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Sahara marocain : pourquoi la Minurso ne répond plus aux enjeux géopolitiques actuels (think tank US)

À travers un récit détaillé, Sarah Zaaimi revient pour The Atlantic Council sur les limites structurelles de la Minurso. Constat : la mission onusienne n’est plus adaptée aux réalités du terrain ni à l’évolution des rapports de force diplomatiques.

Sahara marocain : pourquoi la Minurso ne répond plus aux enjeux géopolitiques actuels (think tank US)

Le 21 avril 2025 à 18h09

Modifié 21 avril 2025 à 18h32

À travers un récit détaillé, Sarah Zaaimi revient pour The Atlantic Council sur les limites structurelles de la Minurso. Constat : la mission onusienne n’est plus adaptée aux réalités du terrain ni à l’évolution des rapports de force diplomatiques.

"Le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a fait ses débuts, le 8 avril, auprès de la nouvelle administration du président américain Donald Trump", écrit Sarah Zaaimi dans une analyse publiée par le think tank américain The Atlantic Council, spécialisé dans les affaires internationales. "Lors de rencontres avec le secrétaire d’État Marco Rubio et le conseiller à la sécurité nationale Mike Waltz, les Marocains sont arrivés à Washington avec un objectif clair : obtenir l’assurance que la position de Trump sur le conflit du Sahara occidental sera poursuivie là où elle avait été laissée en 2020".

La réponse américaine n’a pas tardé, rappelle l'auteure : "Le secrétaire a réaffirmé que les États-Unis reconnaissent la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental et soutiennent la proposition marocaine d’autonomie, sérieuse, crédible et réaliste, comme unique base pour une solution juste et durable au conflit".

Un dispositif de l’ONU devenu obsolète

Mais cette reconnaissance renouvelée ne suffit plus. Pour Sarah Zaaimi, "un obstacle majeur persiste : le démantèlement de la Minurso, jugée obsolète et dysfonctionnelle".

Selon l’article, l’administration Trump ne se contente plus de soutenir le Maroc sur le plan diplomatique : elle remet désormais en cause le cadre multilatéral lui-même. "Les États-Unis sont allés plus loin en exhortant les parties à engager des discussions sans délai", souligne Sarah Zaaimi, précisant que "le plan marocain d’autonomie représente désormais, aux yeux de Washington, le seul cadre acceptable pour le dialogue".

La tonalité américaine devient plus offensive encore lorsque Marco Rubio propose d’intervenir comme facilitateur, une initiative interprétée par l'auteure de l'article comme un signal fort. "La seule issue à cet imbroglio colonial vieux de cinquante ans pourrait bien se trouver hors du cadre des Nations unies, qui a jusqu’à présent échoué à fournir une solution durable au peuple sahraoui".

Une mission sans mandat et sans impact

Revenant sur l’historique de la Minurso, l’auteure rappelle que la mission a été mise en place en 1991 pour organiser un référendum d’autodétermination. "Cependant, la mission n’a jamais rempli son mandat et n’a fait que maintenir un état de paralysie au fil des années".

Le constat est sévère : "Si la Minurso surveille le cessez-le-feu, en vigueur depuis près de 35 ans entre le Maroc et les séparatistes du polisario, elle ne constitue en aucun cas une mission active de maintien de la paix".

Et de souligner une réalité territoriale souvent omise : "Depuis le départ de l’Espagne en 1975, le Maroc administre de facto plus de 80% du territoire disputé du Sahara occidental".

Quant aux équipes de la Minurso, elles auraient été "de simples spectateurs, y compris lors des rares accrochages, notamment le long du mur de sable, lorsque le Maroc a décidé de reprendre le contrôle du poste stratégique de Guerguerat en novembre 2020, afin de rouvrir les routes commerciales vers la Mauritanie".

Une diplomatie onusienne en décalage avec la réalité géopolitique

L’article s’attarde aussi sur Staffan de Mistura, envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara. Pour Sarah Zaaimi, "il semblait voué à l’échec dès sa nomination". Depuis 2022, il opère dans un environnement où l’évolution rapide des équilibres internationaux réduit considérablement sa marge de manœuvre.

L’auteure souligne le tournant géopolitique de décembre 2020 comme point de bascule. "La dynamique a changé dès décembre 2020, lorsque les États-Unis ont reconnu la souveraineté de Rabat sur le Sahara marocain en parallèle de la normalisation diplomatique entre le Maroc et Israël".

Ce repositionnement stratégique, combiné à l’ouverture de nombreuses représentations consulaires étrangères dans les villes de Laâyoune et Dakhla, a profondément affaibli l’autorité morale et diplomatique de la Minurso. "Un bouleversement géopolitique majeur qui a renversé l’équilibre fragile maintenu jusqu’alors par la Minurso entre le Maroc et l’Algérie", ajoute Sarah Zaaimi.

L’isolement diplomatique du polisario, la fin d’un mythe de l’autodétermination ?

Dans son analyse, Sarah Zaaimi souligne que "le coup de grâce est venu des deux anciennes puissances coloniales à l’origine des frontières arbitraires dans la région". L’Espagne, d’abord, s’est ralliée à la position marocaine en 2022, suivie de la France en 2024, tandis que plus de vingt-neuf pays ont ouvert des représentations diplomatiques au Sahara, dans les villes de Laâyoune et Dakhla.

La reconnaissance internationale croissante de la souveraineté marocaine a sérieusement affaibli les efforts diplomatiques du polisario, soutenu par Alger. "Le diplomate italien lui-même, Staffan de Mistura, a annoncé en octobre 2024 son intention de démissionner", écrit Sarah Zaaimi, "admettant son incapacité à jouer un rôle entre un Maroc soutenu par une majorité internationale et une Algérie enfermée dans la défense d’un mirage d’autodétermination sahraouie".

Dans ce qui a été perçu comme un aveu d’échec, De Mistura a proposé une partition du Sahara occidental, renforçant selon l’auteure l’idée que"lui-même et la Minurso sont désormais des instruments néocoloniaux dépassés", absorbant un budget annuel de 61 millions de dollars, dont la majorité est financée par les États-Unis.

Zones grises sécuritaires, Minurso passive

L’article pointe aussi l’inaction chronique de la mission onusienne face aux menaces sécuritaires régionales. "Les frontières contestées du Sahara ont longtemps été des zones grises, servant de refuge à des groupes terroristes affiliés à Al-Qaïda, à l’État islamique (ISIS), et récemment aux réseaux d’influence iraniens et russes", note l'auteure. En dehors de la production de rapports, la Minurso n’a pris "aucune mesure concrète pour contrer ces phénomènes".

Le trafic d’êtres humains et de stupéfiants, qui prospère dans cette région, est laissé aux seules forces marocaines et algériennes, souligne-t-elle, comme le détournement récurrent de l’aide humanitaire destinée aux Sahraouis des camps de Tindouf. "Des éléments de preuve indiquent que cette aide est corrompue et revendue sur des marchés comme Nouadhibou, en Mauritanie", ajoute-t-elle.

Référendum sahraoui : une fiction irréalisable

Pour l’auteure, "le référendum tant attendu par certains acteurs du conflit repose sur des mythes historiques et une méconnaissance du tissu démographique saharien". Contrairement à d’autres conflits décolonisateurs, la revendication d’autochtonie des Sahraouis ne repose sur aucune antériorité exclusive. "Les tribus hassanies, issues des Beni Hassan, sont arrivées dans le Maghreb au XIIIe siècle, invitées par l’empire almohade pour contrebalancer les Amazighs", explique-t-elle.

Ces tribus sont aujourd’hui réparties entre la Mauritanie, l’Algérie, le Maroc et le Sahara, rendant impossible la définition d’un corps électoral consensuel. La Minurso n’est jamais parvenue à établir une liste de votants acceptée par toutes les parties, vidant de sens sa raison d’être.

De plus, rappelle l'auteure de l'article, "depuis les années 1970, le Maroc a mis en place des politiques d’incitation à la sédentarisation dans le Sahara, avec des avantages salariaux, des subventions et des infrastructures sociales". Aujourd’hui, deux générations y sont nées. Et dans les camps de réfugiés en Algérie, où vivent environ 173.600 personnes, il est très difficile de distinguer les Sahraouis historiques de ceux ayant fui d'autres crises sahéliennes.

Des attentes locales orientées vers l’autonomie

L’enquête de terrain menée par l’auteure en juillet 2024 dans les villes de Dakhla, Laâyoune et Boujdour montre une tendance claire : "La majorité des personnes rencontrées expriment une fatigue du conflit et un désir de stabilité". Pour beaucoup, le plan d’autonomie proposé par Rabat en 2006 est perçu comme une voie réaliste vers la préservation de leur identité culturelle, couplée à une souveraineté locale effective sur les ressources.

Sarah Zaaimi observe également un changement stratégique du Maroc, qui a su passer d’une gestion sécuritaire répressive dans les années 1990 à une politique de développement régional ambitieuse, incarnée notamment par le port atlantique de Dakhla, projet structurant de 1,2 milliard de dollars. "Cette nouvelle approche a redonné espoir à une partie de la jeunesse sahraouie", rapporte-t-elle, bien que certains réclament encore des précisions sur les modalités concrètes de gouvernance autonome.

L’heure du démantèlement a sonné

L’article conclut sans détour : "Depuis trente-quatre ans, la Minurso déçoit les Sahraouis en échouant à remplir sa mission, en entretenant une culture du laisser-faire, et en maintenant des centaines de milliers de personnes en otage d’un calcul géopolitique complexe".

Il est temps, estime Sarah Zaimi, que les États-Unis et leurs alliés transatlantiques agissent de manière cohérente avec leur position politique : "Cesser le financement, démanteler et mettre un terme à la mission, afin que le plan d’autonomie puisse enfin entrer dans une phase concrète de mise en œuvre".

Et de conclure en citant Robert D. Kaplan dans The Revenge of Geography : "Les frontières ne sont pas de simples lignes sur une carte ; elles reflètent les dynamiques du pouvoir".

Pour Sarah Zaaimi, la dynamique actuelle est claire : le temps de la Minurso est révolu, et seule une solution pragmatique et encadrée autour de l’autonomie peut mettre un terme à ce conflit figé depuis un demi-siècle.

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