Risques. Les banques largement couvertes à fin 2019

M.M. | Le 29/7/2020 à 12:27

Solvabilité, liquidité ou risque de taux… le système bancaire marocain affichait à fin 2019 une situation très confortable, les ratios prudentielles du secteur étant largement supérieurs aux normes en vigueur. Une situation qui lui permet d’affronter la crise du Covid avec une certaine sérénité.

Le secteur bancaire marocain est réputé pour sa solidité financière face aux risques. Bank Al-Maghrib y est pour beaucoup. C’est connu, le régulateur du secteur ne lésine pas sur le relâchement en matière de gestion des risques, de toute nature, et se montre intraitable dès qu’une banque atteint la zone rouge.

Le rapport de la supervision bancaire de 2019 apporte un éclairage assez intéressant sur la situation des banques face aux différents risques auxquels elles font face.

Un ratio de liquidité de 153% contre un minimum réglementaire de 100%

En termes de liquidité par exemple, les banques affichaient en 2018 un ratio de liquidité de court terme (LCR) de 135%, largement supérieur au minimum réglementaire de 100%. Mais malgré cela, elles ont continué à renforcer leur niveau de liquidité, faisant passer le LCR à 159%.

Ce renforcement paraît préventif quand on analyse les données diffusées par Bank Al Maghrib dans son rapport. Car l’année 2019 a connu une accélération du besoin de liquidité en dirhams des banques, et ce pour la deuxième année consécutive. Une conséquence directe de l’évolution à deux vitesses des crédits et des dépôts : les premiers ont progressé de 4,5%, quand les ressources censées les couvrir n’ont augmenté que de 2,9%, produisant une augmentation du coefficient d’emploi de 2 points à 98%.

Pour gérer cette situation, plusieurs instruments ont été déployés. A commencer par ceux mis à disposition par Bank Al Maghrib, comme la baisse de la réserve obligatoire de 2 points effectuée en 2019 (à 2%). Une mesure qui a permis aux banques de dégager un matelas de liquidité qui leur a épargné de recourir massivement aux avances à 7 jours de la banque centrale. Celles-ci ont d’ailleurs connu une baisse de 3% sur la même année.

Mais ce volet reste peu significatif quand on sait ce que représente le refinancement auprès de BAM dans le passif global des banques : à peine 4,8% de l’ensemble des ressources des banques, une part qui varie selon les banques de 0,5 à 10%. Ce qui explique, entre autres, pourquoi les baisses de taux directeur n’impactent pas réellement les taux débiteurs

C’est donc sur le marché de la dette que les banques se financent essentiellement, comme le montrent les données de BAM. Ainsi, les titres de créances émis en 2019 ont progressé de 21,3%, représentant 5,3% des ressources des banques. Idem pour les dettes subordonnées, d’une maturité plus longue, qui ont enregistré une nouvelle hausse de 9 %, après celle de 5,3% observée en 2018 pour s’établir à 47,6 milliards de dirhams.

Le risque de crédit connait une nouvelle hausse en 2019

Côté solvabilité, les banques ont fournit également de gros efforts pour se couvrir contre les différents risques qui les guettent. Des risques qui ont connu une nette augmentation, progressant de 6% contre à peine 3% en 2018.

Dans le détail, le plus gros de ces risques provient du crédit, qui pèse pour 84% du total des risques nets pondérés des banques, contre à peine 9% pour les risques opérationnels et 7% pour les risques de marché.

En chiffres, les actifs nets pondérés au titre du risque de crédit se sont établis à 831 milliards de dirhams à fin 2019, en hausse de 4,9%, contre 3,8% en 2018. En consolidé, ces risques ont totalisé plus de 1.100 milliard de dirhams, en hausse de 6,7%, contre 5,2% une année auparavant.

La principale exposition des banques se fait donc sur le crédit. Car le total des actifs au titre du risque de marché, quoiqu’en augmentation de 18,6% en consolidé, ne totalisent que 74 milliards de dirhams à fin 2019, soit moins de 10% que l’exposition sur le crédit.

Face à cette montée des risques, les banques ont continué à renforcer leurs fonds propres, comme l’exige la réglementation. Près de 17 milliards de dirhams ont été injectés dans le haut du bilan des banques faisant porter le ratio de solvabilité moyen à 15,6%, contre un minimum réglementaire de 12%.

« Ce renforcement fait suite à des augmentations de capital pour 6,5 milliards de dirhams, des conversions de dividendes en actions pour 1,1 milliard de dirhams et au report des résultats non distribués pour 8,9 milliards de dirhams. Parallèlement, les banques ont émis des dettes subordonnées pour un additionnel de 12 milliards de dirhams », détaille le rapport de BAM, qui précise que ce renforcement s’est fait en parallèle de l’augmentation du taux de distribution de dividendes (54% en 2019 contre 46% en 2018).

Ce qu’un choc des taux de 200 points peut produire

Autre source de risque pour les banques : les taux d’intérêt. Toute évolution à la hausse comme à la baisse des taux peut avoir en effet des effets directs sur les banques, soit en agissant sur la valeur économique de leurs fonds propres, soit en impactant leurs marges sur le crédit ou la valeur de leur portefeuille en produits monétaires et obligataires.

Soumises à des tests par Bank Al Maghrib, selon la méthode dite des « impasses de taux » qui calcule la sensibilité des bilans bancaires aux variations de taux, les banques ont globalement « fait preuve de résilience dans un environnement économique et financier caractérisé notamment par la baisse continue des taux d’intérêt », selon le rapport de BAM.

Ce qui ne veut pas dire qu’une future variation de taux n’aurait aucun impact sur les banques. Car comme le note le rapport, « la majorité des banques sont exposées à un risque, en cas de hausse des taux d’intérêt sur leurs portefeuilles arrêtés à fin 2019 ».

« A court terme, une hausse des taux d’intérêt induirait une baisse de la marge nette d’intérêt pour les banques, dont les ressources à court terme sensibles au taux excèdent les emplois à court terme sensibles aux taux », explique BAM.

Le régulateur a ainsi fait une simulation d’un choc des taux de 200 points de base. Et a étudié la réaction des bilans et des différentes variables que ce choc peut induire aussi bien à la hausse comme à la baisse.

Ainsi, un scénario de hausse des taux de 200 pb donnerait lieu, pour les banques exposées à une hausse des taux, à une baisse de la marge nette d’intérêt moyenne à court terme de -4,98% contre une baisse de -5,32% en 2018.

Pour les banques exposées à un risque de taux à court terme en cas de baisse de taux, un choc d’une amplitude de -200 points de base aboutirait à une contraction de -1,73% de leur marge nette d’intérêt contre -2% en 2018.

Ces variations de taux d’intérêt pourraient engendrer également une dépréciation de la valeur économique des emplois et des ressources à moyen et long terme. Pour la majorité des banques, la valeur économique des emplois se déprécie plus que celle des ressources en cas de hausse des taux, note BAM.

« En cas de choc de taux parallèle de +200 points de base, la dépréciation de la valeur économique des fonds propres s’établirait à -4,30% en 2019 en moyenne pour les banques exposées à un risque de taux haussier. Pour les banques exposées à moyen et long terme en cas de baisse de taux, le risque en cas de choc de 200 points de base équivaut à une dépréciation de -4,42% de la valeur économique des fonds propres en 2019 », détaille le rapport de BAM.

Une bonne base pour affronter la crise du Covid

Globalement, le système bancaire a démarré l’année 2020 sur de bonnes bases comme le montrent le niveau des ratios prudentiels qui restent largement au-dessus des minimums réglementaires. Ce qui permet au système de résister mieux à la crise du Covid, qui se matérialise notamment par une forte montée des risques de crédit et de marché.

Abdellatif Jouahri l’a signalé à maintes reprises lors de ses dernières sorties médiatiques, rassurant l’opinion publique quant à la bonne santé des banques et à leurs capacités à rester stables face à la crise et à continuer à jouer leur rôle de financement de l’économie.

Bank Al Maghrib ne s’est d’ailleurs pas contenté de ce « confort » de départ, mais s’est également montré très souple pour aider le système bancaire à affronter la crise et surtout à le doter de tous les outils pour continuer de distribuer des crédits, notamment aux entreprises.

Cela s’est matérialisé par deux grandes décisions : la baisse historique du taux directeur à 1,5% et la suppression totale de la réserve obligatoire. Sans compter le triplement des capacités de refinancement des banques en cas de manque de liquidités et l’élargissement de la liste des collatéraux que les banques peuvent présenter pour prétendre à des refinancements auprès de la banque centrale.

Conscient des fragilités que la crise du Covid peut produire sur le bilan des banques, à cause notamment de la montée des risques des impayés, le régulateur a également allégé ses règles prudentielles en termes d’exigences en fonds propres et en liquidités, pour faire relâcher la pression sur les banques et leur permettre de jouer le rôle de financeur de la relance. 

>>Lire à ce sujet : Financement bancaire. Abdellatif Jouahri, plus flexible que jamais

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