Joaquín Almunia & Eduardo Pérez Motta

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Vive la concurrence !

Le 6 mai 2013 à 15h33

Modifié 11 avril 2021 à 2h34

BRUXELLES/MEXICO, 25 avril 2013 – Depuis que la crise économique mondiale a éclaté en 2008, le débat s'est focalisé sur les stratégies et instruments macroéconomiques utilisés pour lui faire face et susciter la reprise. La correction des déséquilibres et la manière de s'attaquer au ralentissement à court terme ou à la récession ont toute leur importance. Pourtant elles ne devraient pas faire passer au second plan la recherche des conditions de long terme d'une croissance solide et durable.  

Jusqu'à présent c'est à la politique macroéconomique que l'on a fait porter à la fois la responsabilité de du malaise actuel et tous les espoirs de sortie de crise. Cependant il faudrait prêter autant d'attention aux  problèmes microéconomiques qui sont à l'origine de la crise, tels que l'existence d'incitations inadaptées, les défaillances de marché ou les échecs de la régulation.

En effet, tout comme les problèmes microéconomiques du secteur financier ont déclenché un effondrement du crédit et alimenté une récession mondiale, les principaux facteurs de redressement se trouvent également à l'échelle microéconomique. De nombreux pays doivent remettre en état leur secteur financier et restaurer le crédit, et ils sont encore plus nombreux à devoir améliorer leur productivité pour relancer la croissance et la création d'emplois. 

Certains secteurs sont victimes d'une réglementation mal conçue et contreproductive, d'autres souffrent du comportement monopoliste d'entreprises dominantes ou encore d'un manque de concurrence effective et de transparence dans les services de réseaux et  le secteur financier. Remédier à ces problèmes favoriserait le retour de la croissance et de la prospérité pour tous.

Pour y parvenir, conformons-nous au serment d'Hippocrate et évitons d'aggraver le mal. Partout dans le monde, les Etats ne devraient pas céder à la tentation de protéger de la concurrence certains secteurs ou groupes économiques.

Le célèbre économiste américain Mancur Olson soutenait que la stagnation dans les économies développées dérive surtout d'un accroissement progressif de la puissance et du nombre des cartels et  lobbies finissant par miner de l'intérieur le dynamisme économique. La meilleure manière de donner du tonus à nos économies est de préserver un environnement concurrentiel où les marchés restent ouverts et contestables, car les entreprises doivent alors constamment innover et améliorer leurs performances, ce qui stimule la créativité d'un pays et contribue à sa prospérité.

Les efforts pour réduire la concurrence se présentent sous des visages divers. Mais ils ont tous en commun de rendre une économie moins productive et de redistribuer la richesse à de petits groupes bien organisés défendant des intérêts corporatistes et ayant une forte inclination à faire pression sur le gouvernement.

La méthode la plus courante est le recours au protectionnisme, qui est réapparu dans le discours politique au cours de ces dernières années. Pourtant les mesures destinées à soutenir les producteurs nationaux aux dépens de leurs clients et des consommateurs locaux sont toujours à courte vue, car elles n'aident pas ces mêmes entreprises à faire face aux défis auxquels elles seront, tôt ou tard, inévitablement confrontées.

De la même manière, le dirigisme à l'ancienne consistant par exemple à "choisir les gagnants", à favoriser des "champions" nationaux ou à maintenir sous perfusion artificielle à l'aide de subventions publiques des "business models" qui ont échoué est une politique à la fois néfaste et condamné à l'échec. Dans de nombreux pays, une réglementation mal inspirée, par exemple dans le secteur des services, continue également à représenter un obstacle à une concurrence saine.

Une fois mis fin aux mesures nuisibles, il faut s'atteler à mettre en place de bonnes politiques. La politique économique ressemble au jardinage : tirer sur une plante n'accélèrera pas sa croissance, en revanche un bon jardinier lui fournira l'environnement adapté qui lui permettra de prospérer.

En s'appuyant sur la concurrence, il est possible de faire en sorte que se concrétisent les très vastes potentialités offertes par les marchés dans la fourniture de biens et services. Pour ce faire, les responsables politiques doivent mettre en place un cadre adapté pour assurer le respect de ces principes, adopter une approche transversale valable pour l'ensemble de l'économie, et convaincre toutes les parties prenantes de participer à cet effort.

Un bon système assurant le respect des principes de concurrence suppose une politique économique et des outils juridiques adaptés ainsi qu'un cadre institutionnel conçu de telle sorte qu'il permette de réduire l'influence des groupes de pression. Soulignons par exemple l'importance d'autorités antitrust à la fois impartiales et dotés des moyens leur permettant d'être efficaces,  ou encore de dispositifs de subventions publiques suffisamment bien conçus pour servir réellement l'intérêt général.

Une approche transversale étendue à l'ensemble de l'économie est nécessaire car  les marchés sont interconnectés. Une réglementation mal inspirée ou un mauvais fonctionnement des marchés affectant la concurrence peuvent ébranler toute l'économie. La crise mondiale a éclaté parce que l'on avait négligé des dysfonctionnements majeurs dans le secteur bancaire. Un mauvais fonctionnement des marchés en amont, tels que ceux de l'énergie ou ceux des produits intermédiaires, peut aussi infliger bien des dommages à une économie, à commencer par la perte de compétitivité qu'il peut entraîner sur les marchés extérieurs.

Enfin, renforcer la concurrence dans l'ensemble de l'économie suppose un large soutien dans la société. Il est impossible d'y parvenir sans combler les divisions idéologiques et sans s'affranchir des pressions politiques exercées par certains intérêts particuliers. La mobilisation de tous les acteurs peut jouer un grand rôle, en instruisant sur les bénéfices de la concurrence non seulement les responsables politiques mais aussi le monde de l'entreprise et les citoyens eux-mêmes. Il devrait exister un un large consensus autour de l'idée qu'un environnement favorable à la concurrence est l'une des clés de la prospérité.

L'Australie constitue un bon exemple de la manière dont une politique favorable à la concurrence peut réussir. Au cours des années 1980, son économie était l'une des dernières de l'OCDE en termes de croissance de la productivité, mais 10 ans plus tard elle avait atteint la troisième place. Entre-temps, un consensus s'était fait autour de la nécessité des réformes et toute la réglementation économique avait été revue pour favoriser au maximum la concurrence.

Aujourd'hui plusieurs pays font des efforts significatifs en ce sens, notamment le Mexique. Les réformes structurelles destinées à améliorer la productivité seront d'une importance cruciale dans le redémarrage de l'économie européenne et la préservation de son modèle social. Les Actes I et II pour le marché unique constituent un programme complet pour tirer tous les avantages d'un marché intégré et concurrentiel de 500 millions de consommateurs afin de catalyser la croissance et la prospérité au sein de l'Union Européenne.

L'expérience le montre : la concurrence, cela fonctionne ! En fondant nos politiques économiques sur la concurrence, nous pourrions non seulement échapper à la sinistre prophétie d'Olson, mais également accélérer la reprise, accroître le rythme de l'innovation et améliorer le niveau de vie de millions de personnes à travers le monde.

Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz

© Project Syndicate
 

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