La Fondation Mohammed VI des Sciences et de la Santé, en partenariat avec l’African Academy of Health Sciences, a organisé le vendredi 25 avril à Rabat une cérémonie en hommage au professeur Moncef Slaoui, scientifique marocain de renommée internationale.

Cet événement, qui a eu lieu à l’Université Mohammed VI des Sciences et de la Santé – Madinat El Irfane, a été marqué par la présentation de l'autobiographie de Moncef Slaoui, "La voie libre", un récit de vie façonné par l’exigence, l’engagement et la volonté de mettre la science au service de l’humanité.

À travers cet hommage, la Fondation a souhaité valoriser un parcours exemplaire, incarnation du mérite, de la rigueur et de la persévérance. Le Pr Slaoui a livré un message fort à la jeunesse marocaine : "L’excellence n’est pas une exception ; elle doit devenir une norme, portée par la passion et l’engagement".

Originaire du Maroc, le Pr Slaoui s’est très tôt passionné pour la connaissance, forgeant ainsi une brillante carrière. "En lisant le livre — j’espère que vous le lirez — vous verrez que je n’ai rien d’exceptionnel. Je ne suis ni hyperintelligent, ni hypervisionnaire. Je ne marche pas sur l’eau, je suis absolument normal", a-t-il confié à l’assistance.

Il poursuit : "À chaque carrefour de ma vie, j’ai choisi d’avancer, de prendre des risques. Il y a toujours eu la possibilité d’échouer, mais cela ne m’a jamais freiné. Mon parcours est une suite d’événements, souvent imprévus, mais qui ont façonné ce que j’ai accompli".

"Chaque fois que je faisais face à une opportunité ou que je me trouvais à un carrefour décisif, j’ai toujours choisi d’avancer, de foncer", ajoute-t-il.

Pour lui, cette trajectoire illustre une maxime bien connue : "Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait". "Quand quelqu’un réalise quelque chose d’exceptionnel, il ne le sait pas toujours au départ. C’est après coup que cela devient évident. L’important, c’est d’oser, de prendre des risques et de se lancer", insiste-t-il.

Pourquoi j'ai décidé d'écrire ce livre.

Dès les premières minutes de son intervention, Moncef Slaoui évoque les raisons qui l'ont incité à écrire ce livre.  "Je vais commencer par vous dire pourquoi j’ai écrit ce mémoire, et ensuite raconter un peu mon parcours. J’espère que vous en tirerez les leçons que vous voudrez en tirer. »

La voix tremblante, les yeux embués, Moncef Slaoui évoque l’un des moments les plus éprouvants de sa trajectoire professionnelle. Un passage à vide, brutal, survenu après l’un des sommets de sa carrière.  "Et je vais commencer par quelque chose d’un peu délicat", dit-il.

"Après 40 ans de carrière, où j’ai accompli beaucoup de choses, et quelques mois après avoir terminé la direction d’Operation Warp Speed, j’ai vu ma carrière se détruire sous mes yeux.  Vous savez tous probablement qu’il y a eu des allégations faites contre moi. Cela m’a choqué. J’étais totalement dégoûté. Avec mon épouse Christine, qui est ici, on a décidé que j’allais me retirer de ce monde où j’avais passé 40 ans. Parce que le monde n’avait plus de sens".

Il poursuit  : "Et c’est ce que j’ai fait. Pendant une semaine ou deux, peut-être". Mais, c’est une insistance amicale, persistante, venue d’un ancien ministre américain, Richard Danzig, ancien ministre de Bill Clinton, qui va le mettre sur la voie de l'autobiographie.

"Richard Danzig m'appelait souvent. Il insistait, me laissait des messages. À la fin, j’ai fini par répondre. Je lui ai dit : “Qu’est-ce que tu veux, Richard ? Il m’a dit : “Tu dois absolument écrire un livre pour nous permettre de comprendre comment quelqu’un comme toi se développe (...) Tu as sauvé le monde, et tu sembles l’avoir fait juste comme ça en passant. Comment est-ce possible ? Il y a sûrement d’autres personnes comme toi, mais qui ne le savent pas encore". Slaoui marque une pause. L’émotion est palpable. "Cela m'a frappé, je dois dire. Ca m'a touché", décrit-il.

C’est ainsi que naît "La voie libre". Un témoignage, mais aussi un acte de résilience dont l'écriture a démarré en 2021.

Revenant sur ses débuts, il évoque sa fascination précoce pour la biologie : "À l’école et au lycée, ma matière préférée était la biologie humaine. Je trouve cela fascinant".

Il poursuit : "C’est un domaine d’une finesse extraordinaire. On apprend chaque jour. Aujourd’hui, nous en comprenons à peine 10 %, voire moins. Il reste encore tant à découvrir".

Son rôle dans l’opération Warp Speed, lancée en 2020 par l’administration américaine pour accélérer le développement des vaccins contre la COVID-19, a marqué un tournant décisif dans sa carrière. Il en fait quelques confidences lors de son intervention.

"En 2020, l’administration américaine m’a demandé s’il était possible de produire rapidement un vaccin contre le Covid. J’ai répondu oui. Je savais que c'était un énorme risque. Tous les experts précédemment consultés avaient dit non. Ainsi est née l’opération Warp Speed", se rappelle-t-il.

Il confie que le nom initial du projet était " The Manhattan Project Number Two", en référence au programme nucléaire américain : "Ils ont dit : on va vous isoler, comme pour Manhattan. De toute façon, tout était déjà fermé à Washington".

Malgré les incertitudes, Moncef Slaoui accepte la mission, conscient de l’ampleur de la tâche. "Il fallait sauver des vies. Nous avons travaillé sans relâche, des milliers de personnes mobilisées. Nous avons travaillé jour et nuit pendant des mois", explique-t-il.

Le moteur, c’est votre passion et votre ambition

Et de poursuivre : "Il y a une chose dont je suis vraiment fier dans ce projet-là. Le premier jour, j’avais 114 projets de vaccins sur ma table. Essayer de faire les 114 projets est la voie assurée vers l'échec. Donc, il fallait en choisir quelques-uns et espérer qu'ils allaient être les bons. J’ai dû en choisir six. Les six ont réussi. Ces vaccins ont montré leur efficacité contre le Covid. Heureusement !"

À l’adresse de la jeunesse, il conclut : "quand vous pensez à votre carrière, à votre vie, réfléchissez à ce qui vous anime vraiment, à votre moteur… Le chemin se construit avec vos choix, mais l’essence du moteur, c’est votre passion et votre ambition".

À travers La voie libre, le Pr Moncef Slaoui partage non seulement une trajectoire scientifique remarquable, mais aussi une conviction: " La science n’a de sens que si elle sert la société et améliore la vie des peuples".

Par cet hommage, la Fondation affirme son engagement à encourager l’émergence de talents marocains capables de rayonner sur la scène internationale.