Mehdi Seqat: “L’accès aux médicaments innovants, une nécessité pour le Royaume”

Le 24 mai 2024 à 10h51

Dr. Mehdi Seqat, directeur général du laboratoire Janssen au Maroc, discute de la manière dont l'innovation thérapeutique redéfinit les standards de soins. Il explique comment l'introduction des traitements innovants améliore significativement le pronostic et la qualité de vie des patients, tout en envisageant une gestion optimisée des ressources médicales.

Médias24: Nous entendons souvent parler de l’innovation thérapeutique dans le secteur pharmaceutique, et il n’est pas aisé pour le commun des mortels d’en comprendre la définition. Pourriez-vous nous expliquer en quoi cela consiste en des mots très simples ?

Mehdi Seqat: Il est vrai que l’on peut rapidement confondre innovation technologique, invention, recherche & développement et innovation thérapeutique. Les quatre sont évidemment liés. Dans notre domaine, l'invention est la découverte d’une nouvelle molécule. L'innovation est sa mise à disposition pour le bénéfice des patients.

L'innovation thérapeutique se réfère de manière plus précise au développement de nouvelles méthodes, médicaments ou dispositifs médicaux qui améliorent la manière dont nous traitons ou diagnostiquons les maladies. Elle concerne tout progrès dans le domaine médical qui permet d'obtenir de meilleurs résultats pour les patients. Cela peut inclure le développement de nouveaux médicaments ou encore de nouvelles méthodes de traitement.

Il est important aussi de contextualiser le terme d’innovation. Un traitement est dit innovant par rapport aux traitements actuellement accessibles aux patients. Un traitement peut ainsi être considéré comme innovant dans un pays tandis qu’il fait partie de l’arsenal thérapeutique normal dans un autre.

L'innovation thérapeutique ouvre la voie à des soins plus efficaces et souvent plus personnalisés. En développant de nouveaux traitements, nous pouvons combattre des maladies qui étaient auparavant difficiles ou impossibles à traiter. Cela peut significativement améliorer la qualité de vie des patients et, dans de nombreux cas, sauver des vies.

Par extension, l’innovation thérapeutique peut également s’entendre en termes de coûts ; en permettant des économies directes ou indirectes pour les organismes payeurs et la société par rapport aux traitements actuellement disponibles.

-Plus concrètement…

-Je vous donne un exemple : imaginez un patient qui accède à une innovation thérapeutique dans le cadre d’une ALD (affection de longue durée) ou d’une maladie liée à la santé mentale.

Ce traitement, adapté à ses besoins spécifiques, permettrait de réduire son risque d’hospitalisation en comparaison avec un traitement classique. L’évaluation de cette innovation doit prendre en considération le bénéfice clinique du patient, le coût du traitement et les économies liées à la diminution des jours d’hospitalisations pour le patient et les organismes payeurs. Il faut ajouter à cette évaluation les bénéfices indirects liés à la diminution des complications et au fait que le patient peut continuer à travailler et contribuer à la vie sociale et économique du pays.

En résumé, l’innovation thérapeutique doit être évaluée dans sa globalité et non pas uniquement sur le coût médicamenteux. Cette approche, adoptée par de nombreux pays en développement, permet d’optimiser les dépenses des organismes payeurs tout en permettant une meilleure prise en charge des patients.

Autre exemple concret pour mesurer l’apport de l’innovation thérapeutique : le nombre de patients vivant plus de 10 ans avec un myélome multiple a triplé entre les années 1990-2000 et 2000-2010. Et nous observons la même tendance entre les années 2010 et 2020 dans les pays où les traitements de nouvelles générations sont disponibles. Ainsi, les nouvelles stratégies thérapeutiques ont révolutionné le pronostic du myélome multiple ; permettant d’envisager désormais la curabilité de cette maladie.

-Accordons-nous que ce type de traitements, pour une grande majorité des Marocains, demeure inaccessible à l’heure actuelle ! Le Maroc a-t-il réellement les moyens d’introduire ce type d’innovation ?

-Nous avons récemment organisé un séminaire avec l’ensemble des acteurs de santé qui traitait particulièrement de cette problématique. Tous les experts et observateurs nationaux et internationaux s’accordent à dire que, dans le contexte de transition épidémiologique de notre pays, introduire l’innovation thérapeutique n’est pas un luxe. Au contraire, c’est une véritable opportunité, notamment dans le cadre de la mise en œuvre de la couverture sanitaire universelle.

Les chantiers initiés par Sa Majesté et les engagements pris par le gouvernement pour réformer le système de santé nécessitent une approche structurelle pour établir des fondamentaux solides et durables. Qui plus est, ils ne nécessitent pas un effort budgétaire insurmontable.

Comme expliqué plus tôt, au-delà du volet strictement médical ou sanitaire, ces innovations contribueront à une efficience économique optimale (au sens d’approche coût-efficacité). Toutes les études pharmaco-économiques ont démontré que l’innovation thérapeutique est créatrice de valeur pour l’ensemble d’une société ou d’une communauté. Elle conduit à des traitements plus efficaces, ce qui se traduit par une meilleure qualité de vie et une espérance de vie plus longue pour les patients.

D’après l’OCDE, l’innovation thérapeutique a fait gagner près de 35% d’espérance de vie dans les 25 dernières années. D’autres pays comparables au notre ont réussi cette transition et ont pu intégrer l’innovation thérapeutique dans leur système de santé. En quoi serions-nous différents ?

-Si le Maroc a la possibilité d’accéder à ces innovations, et si l’obstacle n’est pas financier, quels sont donc les principaux freins ?

-Vous trouverez ma réponse paradoxale, mais il n’existe pas réellement de frein ! Les autorités sont convaincues du bien-fondé de généraliser l’accès à l’innovation thérapeutique. Les équilibres budgétaires en matière de santé peuvent même être respectés. Bien évidemment, tout ne peut pas fonctionner avec facilité et aisance. Les défis sont nombreux et parfois très complexes. Ils peuvent être humains, techniques ou organisationnels. Les solutions existent, chez nous bien sûr, ou parfois en regardant dans des pays comparables économiquement au nôtre, nous pouvons voir des modèles prouvés et éprouvés que nous pourrions adapter au Maroc.

Certaines innovations thérapeutiques peuvent permettre des économies immédiates pour les organismes payeurs en comparaison aux traitements actuellement remboursés. Nous avons fait des propositions concrètes en ce sens aux autorités compétentes et nous sommes prêts à les implémenter rapidement.

Nous devons chercher l’intérêt commun pour faciliter l'accès des patients à des soins optimaux. Ce qui nécessite la convergence de l’ensemble des acteurs vers un espace commun, sur la base de partenariats de confiance. Pour que ces collaborations soient efficaces, il faut définir ensemble les priorités, établir un lien de confiance dans le cadre d’un dialogue régulier, et implémenter des solutions définies conjointement. En pratique, ces partenariats peuvent être soutenus par des formats variés et promouvoir des solutions efficaces dans un large éventail de domaines de soins de santé.

-En parlant de Janssen, sur votre site web vous vous positionnez comme un des leaders mondiaux dans les solutions thérapeutiques innovantes. Pourriez-vous nous en dire plus et dans quelle mesure le Maroc demeure une opportunité pour vous ?

-Je le dis avec beaucoup de fierté, Johnson & Johnson est classée depuis plusieurs années consécutives dans le top 3 des laboratoires sur les critères de l’invention et de l’innovation (classement IDEA Pharma).

J&J est le premier groupe de santé mondial, et Janssen est notre division pharmaceutique. Depuis 1967, nous distribuons nos médicaments au Maroc et via notre partenaire Maphar, nous faisons également de la fabrication locale. En 2016, nous avons établi notre hub régional à Casablanca, dans l'objectif de déployer notre stratégie sur 21 pays d'Afrique francophone allant de la Tunisie à l’Île Maurice ; et en passant par la Côte d'Ivoire et le Sénégal.

Le Maroc est bien entendu notre priorité. Au cours des cinq dernières années, Janssen a ainsi introduit 11 nouvelles molécules dans notre pays, répondant à des besoins médicaux non satisfaits dans des domaines aussi variés que l'hématologie, l'oncologie, la gastro-entérologie, la rhumatologie, la dermatologie, la santé mentale et les maladies rares comme l’hypertension pulmonaire

Aujourd'hui, garantir l'accès des patients marocains à nos innovations thérapeutiques est au cœur de notre mission. Nous souhaitons ainsi contribuer à la construction d'un environnement de santé durable, pérenne et équitable pour tous. C’est la raison pour laquelle nous nous mettons entièrement à la disposition des autorités afin d’accélérer l’accessibilité à nos solutions thérapeutiques.

Notre volonté d’accompagner le Maroc dans son ambition d’étendre la couverture de santé universelle à tous les citoyens est confortée par une vision royale ambitieuse et clairvoyante. Les réformes sont en marche, notamment pour garantir l'accès équitable, de haute qualité et universel aux soins de santé à tous les Marocains.

-Vous avez évoqué la santé mentale. Un sujet qui préoccupe bon nombre d’observateurs et d’experts marocains. Comment vous positionnez-vous sur le sujet ?

-La santé mentale est dans l’ADN de Janssen. Docteur Paul Janssen, qui est notre fondateur, a été à l’origine de la découverte des premiers traitements neuroleptiques dans les années 50.

Nous proposons aujourd’hui des traitements innovants qui révolutionnent la prise en charge des maladies mentales. Certaines de ces molécules sont aujourd’hui inscrites sur la liste des médicaments essentiels de l’Organisation Mondiale de la Santé. Elles font désormais partie de la prise en charge standard dans de nombreux pays comparables au notre et ont permis de soulager les structures hospitalières en favorisant une prise en charge ambulatoire et en réduisant le recours à l’hospitalisation.

Ces médicaments sont actuellement prescrits par les psychiatres au Maroc et nous avons à cœur de trouver des solutions pour les rendre plus accessibles aux patients marocains dans le cadre de programmes nationaux.

Les troubles de la santé mentale sont la 3e cause de morbidité au Maroc, après les maladies cardiovasculaires et les cancers. Nous sommes pleinement conscients que la prise en charge des troubles mentaux est l’une des priorités communiquées par les autorités marocaines. Et nous collaborons avec les instances concernées afin de contribuer à l’amélioration de la prise en charge des pathologies sur lesquelles nous avons une expertise mondialement reconnue et déjà démontrée dans de nombreux pays.

-Quelles sont aujourd’hui vos relations avec les autorités, comment travaillez-vous ensemble pour faciliter l’accès aux innovations thérapeutiques ?

-Nous valorisons profondément notre relation avec les autorités, car nous reconnaissons que notre collaboration est essentielle pour faire avancer l'accès à l'innovation thérapeutique au Maroc.

Cette collaboration se manifeste à plusieurs niveaux. D'abord, nous contribuons à la formation médicale continue des professionnels de santé en partenariat avec les sociétés savantes nationales. Nous travaillons également en étroite concertation avec les autorités pour accélérer les processus de prise en charge et de remboursement des nouveaux traitements, en veillant à ce que ces innovations répondent aux normes de sécurité et d'efficacité les plus strictes. Cela permet de rendre les nouvelles thérapies disponibles plus rapidement pour les patients qui en ont besoin.

Ensuite, nous participons activement à des dialogues et à des ateliers avec les autorités de santé pour discuter des meilleures pratiques internationales et des moyens d’adapter ces approches au contexte marocain. Cela inclut également le partage de données et d'informations qui peuvent aider à façonner des politiques de santé plus efficaces.

Nous explorons aussi ensemble des modèles de financement innovant et des partenariats public-privé qui pourraient permettre une plus grande accessibilité des traitements innovants, sans compromettre la durabilité des systèmes de santé.

Notre objectif est de garantir que chaque patient au Maroc ait accès aux traitements les plus adaptés, en conformité avec des protocoles thérapeutiques actualisés. Et nous croyons fermement que notre collaboration avec les autorités est incontournable.

-Avez-vous un message à faire passer à nos lecteurs ?

-J’aimerais simplement rappeler que le Maroc est aujourd’hui un pays au leadership incontesté et ses ambitions sont audacieuses et justes. Pour que nous puissions répondre à toutes nos aspirations économiques et sociales, nous devons impérativement modifier notre perception sur les possibilités et/ou capacités du Maroc. Il suffit de regarder les chantiers faramineux en cours pour comprendre la voie que nous trace Sa Majesté : un pays visionnaire sait parier sur l’avenir.

Investir dans des produits innovants recèle des externalités positives multiples : rentabilité économique, création de valeur au niveau local, innovation sociale, valorisation du capital immatériel, leadership international, etc.

La santé n’échappe pas à ce paradigme. C’est pourquoi Johnson & Johnson, et moi-même, d’abord en tant que citoyen marocain ensuite comme médecin, croyons fermement au potentiel immense que détient le Maroc et nous sommes pleinement dévoués à jouer notre rôle. Nous nous engageons à faciliter l’accès aux thérapies innovantes grâce à une collaboration efficace et transparente avec nos différents partenaires du secteur de la santé. Et cet engagement est une très grande source de fierté pour l’ensemble des collaborateurs Janssen au Maroc.

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Le 24 mai 2024

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