Lorsque les Etats étrangers ne sont pas reconnus comme plaignants par un tribunal français

Le 14 juin 2016 à 9h11

Modifié 10 avril 2021 à 4h45

Un tribunal peut-il «autoriser» de taxer et de diffamer un Etat, en l'accusant de pratiquer la torture, sans lui permettre de se défendre?

La chambre 17 du tribunal de 1e instance de Paris a rendu son jugement. Dans ce dernier, il déclare irrecevable la citation directe que l’Etat marocain avait déposée à l’encontre d’une personne l’ayant accusé de torture. Cette situation pose plusieurs points d’interrogations.

Instrumentalisation de la procédure judiciaire française

Le ministre de l'Intérieur, Mohammed Hassad, "agissant au nom de l'Etat marocain“, avait chargé des avocats en mars 2014, de “déclencher des poursuites judiciaires à l'encontre des auteurs de plaintes mettant en cause de hauts responsables marocains, pour des allégations de torture qu'ils savaient inexactes", avait indiqué ce ministère dans un communiqué.

Rappelons qu’un incident avait été créé par la plainte déposée par un Marocain devant le juge d’instruction à Paris, accusant le Maroc de l’avoir torturé après que ses manœuvres pour extorquer la somme de 50 MDH aient échoué.

L’Etat Marocain a déposé une citation directe pour diffamation à l’encontre de ladite personne [NDLLR : Zakaria Moumni] devant la justice française, premièrement pour que cette personne  justifie ces allégations de torture. Et deuxièmement pour que la justice française ait l’occasion de vérifier la véracité des prétentions de ladite personne.

Lors de l’audience, la personne incriminée et ses avocats se sont trouvés dans l’impossibilité totale d’apporter la preuve qui justifie ces allégations de torture, d’une part, et d’autre part ils n’ont soulevé aucun vice de forme à l’encontre de la plainte de l’Etat marocain. 

D’après les premiers éléments, et en attendant de voir la copie du jugement, le tribunal a considéré qu’un Etat quand il est diffamé, insulté ou taxé d’une allégation grave ne peut pas se défendre devant la justice française.

D’après les motivations du jugement, un Etat n’est pas reconnu en tant que tel par la justice française. Pour le tribunal, seuls les individus et à titre personnel, ont la qualité d’ester en justice pour diffamation. Sachant que les avocats de ladite personne n’ont pas contesté la qualité de l’Etat marocain.

 De ce fait, d’après ce jugement, n’importe quelle personne est libre d’apporter toutes les formes de diffamation, d’allégations, nonobstant l’impact médiatique sur cet Etat.

Par exemple, on peut porter contre un Etat une allégation de cacher un criminel de guerre ou d’avoir instauré un système de torture sans que la personne qui a prononcé cette allégation ne soit inquiétée. Tandis que les lois françaises donnent à la justice de ce pays le droit de juger des étrangers sous la couverture de la compétence universelle.

Or, une justice n’est juste et équitable, et en fin de compte acceptable, que si elle est basée sur l’égalité de tous, sans aucune différence.

Personne n’ignore, aujourd’hui, l’impact d’une accusation de torture infligée à un Etat. Cette accusation ne s’arrête pas aux frontières médiatiques, qui sont d’ailleurs reliées par tous les réseaux d’information, mais touchent de près la crédibilité de cet Etat dans le monde.

Encore plus, aujourd’hui, où la politique du commerce international prend comme élément d’évaluation par les investisseurs le degré du respect par un pays des droits de l’homme.

De ce fait, accuser un Etat de torture et ouvrir une enquête à l’encontre d’une personne visée à tort par le soi-disant plaignant et en même temps interdire à cet Etat de se défendre devant la même justice pose un problème de compréhension.    

L’un des plus grands principes, acceptés et défendus par le monde moderne est celui qui consiste à combattre l’impunité. Ce principe ne s’applique pas seulement à  certains sujets de la justice. C’est un principe qui s’applique à l’encontre de tous ceux qui commettent un délit ou un crime.

Si un Etat est visé à tort par une personne, quelle que soit sa nature, la justice doit donner à cet Etat le droit de se défendre devant la même justice.

Toute interprétation de la qualité d’un Etat à saisir la justice d’un autre pays pour se défendre et qui va dans le sens de l’exclure de cette possibilité ne peut qu’encourager l’impunité, puisque la personne qui commet ces allégations comprendra qu’elle est soutenue dans ses méfaits.

L’impunité ne devra pas l’emporter face à la justice et à l’équité, sous aucun prétexte.

L’attachement à une interprétation stricte d’un texte de loi, vide cette loi de sa substance. Cette substance même qui permet de rendre à la victime tous ses droits.    

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