Le 28 septembre dernier, une portion d’une terre agricole s’est effondrée, soudainement, dans la commune de Zaouiat Lakouacem aux alentours d’Ouled Farej. La grande profondeur de ce vide met en danger la vie des personnes et du bétail. Afin de diminuer ce risque, les autorités locales ont procédé à la protection du site et à l’ouverture d’une enquête sous la supervision du parquet. Pour sa part, l’agriculteur sinistré rapporte que son activité agricole est suspendue puisqu’aucun tracteur ou engin ne peut s’aventurer près de cette zone.

L’explication scientifique du phénomène

Le phénomène en question fait référence à un effondrement d’une doline (cover collapse sinkhole) favorisé par la présence de roches carbonatées karstifiées. Ce phénomène n’est ni mystérieux ni rare, mais plutôt fréquent et connu dans la région de Doukkala Abda. L’examen de plusieurs travaux scientifiques permet d’apercevoir plusieurs effondrements spectaculaires dans plusieurs zones telles que les communes de Sebt Sais, Beni-Hillal, Moul Bergui, Khemis Zemamra...

Photos montrant des dolines d’effondrement dans la région (source : Boualla et al., 2015)

Le plateau du Sahel est une zone à haut risque

La carte géologique de la zone de Doukkala Abda montre que la région du Sahel est prédominée par une formation de calcaire (de couleur jaune dans la carte ci-dessous). Cette zone est couverte d’un plateau de calcaire susceptible d’être karstique (mot décrivant la dissolution des carbonates par l’eau) dans plusieurs endroits.

Carte géologique simplifiée de la région de Doukkala Abda (source : Laaziz et al., 2016)

Dans un tel environnement, une doline correspond à un relief formant une dépression circulaire dont la taille varie de quelques mètres à des centaines de mètres de diamètre, avec une profondeur généralement comprise entre moins d’un mètre et des dizaines de mètres ; certaines formes retiennent l’eau et forment des étangs naturels.

Il existe plusieurs types de dolines. Les plus dangereuses sont les dolines d’effondrement car elles peuvent être à l’origine de grosses pertes humaines et matérielles. Les dolines d’effondrement, objet de cet incident, se forment en deux étapes : la dissolution et la suffosion. Les processus de dissolution, au cours desquels les roches de surface solubles dans les acides faibles, sont dissous, et de suffosion, au cours desquels les cavités se forment sous la surface du sol. Selon une note publiée par l’USGS (The United States Geological Survey), les dolines d’effondrement se forment de la manière suivante :

1. Le sol de couverture s’infiltre dans la cavité carbonatée dissoute.
2. À mesure que la décomposition se poursuit, le sol de couverture forme un arc structurel.
3. La cavité migre vers le haut par effondrement progressif du toit.
4. La cavité finit par percer la surface du sol, créant une doline d’effondrement soudaine et spectaculaire

Croquis descriptif des dolines d’effondrement (source : Note USGS).

Outre le facteur naturel, les dolines peuvent se former par des facteurs humains. Dans le monde rural, le pompage excessif des eaux souterraines peut conduire à l’effondrement de dolines. Si le pompage entraîne une baisse du niveau des eaux souterraines, une défaillance structurelle souterraine se produit, et donc des dolines peuvent s’effondrer.

Les solutions envisagées

En cas d’effondrement, il existe diverses solutions techniques qui requièrent l’injection de matériaux permettant l’arrêt de l’effondrement et la résistance à l’érosion (béton, chaux, mélange de sable et gravier...) mais elles sont très coûteuses.

A ce jour, la prédiction précise des dolines d’effondrement n’est pas possible malgré les avancées technologiques. Cependant, on peut minimiser leur taux d’apparition par plusieurs pratiques. En amont, il faut développer une cartographie fine (par méthodes électriques, électromagnétiques ou sismiques) des zones susceptibles d’apparition de dolines afin d’instaurer des limitations. En aval, il faut minimiser les facteurs humains pouvant conduire à la prolifération de dolines d’effondrement dans les zones à haut risque (pompage hydraulique excessif, construction d’ouvrages, extraction minière…).

Dans le cadre de la Stratégie nationale de gestion des risques naturels (SNGRN), le ministère de l’Intérieur finalise plusieurs projets dont le développement d’un système national d’information géographique sur les aléas, la vulnérabilité et les risques. Ce projet permettra de détecter, suivre en permanence l’évolution d’un aléa et définir les secteurs les plus vulnérables.