains faisait la fête», se souvient celui que l’on qualifiait dans le secteur du plus jeune directeur. Sans délaisser, toutefois, ce sport auquel il tient comme à la prunelle de ses yeux, les courses automobiles, ainsi que la chasse.

C’est ainsi que Rochdi El Bouab a pris son envol.

«A cette époque-là, analyse-t-il, bien qu’il existait des TO et des sociétés de transport, l’activité était faible. Le tourisme local ne représentait que 5 % du taux d’occupation des hôtels, car les Marocains passaient leurs vacances chez leurs familles.» Cela n’empêchait pas pourtant le secteur de se développer car «le Roi Hassan II avait donné ses instructions pour que les hôteliers misent sur le tourisme raffiné, lassant le tourisme de masse à nos voisins tunisiens. D’ailleurs, un touriste au Maroc dépensait trois fois plus qu’un touriste en Tunisie», nous explique-t-il.

Ayant fait ses preuves, le jeune directeur s’est vu confier, en 1975, l’ouverture et la direction d’un autre établissement luxueux, le Mövenpick de Tanger. Cela coïncidait avec la Marche verte, un moment dont il garde un souvenir spécial.

Une anecdote ? «Quand je suis revenu à Casablanca, j’assurais la préparation de 5.000 poulets par jour pour ceux qui y participaient.» Une deuxième ? «A l’annonce de la Marche verte, l’euphorie était telle que près de la moitié de mon personnel tenait à y participer, au risque de perdre leurs postes.»

Là encore, son sérieux et sa rigueur ont fini par payer puisqu’il s’est vu, quelques années plus tard, nommé, en 1981 et 1983, directeur général de La Mamounia puis de la chaîne Safir - devenue Golden Tulip - et ses  huit établissements dans le royaume. Chaîne qu’il a quittée en 1987 pour fonder son propre groupe, Kenzi Hôtels. Aventure à laquelle s’est joint Abdellatif Kabbaj en tant qu’actionnaire en 1992. «Mais nous avons dû nous séparer car on ne voyait pas l’avenir du groupe  sous le même angle», déclare l’ex-PDG de Kenzi.

Les divergences étaient d’ordre stratégique: «Lui voulait investir davantage et acheter des hôtels, tandis que moi je partais du principe que si le gens nous faisaient confiance, ils nous donneraient leurs hôtels en gestion et c’est du win-win.»

Le différend, pour lui, était clair: «il y a toujours conflit d’intérêts dans une ville où l’on a un hôtel en propriété et un hôtel en gestion. Il suffit que notre établissement en propriété marche un peu mieux que l’autre pour que les problèmes commencent.» La deuxième divergence ? «Mon associé  voulait que le développement du groupe se limite au cadre national, alors que, moi, j’avais des visées internationales »

 «Juste après, le groupe Kabbaj a acheté un hôtel à Errachidia, alors que nous avions, dans cette ville, un hôtel en gestion qui appartenait à un notable de la ville. Le jour où les travaux ont pris fin, le propriétaire est venu me voir pour me faire part de son mécontentement et on a perdu l’établissement.» Avec deux maîtres à bord, le bateau, qui commençait déjà à vaciller, risquait de couler. «On a donc mis les actions sur la table et c’est lui qui les a achetées.»

En quittant le navire, il a laissé à Abdellatif Kabbaj 16 établissements pour se lancer dans une nouvelle aventure, en tant que président de la filiale marocaine de la chaîne allemande Dorint.

Sauf que, là encore, un litige l’opposant à Abdelhadi Berrada, propriétaire de Hôtel Royal Anfa, l’a poussé à jeter l’éponge, en 2005, bien que la justice se soit prononcée en sa faveur. «Nous avions un contrat de gestion de l’établissement, mais le propriétaire a changé d’avis la veille de l’ouverture. J’ai eu gain de cause il y a 5 mois. La justice m’a dit que je pourrais reprendre l’hôtel, mais j’ai tourné complètement cette page.»

Mais à quelque chose malheur est bon. Dès l’éclatement du litige, en 2005, Dorint Hotels se retire du Maroc et Rochdi El Bouab prend la direction de Golden Tulip, chaîne à laquelle il va se dévouer corps et âme. Résultat : le groupe brasse un chiffre d’affaires de 400 millions de DH et gère aujourd’hui 12 hôtels et prévoit de passer 18 en 2014, et à 25 en 2015. «Nous travaillons actuellement sur 11 hôtels à Tanger, Casablanca, Agadir et à Marrakech», annonce-t-il. Un autre projet est en cours à Marrakech avec un concept nouveau.

En stratège qui, tout en voyant grand, garde les pieds sur terre, ce Fassi d’origine n’hésite jamais à reculer, pour peu que cela lui permette de mieux sauter. La rupture du partenariat avec la chaîne hôtelière de Ynna Holding en décembre en est l’exemple le plus récent : à peine le contrat conclu, l’enseigne de la famille Chaâbi a augmenté son chiffre d’affaires de 30 %. «Bien que ce soient des hôtels sans alcool», précise-t-il. La raison de la séparation ? «C’était ingérable avec  deux maîtres à bord», explique le PDG de Golden Tulip. «Ils ne concevaient pas, poursuit Rochdi El Bouab, que la gestion puisse être la chasse gardée de Golden Tulip. Miloud Chaâbi m’a dit un jour qu’il adorait conduire, ça veut tout dire.»

On ne vend que des services

2020 est-elle une vision chimérique ? Pas le moins du monde, d’après ce vieux de la vieille. L’objectif est réalisable, pour peu que deux conditions soient remplies : la formation et l’accès au crédit.

«La formation constitue la première faille du Maroc», lâche-t-il.  «Il y a une norme qu’il faut respecter : quand vous posez la première pierre d’un hôtel, pour chaque chambre que allez construire, vous devez mettre quelqu’un en formation. Ainsi à l’ouverture de l’hôtel, vous avez des employés bien formés. On a tendance à oublier que l’on ne vend que des services.» La réalité est que le nombre de chambre croît mais la formation laisse à désirer, tant sur le plan qualitatif que quantitatif. «Du coup, on débauche les gens et on participe à une forme de surenchère qui ne profite pas à l’activité», analyse-t-il.

Le deuxième frein, qui est plus problématique selon El Bouab, est la réticence des banques, combinée à une absence d’aide de l’Etat : «Dans les années 70, l’Etat intervenait pour accorder jusqu’à 20 % du coût d’investissement en crédit sans intérêt et la banque entre 40 et 50 %. Le promoteur, lui, ne participait qu’à hauteur 30 %. D’où cette prolifération des hôtels qu’a connu le secteur à cette époque-là. »

Révolu le temps où les banques accueillaient les bras ouverts les professionnels du tourisme. Aujourd’hui, le plafond ne dépasse guère 40 % du montant global et les garanties sont plus contraignantes. «En plus de l’hypothèque totale, alors que le crédit ne correspond qu’à la moitié de l’investissement, il faut obligatoirement déposer la caution personnelle. Or celle-ci pose un gros problème pour l’investisseur, car c’est sa famille qu’il met en danger», souligne l’ancien directeur de La Mamounia, précisant que les banques lui demandent actuellement des cautions personnelles, que le propriétaire refuse de donner, pour quatre projets.

Ces deux failles expliquent-elles à elles seules le repli des recettes ? «C’est à cause du low cost d’abord. Mais il faut dire aussi que nous n’avons pas du tout profité du printemps arabe. Pendant que la Turquie était au devant de la scène, on a préféré, nous, attendre. C’est de notre faute», tranche-t-il, avant de poursuivre, le sourire en coin : «Et, là, je crains vraiment la reprise de l’activité en Tunisie.» Un changement stratégique s’impose-t-il ? Selon l’hôtelier, il suffit de faciliter l’accès aux crédits bancaires et de miser sur la formation. « Le reste est jouable. »

Côté promotion, la Russie et la Chine représentent, à ses yeux, des marchés juteux auxquels il faut désormais s’adresser. «Avec le tandem Zouiten-Haddad, l’objectif est réalisable.» Amen !

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