L'intégrité des partis et l'exemplarité des politiques seront les clés des prochaines élections

Entre la mise en place d’un code de déontologie parlementaire et la révision du mécanisme de déclaration obligatoire de patrimoine, des mesures pour moraliser la vie publique sont en cours de préparation ou encore au stade de la réflexion. Détails.

L'intégrité des partis et l'exemplarité des politiques seront les clés des prochaines élections

Le 24 mars 2024 à 16h12

Modifié 24 mars 2024 à 16h12

Entre la mise en place d’un code de déontologie parlementaire et la révision du mécanisme de déclaration obligatoire de patrimoine, des mesures pour moraliser la vie publique sont en cours de préparation ou encore au stade de la réflexion. Détails.

Tout indique que les prochaines élections seront placées sous les thèmes principaux de la moralisation de la vie publique et de l’intégrité des acteurs politiques. Et pour cause, ces dernières années ont été marquées par de nombreux scandales, d’accusations et de condamnations dont les protagonistes sont des élus ; le tout accompagné par un ras-le-bol général contre la corruption et une ambition de changement et de développement commune que les candidats aux prochaines élections ne pourront pas ignorer. Cette situation mine d’ailleurs la confiance dans les élus eux qui précisément, sont chargés de gérer les affaires publiques.

Cette demande de moralisation est avant tout avancée par le Roi Mohammed VI qui, dans son dernier message adressé au Parlement, a indiqué qu’il "convient de moraliser la vie parlementaire par l’adoption d’un code de déontologie". Celui-ci n’a pas encore vu le jour, mais il viendra compléter l’arsenal juridique actuel, assez faible, en matière de prévention et de lutte contre la corruption sous toutes ses formes.

Après tous les scandales de ces dernières années − derniers mois surtout − l’on perçoit une très forte demande de moralisation. La manière la plus démocratique de la mettre en œuvre est la réponse institutionnelle, c’est-à-dire à travers des lois, des systèmes de gouvernance et de contrôle, etc.

Comment un code de déontologie parlementaire peut-il contribuer à moraliser la vie politique ? Quels sont les domaines à réglementer ? Quelles actions ont déjà été réalisées dans ce sens au Maroc ? Et quelles sont celles que l’on relève à l’étranger ?

> Instaurer la déclaration d’intérêt pour prévenir le conflit d’intérêt

En décembre dernier, Médias24 a révélé les détails exclusifs d’un avant-projet de loi contre le conflit d’intérêt, établi par le gouvernement, qui a répondu favorablement au plaidoyer de l’Instance anti-corruption (INPPLC). Ce texte couvre un large spectre de responsables publics, qui va des ministres à la police judiciaire.

Ce texte, s’il était adopté, revoit que les intéressés seront sanctionnés en cas de défaut de "déclaration d’intérêt", un régime analogue à la déclaration obligatoire de patrimoine (DOP) mais propre aux situations de conflits d’intérêts.

À l’heure actuelle, la législation nationale ne compte aucun cadre spécifique au conflit d’intérêt. Cette notion est évoquée dans des textes épars, sous plusieurs formes (cas d’incompatibilités, non cumul des salaires et des fonctions, etc.) et propre à des domaines et des responsabilités publiques diverses. Mais ces différents régimes n’apportent pas de définition claire à ce type de comportement. Ils ne permettent pas, non plus, de cerner l’ensemble des situations de conflit. L’arsenal en vigueur pêche également par manque d’outils institutionnels, d’enquêtes et de prévention contre cet important foyer potentiel de corruption.

Selon ledit texte, les défauts de déclaration seront passibles de révocation couplée à l’interdiction, pour le contrevenant, d’assumer toute responsabilité pendant dix ans. Le texte prévoit des amendes (de 1.000 à 20.000 DH) en fonction de la gravité ; du retard de déclaration au défaut de celle-ci.

> Mandats non cumulables (incompatibilités)

Conseillers ou représentants, les incompatibilités sont globalement les mêmes quand il s’agit d’un mandat parlementaire. Selon la loi en vigueur, celui-ci n’est pas cumulable avec les fonctions de présidence d’un conseil régional, d’un conseil de préfecture ou de province. À ces incompatibilités sont venues s’ajouter, en 2021, celles avec la présidence des conseils de communes dont le nombre dépasse les 300.000 habitants. L’incompatibilité entre ces deux mandats vise à assurer la pleine disponibilité du président ou maire dans les grandes villes.

Les incompatibilités concernant les membres des collectivités territoriales sont, quant à elles, contenues dans la loi organique n° 59.11. Le mandat de membre du conseil de la région est incompatible avec tout emploi rémunéré en totalité ou en partie sur le budget de la région ou d’un établissement public régional. La règle de non-cumul vaut également pour les fonctions de concessionnaire, gérant ou entrepreneur de services publics régionaux. Il en est de même vis-à-vis des mandats de membre d’une préfecture ou de province, ainsi qu’avec la présidence d’une chambre professionnelle.

Le cumul des mandats est donc restreint par les dispositions légales. Mais doit-il être totalement interdit ? Une telle mesure permettra-t-elle d’assurer une meilleure transparence parmi le personnel politique ?

> Révision du mécanisme de déclaration obligatoire du patrimoine

Dans son rapport annuel (2022-2023), la Cour des comptes a mis en exergue l’inefficacité du système actuel de déclaration de patrimoine. Une observation précédemment soulevée, et à multiples reprises, par l’Instance nationale de probité, de prévention et de lutte contre la corruption (INPPLC).

La Cour des comptes a dressé le bilan de la déclaration obligatoire de patrimoine et a annoncé préparer un rapport exhaustif en vue d’améliorer le système de déclaration de patrimoine dans sa globalité et de revoir à la hausse son efficacité.

Pour de nombreux observateurs et experts, le mécanisme de déclaration de patrimoine est inefficace. Il doit être renforcé, notamment par la mise en place d’une loi spécifique visant à lutter contre l’enrichissement illicite dans laquelle la charge de la preuve doit incomber à la personne concernée, bien qu’elle bénéficie de la présomption d’innocence.

Une évolution reste néanmoins à signaler en matière de suivi des déclarations de patrimoine. Selon le rapport de la Cour des comptes, c’est "suite à l’effort de notification des mises en demeure mené par les juridictions financières" que "80% des assujettis, ayant failli à leurs obligations déclaratives, ont régularisé leur situation, soit 4.563 assujettis de la catégorie des fonctionnaires et agents publics, et 3.711 de la catégorie des élus des conseils locaux et chambres professionnelles".

"La mise en oeuvre du protocole de coopération entre la Cour des comptes et la DGSN a été déterminante en la matière, en permettant de disposer de données actualisées et plus fiables portant sur les adresses des assujettis concernés", indique la Cour des comptes dans son rapport.

Rappelons que c’est à cette institution qu’a été confié le mécanisme de la DOP, conformément à l’article 147 de la Constitution. Le texte suprême prévoit, dans son article 158, que "toute personne, élue ou désignée, assumant une charge publique doit faire, conformément aux modalités fixées par la loi, une déclaration écrite des biens et actifs détenus par elle, directement ou indirectement, dès la prise de fonctions, en cours d’activité et à la cessation de celle-ci". Ce dispositif est composé de lois spécifiques qui concernent chacune des catégories assujetties à la déclaration obligatoire de patrimoine. Par exemple, les députés sont soumis à la loi organique n° 50-07, complétant la loi organique n°31-97, relative à la Chambre des représentants.

Cela dit, la piste d’amélioration de ce mécanisme qui est recommandée, notamment par l’INPPLC, est celle de l’adoption d’un texte spécifique incriminant l’enrichissement illicite.

> Redynamiser la dénonciation : protection des lanceurs d’alerte

Des experts jugent nécessaire de revoir la procédure de dénonciation, de manière à la redynamiser pour encourager les citoyens ou fonctionnaires à dénoncer les cas de corruption. Dans ce sens, il convient d’assurer une protection aux lanceurs d’alerte. Un projet de loi est en cours de préparation.

> Emplois familiaux à bannir

En Europe, l’interdiction des emplois familiaux est de plus en plus adoptée comme mesure anti-corruption. Si certains pays sont plus fermes que d’autres, le Maroc se confronte toujours à des cas d’emplois familiaux flagrants.

Le récent rapport de la Cour des comptes, relatif à l’audit des comptes des partis politiques et à la vérification de la sincérité de leurs dépenses au titre du soutien public de l’année 2022, accordé par l’État, indique qu’au 28 février 2024, le montant restant à restituer au Trésor, pour 18 partis, était de 26,31 MDH.

Cette somme est répartie entre le soutien indu (839.813,09 DH), non-utilisé ou utilisé à des fins autres que celles pour lesquelles il a été accordé (7,58 MDH), ou des dépenses non-appuyées par les pièces justificatives prévues par les lois et règlements en vigueur (17,90 MDH).

Pis, le rapport révèle que l’USFP a chargé le bureau d’études Mela Stratégie et Conseil de la réalisation de 23 études dans les domaines socio-économique et institutionnel, pour un montant de 1,83 MDH. Sauf que le parti s’est contenté de présenter 21 documents qui ne sont que des notes de synthèse contenant des informations et recommandations générales, disponibles au grand public, qui ne reposent sur aucune méthodologie scientifique claire.

De plus, le cabinet d’études appartient au fils du secrétaire général du parti de la Rose et vice-président du groupe socialiste à la Chambre des représentants, Hassan Lachgar (40% des parts sociales), ainsi qu’à Mehdi Mezouari (40% des parts sociales), membre du bureau politique et à Rim El Aked (20%). Cette dernière est de la famille d'Ahmed El Aked, président du groupe parlementaire de l'USFP. Coïncidence, la société prestataire a été créée en février 2022, la même année où les supposées prestations ont été commandées par le parti.

Par la suite, il s'est avéré qu'une partie des études commandées par le parti de l'Istiqlal et financées par l'Etat, ont été confiées à Key Consult Evenium, une société contrôlée par Khadija Ezzoumi, présidente de l'organisation de la femme istiqlalienne, comme le révèle Goud. Nos recherches ont montré que Khadija Ezzoumi détient 55% des parts sociales de cette sarl au capital de 100.000 DH. Parmi les autres associés, deux ont ou ont eu des liens directs avec l'Istiqlal.

Aucun de ces deux partis n'a pu prouver à la Cour des comptes qu'il a lancé un appel à concurrence pour recruter ces prestataires. Ni présenté à la Cour des livrables convaincants.

Enfin, le même rapport a épinglé le PAM concernant une étude confiée à "un centre d’études interne" et financée par l'Etat. Le parti s’est engagé à restituer le montant de 310.158, 51 DH, non utilisé et non restitué.

-oOo-

Voici donc quelques pistes d’amélioration du dispositif de moralisation de la publique. Sachez quand même que le dernier mot vous revient à vous, électeur, par le vote et le vote sanction ainsi que par votre exemplarité dans votre vie quotidienne en matière de corruption.

LIRE AUSSI

Après les récentes affaires, des voix s’élèvent pour l’incrimination de l’enrichissement illicite des élus

Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!

Si vous voulez que l'information se rapproche de vous

Suivez la chaîne Médias24 sur WhatsApp
© Médias24. Toute reproduction interdite, sous quelque forme que ce soit, sauf autorisation écrite de la Société des Nouveaux Médias. Ce contenu est protégé par la loi et notamment loi 88-13 relative à la presse et l’édition ainsi que les lois 66.19 et 2-00 relatives aux droits d’auteur et droits voisins.

A lire aussi


Communication financière

Mutandis : Dividende 2024

Médias24 est un journal économique marocain en ligne qui fournit des informations orientées business, marchés, data et analyses économiques. Retrouvez en direct et en temps réel, en photos et en vidéos, toute l’actualité économique, politique, sociale, et culturelle au Maroc avec Médias24

Notre journal s’engage à vous livrer une information précise, originale et sans parti-pris vis à vis des opérateurs.