Le Maroc entend faire de la commande publique verte un levier central de sa stratégie de développement durable. C’est le message fort qu’a adressé, le lundi 5 mai à Rabat, Fouzi Lekjaa, ministre délégué chargé du Budget, à l’ouverture de la conférence "Climate Smart Public Procurement", réunissant les pays du monde arabe et de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord).

"La commande publique verte symbolise la cohérence entre nos paroles et nos actes, en orientant les dépenses publiques vers un avenir durable", a souligné M. Lekjaa. Pour le ministre, cet instrument transversal, qui touche à des secteurs variés - énergie, transport, économie circulaire, inclusion sociale - , permet d’orienter les pratiques économiques vers davantage de durabilité, tout en envoyant un signal fort au secteur privé.

L’État se veut exemplaire, a-t-il poursuivi, en créant une demande publique d’innovation verte, qui combine efficacité économique à long terme et exemplarité institutionnelle. " Nous sommes déterminés à faire de l’État un modèle de durabilité", a insisté M. Lekjaa, mettant en avant les réformes fiscales et financières entreprises pour favoriser des comportements écoresponsables, notamment à travers le développement des financements verts, comme les obligations souveraines, et l’intégration de critères écologiques et sociaux dans les appels d’offres publics.

Dans son allocution, le Trésorier Général du Royaume, Noureddine Bensouda a également précisé :

"Nos acheteurs publics sont ainsi invités à mettre en place une culture d’achat responsable. À travers la généralisation de l’approche environnementale dans les bâtiments et les administrations, la systématisation de l’acquisition d’équipements économes en eau et en énergie, la réduction des déchets et ainsi que la promotion des filières de réemploi et de recyclage. Or il convient de rappeler que la prise en compte du développement durable dans les achats publics n’est pas seulement une recherche d’exemplarité mais elle est également et surtout une obligation règlementaire".

Un levier régional majeur

Le rôle des marchés publics comme moteur de la transition écologique a également été mis en exergue par les partenaires internationaux présents à Rabat. "Dans la région MENA, les achats publics représentent en moyenne 18 % du PIB", a rappelé Nadir Mohamed, directeur régional prospérité à la Banque mondiale. "Orienter cette masse financière vers des biens, des services et des infrastructures respectueux de l’environnement peut créer un effet d’entraînement majeur sur l’économie et stimuler l’émergence de filières vertes compétitives".

La Banque mondiale, a-t-il précisé, accompagne cette transition en articulant son action autour de trois axes : le renforcement des cadres réglementaires, le développement des compétences techniques des acheteurs publics, et la promotion de l’innovation via des projets pilotes.

L’accompagnement des partenaires internationaux

Quiterie Pincent, directrice de l’Agence française de développement (AFD) au Maroc, a pour sa part mis en avant l’approche de l’AFD, fondée sur le financement de projets à forte valeur environnementale, l’assistance technique et le soutien aux initiatives locales innovantes. L’Agence a notamment développé des outils permettant d’évaluer systématiquement l’impact climatique des marchés publics. "Nous mobilisons également une assistance technique dédiée pour accompagner les institutions publiques dans l’élaboration de leurs stratégies d’achat durable", a précisé Mme Pincent, soulignant l’importance du partage d’expériences au niveau international.

Une dynamique collective

La conférence, qui a réuni de nombreux acteurs institutionnels, dont le Trésorier Général du Royaume, Noureddine Bensouda, des représentants de la Banque mondiale, de la Banque islamique de développement, de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et de la New Development Bank, s’inscrit dans une dynamique régionale visant à faire de la commande publique un moteur de la transition écologique.

Pour les intervenants, il s’agit non seulement de relever les défis du changement climatique, particulièrement pressants dans la région MENA, mais aussi de transformer ces défis en opportunités économiques. Un chantier ambitieux, qui nécessite une action coordonnée des États, des bailleurs de fonds et des opérateurs économiques.

Pour y répondre, un guide de la commande publique verte est en préparation, ainsi qu’un système numérique sur le portail des marchés publics permettant de signaler et de suivre les appels d’offres intégrant des clauses de développement durable.

"Ce document vise à apporter des outils méthodologiques pour intégrer les considérations environnementales tout au long du cycle de vie des marchés. Il est également prévu de mettre en place, sur le portail des marchés publics, un système de fléchage des appels d’offres comportant des clauses de développement durable. Ce dispositif vise à identifier les pratiques vertes au niveau des marchés publics et à en assurer un suivi régulier", a précisé M. Bensouda.