Printemps ou hiver arabe ?

Le 22 septembre 2014 à 13h15

Modifié 10 avril 2021 à 4h21

On peut dater le déclenchement du Printemps arabe au 4 janvier 2011 lorsque le jeune tunisien Mohamed Bouazizi est décédé après sa tentative de suicide par le feu le 17 décembre 2010.  

La révolution arabe a débuté en Tunisie puis a déferlé tel un tsunami en Egypte, Libye, Syrie et Yémen. Le scénario est à près le même dans ces pays avec de grandes manifestations dans les places publiques, la dénonciation des régimes en place, et le slogan "Dégage" adressé au chef de l’Etat.

Après une résistance parfois sanglante des dictateurs, ces derniers ont dû soit s’enfuir, soit démissionner, soit ont été tués. C’est ainsi que le Tunisien Ben Ali a pris la fuite le 14 janvier 2010, que Moubarak d’Egypte a démissionné le 11 février 2011, et que le libyen Kaddafi a été tué le 20 octobre 2011 après une opération militaire franco-anglaise.

En Syrie, les événements ont tourné autrement après le début des manifestations en mars 2011. En effet, le régime du Président Bachar Al Assad aidé par l’Iran et la Russie n’est pas tombé, et la révolte s’est transformée en guerre civile après l’apparition de mouvements d’opposition armés islamistes.

Au Yémen, les manifestations contre le Président Ali Abdallah Salah ont eu lieu de janvier à mai 2011 entraînant son départ du pouvoir en février 2012. Au Bahreïn, les manifestations ont débuté le 14 février 2011 contre le régime monarchique sunnite de Hamad Ben Issa Al Khalifa, qui a réagi par une forte répression armée aidée par les troupes séoudiennes et émiraties.

Dans les autres pays arabes, des manifestations ont eu lieu également mais de moindre envergure en Algérie, Jordanie, Maroc, Mauritanie et Oman. Les pays du Golfe n’ont pas connu de révolte contre les régimes en place.

Chômage élevé, inégalité sociale, corruption,...

Les causes de ce Printemps arabe sont communes dans pratiquement tous les pays arabes. Il s’agit de régimes autoritaires avec un manque de démocratie et de libertés et le non respect des droits de l’homme. De plus, les richesses du pays étaient accaparées par les dirigeants, leur famille et leurs proches.

Ces pays souffraient d’une situation économique défavorable avec un chômage élevé surtout des jeunes, une grande inégalité sociale, des poches importantes de pauvreté, un logement social déficient, et la prolifération de l’économie de rente et de la corruption.

A noter que ces régimes malgré toutes ces tares étant soutenus par l’Occident (Europe et Etats-Unis) qui les toléraient par crainte de la prise de pouvoir dans ces pays par des islamistes radicaux.

Les acteurs de ces révolutions étaient principalement des jeunes de la société civile, qui étaient mobilisés par les nouvelles technologies de la communication notamment "Facebook".

Ces jeunes réclamaient la fin des régimes en place, une meilleure répartition des richesses, la création de plus d’emplois, la lutte contre l’économie de rente et la corruption, et enfin l’éclosion de la dignité et de citoyenneté. Se sont adjoint à ces jeunes par la suite certains partis politiques de l’opposition et quelques associations de défense des droits de l’homme.

Les conséquences politiques du Printemps arabes ont été spectaculaires. Ce fût d’abord la chute des dictateurs en Tunisie, Egypte, Libye et Yémen.

Des réformes politiques plus ou moins importantes ont été prises par certains pays sans révolution, tels que le Maroc, la Mauritanie, le Jordanie, l’Algérie. Des élections plus libres et plus transparentes ont eu lieu dans plusieurs pays arabes.

On a noté également un élargissement des libertés individuelles et collectives dans les domaines de l’expression, de la presse, des rassemblements. Des assemblées élues ont été mises en place, et des gouvernements issus des élections désignés.

Mais il faut bien noter que le monde arabe n’est pas monolithique et que chaque pays a poursuivi sa propre trajectoire. C’est ainsi qu’il y a eu une montée en puissance des partis islamistes dans certains pays suite à des élections.

Ce fut le cas de la Tunisie avec le parti Ennahda, du Maroc avec le PJD, et de l’Egypte avec la victoire des Frères musulmans. Cependant, à part le PJD du Maroc qui a pu se maintenir au pouvoir dans le cadre d’une coalition avec d’autres partis politiques, le parti Ennahda de Tunisie a du renoncer au pouvoir après l’assassinat de deux leaders politiques modernistes.

En Egypte, les élections présidentielles des 16 et 17 juin 2012 ont vu la victoire du Frère musulman Mohamed Morsi. Ce dernier a fait adopter une nouvelle Constitution le 22 décembre 2012 plus favorable aux thèses islamistes. Suite à plusieurs erreurs politiques et à l’incapacité d’améliorer la situation économique, une grande manifestation populaire anti-Morsi a eu lieu à la place Tahrir du Caire, ce qui a permis le 3 Juillet 2013 à l’armée égyptienne dirigé par le Général Al Sissi de démettre Morsi de ses fonctions de Président de la République.

Du printemps arabes à la création de l'EI

D’autres pays arabes connurent une situation chaotique, telle la Libye qui n’a pas pu éradiquer les milices armées et qui se débat dans un conflit interminable. La Syrie vit également une guerre civile sanglante qui a été compliquée outre le mouvement islamiste Nosra, par la menace de la création d’un Etat islamique en Syrie et en Iraq.

Ce dernier pays vit à son tour une situation dramatique après le départ des troupes américaines, avec des rivalités entre chiites, sunnites et kurdes, et comme pour la Syrie la menace de création d’un Etat islamique proclamé sous forme de Khalifa le 28 juin 2014. Les autres pays arabes connurent une relative stabilité. En Algérie, les élections législatives de mai 2012 n’ont pas permis la victoire des islamistes, et le Président Bouteflika a été réélu le 17 avril 2014 mais dans une ambiance d’immobilisme politique et de léthargie.

Au Maroc la situation est plus stable du fait de la réforme de la Constitution et d’un gouvernement multipartite dirigé par le PJD sous l’autorité du Roi.

Au Yémen, le Président Salah a été remplacé par le Vice-Président Abd Rabo Mansour, mais des troubles continuent dans ce pays. Enfin en Jordanie, Mauritanie, Oman quelques réformes politiques ont permis le maintien des régimes en place.

Les conséquences économiques des révolutions

Les conséquences économiques du Printemps arabe ont été également différentes d’un pays à l’autre. Les conséquences ont été les plus graves dans les pays arabes où il y a eu une révolution avec changement de régime.

En effet l’instabilité politique et les désordres de l’ordre public ont causé une baisse de la production et de l’activité économique en général.

Sur le plan extérieur, l’instabilité politique a entraîné la baisse du tourisme, des échanges commerciaux et des investissements étrangers. C’est ainsi qu’ont connu une récession économique en 2011 la Libye (- 53,9%), la Syrie (-3,2%), la Tunisie (-1,8%) et l’Egypte (-0,5%).

La Libye a connu une baisse considérable de la production et l’exportation des hydrocarbures. La Syrie du fait de l’instabilité politique et de l’embargo qui lui est imposé, a connu une récession en 2012 (-30%) et en 2013 (-10%).

La Tunisie a connu de son côté une baisse du tourisme, de l’activité industrielle et des IDE. L’Egypte a vu baisser son activité de tourisme et de l’industrie. Cette situation s’est accompagnée d’une détérioration du compte courant de la balance des paiements en 2011 : Tunisie (- 7,4%), Egypte (- 2,3%), Syrie (-1,2%). Les autres pays arabes n’ont pas trop souffert du Printemps arabe. C’est ainsi que le Maroc a connu en 2011 une croissance économique de 5%, la Jordanie de 2,6% et l’Algérie 2,4%, alors que l’on n’a noté aucun changement pour les pays du Golfe. Les prévisions économiques de la Banque mondiale pour 2014 indiquent une légère amélioration avec pour le Maroc et la Tunisie une croissance de 4,8%.  L’Egypte et la Jordanie 3,9% et l’Algérie 3,2%. Par contre il est prévu une récession pour la Syrie de -2%.

Suite à cette période de turbulences qu’a connue le monde arabe depuis le 4 janvier 2011, quelles conclusions peut-on tirer sur le plan politique et économique?

Tout d’abord, les pays arabes ont montré comme tous les autres peuples de la terre le désir de démocratie, d’égalité, de respect des droits de l’Homme et de développement économique et social. L’autre élément positif est que le monde arabe a été débarrassé de certains dictateurs.

Montée des partis islamistes

Cependant, les résultats du Printemps arabe sont mitigés du fait que certains régimes autoritaires ont pu se maintenir grâce à leur puissance financière qui leur a permis d’acheter la paix.

L’autre surprise du Printemps arabe a été la montée en puissance des partis islamistes. Ces derniers qui étaient persécutés sous les régimes autoritaires précédents, avaient fait un grand effort d’organisation et de travail sur le terrain au profit de la population à la plus déshéritée. Dès lors qu’il y a eu des élections libres et transparentes, ce sont eux qui ont gagné la plupart des élections. Arrivés au pouvoir, ils ont manqué de discernement en voulant réislamiser la société toute entière, et de compétence pour améliorer la situation économique. C’est ce qui a permis leur éviction totale de l’Egypte et en partie en Tunisie. Ce qui a compliqué encore plus la situation est l’entrée en scène d’islamistes radicaux qui prétendent rétablir le Khalifa islamique.

Les perspectives politiques pour le monde arabe doivent à mon sens tendre à éradiquer tout d’abord les islamistes radicaux qui ont commis des atrocités et qui veulent nous ramener au Moyen-âge.

Les islamistes modérés constituent dans la plupart des pays arabes une force réelle, il faudrait instaurer une entente entre eux et les partis modernistes, tel que c’est déjà réalisée au Maroc et entrain de se faire en Tunisie. Il est dangereux de les éliminer totalement comme c’est le cas en Egypte car cela va entraîner des troubles et des violences à l’avenir. Dans tous les pays arabes, il faut promouvoir la démocratie qui seule peut asseoir une stabilité et un développement à long terme.

Le rôle de l'Etat sur le plan économique

Sur le plan économique, les pays arabes doivent assurer la stabilité, c'est-à-dire pas de déficit budgétaire, éviter l’endettement élevé, maintenir une inflation basse et autant que possible des réserves de changes substantielles. Ils doivent surtout diminuer le taux de chômage qui est de 13% en moyenne, mais 29% pour les jeunes.

Pour résoudre ce problème de chômage ils doivent parvenir à un taux de croissance économique annuel de 6%, promouvoir les PME et lutter contre le secteur informel. Une autre recommandation est l’élargissement de la classe moyenne qui est trop faible dans la plupart des pays arabes et qui constitue le socle de toute économie.

L’Etat doit se retirer de certains secteurs économiques et s’impliquer davantage dans d’autres secteurs tels que l’éducation, la santé, le logement social. L’Etat doit devenir régulateur et doit encourager le secteur privé et la concurrence. Il doit réduire les Caisses de compensation qui augmentent le déficit budgétaire et diminuent la capacité de l’investissement public.

L’Etat doit enfin assurer un bon financement aux entreprises privées et surtout les PME.

En conclusion, le monde arabe est à la croisée des chemins. Deux voies s’offrent à lui, celle de la modernisation de ses structures politiques et économiques qui lui permettra de faire face à la mondialisation et de se tailler une part dans ce monde du XXIe siècle. A défaut, il risque de se marginaliser davantage avec toutes les souffrances et les troubles qu’on peut imaginer. Il faut éviter que le Printemps arabe se transforme en Hiver arabe.

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