Déni profond de l'Europe

Le 8 mai 2013 à 11h11

Modifié 9 avril 2021 à 19h45

Sur son blog, l'économiste Tim Duy a récemment posé cette question : quand pourrons-nous tous admettre que l'euro est un échec.  

La réponse bien sûr, c'est, jamais. Trop d'histoires, trop de déclarations, trop d’egos investis dans la monnaie unique pour ceux qui n’admettront jamais, qu’ils ont bien pu faire une erreur. Même si le projet a abouti à un désastre total, ils persistent et signent que ce n’est pas l'euro qui n’a pas réussi à l’Europe mais plutôt le contraire.

Il me semble que cela pourrait être une bonne idée de récapituler mon point de vue, sur ce qui cloche vraiment en Europe et sur ce qui pourrait être encore fait.

Commençons par l'Europe telle qu'elle était à la fin des années 1990. C'était un continent avec de nombreux problèmes, mais rien qui ressemble à une crise, rien qui signale qu’il était sur une trajectoire non viable. Puis vint l'euro.

Le premier effet de l'euro a été une flambée d’europhorie : tout à coup, les investisseurs croyaient que toutes les dettes européennes étaient équitablement fiables. Les taux d'intérêt ont chuté tout autour de la périphérie de l'Europe, déclenchant d'énormes flux de capitaux vers l'Espagne, la Grèce et d'autres économies semblables.

Ces flux de capitaux ont nourri d’énormes bulles immobilières et dans l’ensemble, ont créé des booms dans les pays qui ont bénéficié des fonds.

Les booms, à leur tour, ont provoqué des différentiels d’inflation : les coûts et les prix ont augmenté beaucoup plus dans les pays périphériques que dans les pays du noyau dur, comme l'Allemagne et la France. Les économies périphériques devenaient de moins en moins compétitives, ce qui ne posait pas problème tant que les afflux de capitaux duraient ; mais une fois les entrées cessées, la crise a commencé.

Alors on a tout stoppé. Résultat des courses : effondrements graves dans les économies périphériques, qui ont connu une chute de la demande intérieure, alors que la demande extérieure est restée faible, en raison de la perte de compétitivité.

Cela met en évidence le problème de fond de la monnaie unique : pour un pays membre de la zone euro, il n'existe aucun moyen d’ajustement facile, quand ses frais deviennent très importants. Dans le meilleur des cas, les économies périphériques ont fait face à une période prolongée de chômage élevé pendant une lente étape de «dévaluation interne».

La situation s’est considérablement aggravée, lorsque la diminution des revenus combinée à la perspective d'une faiblesse économique prolongée, a conduit à d'importants déficits et des doutes sur la solvabilité budgétaire. Les pays qui sont entrés dans la crise avec des excédents budgétaires et un endettement faible, comme l'Espagne par exemple, n’ont pas été épargnés.

Ce fut la panique sur le marché obligataire, quand le noyau européen a exigé des programmes d'austérité sévère, comme condition d'aide, aux pays en difficulté.

L’austérité, à son tour, a entraîné à des récessions plus profondes dans la périphérie - et parce que l'austérité périphérique n'a pas été compensée par l'expansion dans le noyau, l'économie européenne dans son ensemble a chuté. Entre autres conséquences c’est l’échec de l'austérité qui est constaté, même sur son propre terrain : les mesures clés comme les ratios d’endettement par rapport au PIB, ont empiré au lieu de s'améliorer.

Tout cela a menacé de provoquer un crash en une Europe  emmêlée dans un cercle vicieux de problèmes, avec l'instabilité politique qui entraine une perte de confiance financière, laquelle va déclencher une ruée vers la dette souveraine qui à son tour va conduire vers une crise bancaire…

Jusqu'ici, la Banque centrale européenne (BCE)a réussi à contenir l'effondrement, par le moyen d’interventions directes ou indirectes de soutien des dettes souveraines des pays en difficulté. Toutefois, si la panique financière a été maîtrisée, la situation macroéconomique continue de s'aggraver.

Qu’est ce que l'Europe pourrait faire différemment ? Dès le début de la crise, des critiques et moi-même avons vivement recommandé une solution en trois parties. Tout d'abord, une intervention de la BCE pour stabiliser les coûts d'emprunt. Deuxièmement, une expansion monétaire et budgétaire, dans les pays du noyau dur, afin de faciliter le processus d'ajustement interne. Troisièmement, un assouplissement des exigences d'austérité dans les pays périphériques – non pas une austérité nulle, mais amoindrie, afin de minimiser les coûts humains. Les deux dernières solutions n’ont pas été appliquées.

Les responsables européens restent dans le déni profond des fondamentaux de la situation. Ils continuent à associer la crise à la prodigalité budgétaire, qui n'est en fait, qu'une partie du problème,  même pour la Grèce. Ils continuent de clamer le succès de l'austérité et de la dévaluation interne, en usant de n'importe quel prétexte : une fausse hausse de la productivité mesurée de l’Irlande, devient une preuve que la dévaluation interne fonctionne ; la baisse des rendements obligataires qui a suivi  l’intervention de la BCEest présentée comme une justification de l'austérité.

Voilà donc où nous en sommes. Et il est difficile d'envisager une fin heureuse.

© New York Times


 

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