Chaîne de Ponzi : à Tanger, des centaines de victimes d'une nouvelle affaire
À Tanger, l'affaire du groupe "Al Khayr" fait grand bruit et préoccupe l'opinion publique en raison de ses nombreuses ramifications, de la multitude des intervenants et des prétendues victimes. Médias24 a interrogé l'avocat Redouane Sidaoui, qui représente plusieurs plaignants dans cette affaire qu'il compare à un "fléau".
Chaîne de Ponzi : à Tanger, des centaines de victimes d'une nouvelle affaire
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Nawfal Kaiss
Le 3 septembre 2024 à 18h06
Modifié 3 septembre 2024 à 19h05À Tanger, l'affaire du groupe "Al Khayr" fait grand bruit et préoccupe l'opinion publique en raison de ses nombreuses ramifications, de la multitude des intervenants et des prétendues victimes. Médias24 a interrogé l'avocat Redouane Sidaoui, qui représente plusieurs plaignants dans cette affaire qu'il compare à un "fléau".
Tout commence en février 2022. Trois femmes à Tanger ont lancé une campagne publicitaire sur les réseaux sociaux pour recruter un groupe de femmes issues de milieux modestes, leur faisant croire qu'elles participaient à une "daret" (tontine) d'inspiration européenne, dont le but est de faire "al khayr" (le bien) et d'aider les gens.
Selon les explications de l'avocat Redouane Sidaoui, qui représente plusieurs victimes de cette arnaque, le système proposé ressemblait à une daret traditionnelle, une pratique bien connue au Maroc où un groupe de personnes cotisent mensuellement, permettant à chacune d'entre elles de recevoir une somme d'argent à tour de rôle.
Cependant, la version présentée par les trois femmes du groupe "Al Khayr" promettait bien plus. Elles assuraient à leurs victimes que pour un dépôt unique de 1.800 DH, elles pourraient récupérer 10.000 DH au bout de six mois. "Après avoir reçu ce montant, la personne avait le droit de remettre en jeu les 1.800 DH autant de fois qu'elle le souhaitait pour recevoir à chaque fois 10.000 DH", a expliqué Me Sidaoui.
Pour donner une teinte de légitimité à leur entreprise, les trois femmes n'ont pas hésité à se rapprocher de figures religieuses. "Elles ont rendu visite à des fqihs et des membres du Conseil des Oulémas, enregistrant des vidéos dans lesquelles ces derniers assuraient que les gains du groupe 'Al Khayr' étaient tout à fait halal (licites)", a précisé l'avocat. Plus encore, certains fqihs ont eux-mêmes effectué des dépôts, renforçant la crédibilité de cette opération auprès des victimes potentielles.
Ce stratagème a rapidement attiré un grand nombre de participants, principalement des femmes, qui ont commencé à effectuer leurs premiers dépôts, convaincues par les promesses de gains importants et les garanties religieuses.
Une nouvelle étape du plan des fondatrices a attiré encore plus de personnes, séduites par la perspective d'un gain rapide et substantiel. Les participantes, rassurées par les premiers retours sur investissement, ont rapidement adhéré à un nouveau "pack" à 12.600 DH, espérant récupérer 30.000 DH, selon les promesses qui leur avaient été faites. L'idée de parrainer d'autres personnes, présentée comme un moyen d'accroître les bénéfices sans effort supplémentaire, a également renforcé l'illusion d'une opportunité lucrative.
Cependant, la réalité était bien différente. "Ce système participatif n'était en réalité qu'une pyramide de Ponzi déguisée", a indiqué Me Sidaoui. "Les premiers gains versés aux participantes étaient simplement financés par les nouveaux dépôts effectués par d'autres victimes, et non pas par une activité économique légitime".
Le groupe "Al Khayr" a rapidement pris de l'ampleur au fur et à mesure que les cotisations affluaient, non seulement du Maroc, mais aussi de diverses régions du monde. "Une hiérarchie s'est rapidement mise en place", a ajouté Me Sidaoui, décrivant une structure organisée avec à sa tête une présidente, une directrice, ainsi que des administratrices et animatrices responsables de la gestion des groupes WhatsApp composés de centaines de personnes.
Cependant, en septembre 2023, des tensions internes ont commencé à émerger. "Des différends ont éclaté entre les membres fondatrices, ce qui a conduit à l'arrêt soudain des envois des gains promis", a révélé l'avocat. Cet arrêt brutal a semé le doute parmi les participants, jusque-là convaincus de la fiabilité du système.
Face à cette situation, et voyant leurs gains suspendus sans explication, les victimes ont décidé de passer à l'action. "En juillet dernier, elles ont pris la décision de déposer des plaintes pour tenter de récupérer leurs fonds et obtenir justice", a indiqué Me Sidaoui.
"Aujourd'hui, l'enquête est en cours près le tribunal de première instance et sous la supervision du parquet de Tanger, avec un nombre de plaignants qui ne cesse d'augmenter", déclare l'avocat.
Selon Me Sidaoui, certains suspects sont actuellement en détention, tandis que d'autres sont encore en fuite ou en liberté provisoire. "Ils seront poursuivis pour escroquerie et abus de confiance", a-t-il souligné, évoquant la gravité des accusations portées contre eux.
L'un des défis majeurs de cette affaire réside dans la distinction entre les présumés escrocs et les victimes, étant donné le grand nombre de personnes impliquées dans les transactions. "Légalement, l'élément principal est de déterminer qui a reçu les montants et les a redistribués", a expliqué Me Sidaoui.
Il a précisé que les participants qui se sont contentés d'effectuer des dépôts ne seront pas inquiétés par la justice. En revanche, "ceux qui ont recruté de nouvelles personnes, reçu leur argent et se sont portés garants, ainsi que les dirigeants du groupe 'Al Khayr', seront poursuivis".
L'avocat Redouane Sidaoui s'est également exprimé sur les chances de récupérer les fonds détournés. "Dans ce genre de dossier, les victimes récupèrent généralement leur argent, surtout que dans notre cas, aucun gain n'a été versé depuis septembre dernier". Il s'est montré confiant quant à l'application de la loi, affirmant qu'"avec les efforts concertés de toutes les parties prenantes, la loi va être appliquée et l'argent reversé à ses propriétaires".
Me Sidaoui a également lancé un appel aux victimes, les encourageant à suivre le processus légal. "J'appelle toutes les victimes à déposer plainte, à suivre le processus légal et à éviter les pratiques qui n'ont aucun intérêt, comme les manifestations devant les tribunaux", a-t-il insisté. Il a fait part de son intention de porter plainte contre ceux qui ont amassé des gains importants, exigeant qu'ils restituent cet argent aux victimes.
Selon les derniers chiffres communiqués par les plaignants et jusqu'à la semaine dernière, le total des montants en jeu dans cette affaire s'élèverait à 720 millions de DH, un chiffre qui ne cesserait d'augmenter avec l'apparition de nouvelles victimes. "Les gens qui ont empoché ces grosses sommes d'argent se doivent aujourd'hui de les rendre aux victimes, car cette affaire a détruit des familles", a souligné Me Sidaoui.
Il a décrit les conséquences dramatiques de cette escroquerie, évoquant des conjoints issus de milieux modestes ayant divorcé et parfois même poursuivi leur épouse en justice pour avoir versé toutes leurs économies au groupe "Al Khayr". Des tensions ont également surgi entre parents et enfants à cause de cette affaire.
"Les gens ne doivent pas céder à la cupidité et confier leur argent à des personnes qui leur promettent d'engranger des millions sans fournir le moindre effort", a mis en garde Me Sidaoui.
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