Comment s’annonce l’année 2023 pour les milieux d'affaires ?

Mehdi Tazi, Vice-président de la CGEM, et Adil Douiri, patron du groupe industriel Mutandis, nous parlent des grandes tendances qui vont marquer cette année l’environnement des affaires. Inflation, taux d’intérêts, concurrence étrangère, climat de l’investissement, environnement social… Voici ce qui affectera, de manière positive ou négative, le monde du business au Maroc.

Les indicateurs d’activité du complexe portuaire Tanger Med ont tous enregistré une croissance en 2022.

Comment s’annonce l’année 2023 pour les milieux d'affaires ?

Le 12 mars 2023 à 17h28

Modifié 13 mars 2023 à 13h37

Mehdi Tazi, Vice-président de la CGEM, et Adil Douiri, patron du groupe industriel Mutandis, nous parlent des grandes tendances qui vont marquer cette année l’environnement des affaires. Inflation, taux d’intérêts, concurrence étrangère, climat de l’investissement, environnement social… Voici ce qui affectera, de manière positive ou négative, le monde du business au Maroc.

Sur le plan macroéconomique, l’année 2023 s’annonce plutôt bien, surtout avec les récentes précipitations qui ont fait renaître l’espoir d’une bonne campagne agricole tout en baissant la pression sur l’eau. Mais pour les chefs d’entreprises, au-delà de la croissance du PIB, plusieurs sujets influent sur leur activité, leur croissance, leurs projets de développement.

A leur tête l’inflation, qui a eu un effet dévastateur en 2022, en augmentant le coût des intrants, et par ricochet, le prix des produits au consommateur final.

Si l’inflation est toujours présente, forte, sur les produits alimentaires, notamment agricoles, l’inflation qui touche les entreprises se relâche. Ce qui est plutôt une bonne nouvelle pour le milieu des affaires, comme en témoigne Mehdi Tazi, vice-président de la CGEM.

Moins de pression sur le coût des intrants

« L’inflation qui touche directement les entreprises se calme. Nous sommes moins embêtés qu’en 2022. Les coûts de l’énergie baissent, le fret, le transport, le coût de certaines matières premières se détendent… La tension inflationniste n’est plus la même. Nous étions l’année dernière à des niveaux d’inflation de 7 à 8%, on retombe aujourd’hui à des niveaux compris entre 2 et 4% », explique le VP du patronat.

Moins de pression sur les coûts des intrants, c’est moins de pression sur le BFR des entreprises, leurs marges, leur politique de prix… Ce qui est une bonne nouvelle.

Industriel dans plusieurs secteurs qui s’adressent directement au consommateur final, le patron de Mutandis, Adil Douiri, confirme cet apaisement.

« Pour nous qui sommes dans une chaîne de valeur qui se place entre les matières premières transformées (métaux, huiles, produits dérivés du pétrole, concentrés de fruits…) et le consommateur final, on devrait plutôt bénéficier de la conjoncture actuelle. Les prix des matières premières ont arrêté leur hausse, à l’exception des concentrés de fruits. On est loin des pics de prix enregistrés en août et septembre 2022. Cela nous permet de respirer au niveau de nos coûts de revient », souligne Adil Douiri.

Mais cela ne signe pas pour autant la fin des tensions sur le marché, car les hausses de prix appliquées par les industriels en 2022 peuvent avoir un impact direct sur le volume de consommation des ménages en 2023, comme tient à préciser le patron de Mutandis.

« En 2022, nous avons appliqué des hausses de prix de 20% en moyenne sur nos produits. Nous avons constaté que les volumes n’ont pas été touchés, car les hausses étaient étalées dans le temps. La question que l’on se pose actuellement c’est de savoir si cette tendance va se poursuivre ou non, si le consommateur continuera d’acheter autant de détergents, autant de conserves de poisson, autant de boissons… sachant que les prix de ces produits ont connu une hausse de 20%. Ça, on va le découvrir cette année. C’est un petit point d’incertitude, mais je reste tout de même optimiste… »

Cette hausse des prix à la consommation, le vice-président de la CGEM estime également qu’elle peut avoir un impact sur le monde de l’entreprise. Surtout dans tout ce qui concerne les produits agricoles (tomates, pommes de terre, oignons…).

« Si l’inflation qui touchait les intrants s’est calmée, on remarque qu’il y a toujours des tensions inflationnistes sur les prix des produits alimentaires et agricoles. Et cette inflation touche directement les couches sociales défavorisées. Au sein de la CGEM, nous pensons que nous avons un rôle à jouer sur ce sujet. Il faut qu’on trouve des solutions pour jouer notre partition et limiter cette inflation. Notre conviction est qu’on ne peut pas avoir une économie saine, qui se développe, avec des couches défavorisées qui souffrent. Nous avons donc un rôle à jouer », nous explique-t-il.

Mais en dehors des produits agricoles, la bonne nouvelle, selon Adil Douiri, c’est que sur les autres produits, il n’y aura pas de nouvelles hausses de prix au vu de la stabilisation du coût des intrants. C’est déjà ça de gagné.

Augmentation des taux d’intérêt : un impact direct sur la marge nette des entreprises

Autre tendance de fond qui impacte les entreprises cette année : la hausse des taux d’intérêt, conséquence directe de la politique monétaire menée par Bank Al Maghrib qui a essayé de contenir l’inflation par la hausse de son taux directeur. Et qui dit hausse des taux, dit hausse des frais financiers des entreprises et de leur coût de financement.

Mehdi Tazi donne l’exemple concret des crédits Oxygène et Relance, distribués pendant la crise du Covid pour aider les entreprises à rester en vie et se relancer après la fin de la pandémie. Des crédits qui était indexés au moment de leur montage sur un taux directeur de 1,5%, et dont le coût s’est renchéri après la hausse du taux directeur de Bank Al Maghrib.

« L’augmentation est nécessaire, on la comprend. Maintenant, elle a l’effet connu, qui est le pendant de toute politique monétaire anti inflationniste, c’est qu’elle a tendance à réduire la croissance. Et ça, c’est un impact macroéconomique. Sur le plan micro, il y a l’exemple des crédits Oxygène et Relance : cette hausse des taux a augmenté de 1 à 1,5 point leur coût pour les entreprises. Le cas de ces crédits est particulier, car ils n’ont pas été contractés pour faire des investissements productifs, mais pour maintenir les entreprises en survie dans une période compliquée. Puisqu’ils ne produisent pas de rendement, il était déjà compliqué de les rembourser. Maintenant, cela le sera encore plus avec cette hausse des taux », indique le VP de la CGEM.

Et cet impact de la hausse des taux ne touchera pas que les seuls chefs d’entreprises qui ont contracté ces crédits garantis par l’Etat. Mais toutes les entreprises, comme le souligne Adil Douiri.

Selon ses calculs, les deux hausses du taux directeur décidées en 2022 auront un impact direct sur la marge nette après IS des entreprises. Un impact qu’il estime entre 50 et 100 points de base :

« Les taux étaient de 4% en moyenne en 2022, tous types de crédits confondus. La moyenne actuelle est de 5%. Cette hausse va donc enlever aux entreprises un point de marge nette après IS, ou un demi-point au minimum pour une entreprise qui n’est pas très endettée. En moyenne, pour un niveau de dette de 50% du chiffre d’affaires, l’impact moyen sur la marge nette serait de 75 points de base. Une entreprise qui faisant 6% de marge nette fera en 2023 un taux de marge de 5,25%».

Si cette situation est compréhensible, selon M. Douiri, vu le contexte inflationniste, pour lui, il faut que les autorités monétaires fassent le maximum pour que l’on puisse revenir dans les deux à trois prochaines années à des niveaux de taux plus bas. « Une fois dépassée cette période inflationniste, il faut faire le maximum pour revenir dans les prochaines années à des niveaux de taux les plus compétitifs possibles. C’est bon pour toute l’économie, pour les entreprises, les ménages, mais aussi pour l’Etat… », explique-t-il.

Une bonne ambiance pour l’investissement

Autre sujet qui façonnera l’année 2023 pour les entrepreneurs, l’environnement de l’investissement. Pour Mehdi Tazi, les choses se présentent plutôt bien.

« On a des secteurs qui ont clairement repris, comme l’industrie, les services, le tourisme, et on a des projets d’investissements importants dans le pipe qui vont faire bouger la machine économique. Il y  a l’exemple de tous les projets lancés par l’Etat dans le dessalement, les énergies vertes, l’hydrogène vert, les infrastructures…En plus d’OCP qui a annoncé un plan d’investissement de 130 milliards de dirhams dans les secteurs de l’eau et l’énergie. Tout cela donne des perspectives intéressantes », estime le Vice-président du patronat.

Et d’ajouter qu’il serait encore plus intéressant si on impliquait davantage le secteur privé dans ces projets. « Je pense en effet qu’on peut libérer les énergies davantage, par le biais des PPP. On peut impliquer le privé par exemple dans les projets de dessalement où des acteurs privés peuvent également investir. Cela permettra d’accélérer toute la dynamique de ces projets et de leur déploiement. Surtout que nous disposons actuellement de tous les outils pour faire du secteur privé un acteur important dans l’investissement. Nous avons une nouvelle charte de l’investissement, le fonds Mohammed VI qui peut doter les acteurs privés de fonds propres et de quasi fonds propres…».

Adil Douiri ne dit pas autre chose, même s’il considère que l’investissement n’est pas lié à la conjoncture.

« L’investissement est un cycle long, ce n’est pas lié à la conjoncture. Une décision d’augmentation des capacités de production, de diversification des produits ou de croissance externe ne se fait pas sur la base de la conjoncture d’une année. L’investissement, c’est un cycle d’au moins trois ans. Maintenant, il faut dire qu’il y a une bonne ambiance pour l’investissement, notamment avec la nouvelle charte de l’investissement. Le gouvernement s’est montré très généreux en matière d’appui à l’investissement, on ne peut pas demander plus », nous dit-il.

Le dumping monétaire fait souffrir les industriels marocains

Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Pas vraiment, car il reste toujours des sujets d’inquiétudes ou de risque qui pèsent sur le milieu des affaires.

A leur tête, l’incertitude mondiale que le Maroc subit, sans en être un acteur. Un point que nos sources évoquent, mais estiment qu’il faut composer avec.

Autre problème que pointe du doigt Adil Douiri : la concurrence déloyale de certains pays comme l’Egypte et la Turquie. Une concurrence d’un nouveau genre, qui se joue sur le terrain de la monnaie.

« On souffre cette année du dumping monétaire de pays comme l’Egypte et la Turquie. Le Maroc a une monnaie stable, une politique monétaire saine, mais la valeur de la monnaie de ces pays a été divisée par trois ou par quatre. Quoi que l’on fasse, on ne peut pas résister à ça. Sur certains produits, comme dans l’agroalimentaire ou dans la filière du plastique, des bouchons de bouteille par exemple, les Égyptiens et les Turcs vendent leur produit à un prix inférieur à nos coûts de revient. Il y a même des produits qui sont vendus en dessous du prix de la matière première », alerte le patron de Mutandis.

Pour lui, la réponse à ce problème doit venir des autorités publiques.

« Ce sujet doit être mis à la table des autorités et le gouvernement doit bien regarder les prix des produits importés. Dans les conditions actuelles, il y a plusieurs mesures qui peuvent être prises. On peut par exemple activer des clauses de sauvegarde pour protéger l’industrie nationale. On l’avait déjà fait dans le passé et on a le droit de le faire aujourd’hui comme le prévoient les accords de libre-échange qui nous lient avec ces pays, car ce dumping monétaire peut être destructeur pour l’industrie locale », recommande Adil Douiri.

Mehdi Tazi tient à souligner de son côté que le monde des affaires attend également le dénouement du dialogue social sur de grandes réformes comme celles de la loi sur la grève et le Code du travail. Des sujets stratégiques pour le climat des affaires et pour l’environnement de l’investissement. Et sur ce point, les choses ne vont pas comme prévu.

« On a une feuille de route avec le gouvernement et les syndicats, avec des engagements et un calendrier à respecter. Le privé a respecté ses engagements. Mais on remarque que l’on commence à prendre un peu de retard sur la seconde étape qui est celle de la promulgation de la loi sur la grève, prévue pour fin janvier, et le Code du Travail qui doit être prêt pour juillet, selon le calendrier initial. Nous pensons que ces sujets doivent avancer, car c’est dans l’intérêt de tout le monde. Nous ne sommes pas dans une logique de confrontation, où nous défendons des intérêts corporatistes, car nous pensons que ces réformes servent l’intérêt public, l’intérêt de notre pays, de notre économie, des emplois… », signale le vice-président du patronat.

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