CNDH : “On a besoin de plus de femmes dans les tribunaux marocains”

Le Conseil national des droits de l’Homme a présenté, vendredi 10 mars, son rapport sur la dénonciation des violences à l’encontre des femmes et la lutte contre l’impunité. Voici les points les plus importants.

CNDH : “On a besoin de plus de femmes dans les tribunaux marocains”

Le 11 mars 2023 à 10h34

Modifié 6 avril 2023 à 11h32

Le Conseil national des droits de l’Homme a présenté, vendredi 10 mars, son rapport sur la dénonciation des violences à l’encontre des femmes et la lutte contre l’impunité. Voici les points les plus importants.

Le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) a présenté les principales conclusions et observations concernant les questions relatives au signalement de la violence à l’égard des femmes et à la lutte contre l’impunité. Le rapport couvre la période de septembre 2018 jusqu’à fin novembre 2022, en tenant compte de la diversité géographique et des différents degrés de contentieux.

Anomalies dans les tribunaux et commissariats

Le rapport évoque plusieurs anomalies dans les tribunaux et commissariats. En effet, les données comparatives montrent que la majorité des jugements sont rendus par des organes dirigés par des juges de sexe masculin. On note également que des juges femmes président les audiences sur les violences faites aux femmes (petits délits de police). D’autre part, le rapport note que la présence des femmes dans les affaires pénales est faible, ce qui soulève des questions sur la faible présence des femmes juges et sur la mesure dans laquelle l’approche genre est intégrée dans la carte judiciaire et dans la répartition des tâches au sein des tribunaux.

Sur le signalement des violence, les données démontrent que 96% des cas de violence sont signalés par les victimes elles-mêmes, que ce soit par le biais de leur recours à des cellules de violence dans les tribunaux ou dans des centres de sécurité ou de santé, tandis que le pourcentage de cas de violence qui ont été signalés par tiers n’a pas dépassé 3,33%, y compris les cas signalés par les accusés eux-mêmes.

Le rapport évoque également des défaillances dans le droit à la défense.  On note que dans 54% des cas, les femmes battues n’ont pas bénéficié de leur droit à la défense, tandis que 43% des cas de violence ont bénéficié d’une défense. On remarque également qu’aucune défense n’a été désignée dans le cadre de l’assistance juridique aux victimes de violence, sauf dans 1,67% des jugements faisant l’objet de l’échantillon.

Les lacunes qui fâchent

Le rapport pointe les lacunes qui persistent dans la lutte contre les violence faites aux femmes, notamment :

- l'existence d'un décalage dans le processus de signalement, le nombre de plaintes enregistrées au niveau de la police judiciaire et le nombre de plaintes qui parviennent à la justice ;

- la faiblesse ou l'absence d'une culture du signalement dans la société marocaine, qui empêche un certain nombre de cas de violence d'être portés à la connaissance des autorités judiciaires ;

- la persistance de stéréotypes qui perpétuent la normalisation de la violence à l'égard des femmes et la considèrent comme une affaire privée et un comportement normal ;

- l'absence d'incrimination du mariage illégal des filles en l'absence d'un texte légal, conduisant à différentes adaptations par les tribunaux et parfois à l'émission de décisions d'acquittement sur la base de soupçons dus à l'absence d'un texte juridique clair ;

- la non-existence d’un texte spécial qui incrimine le viol conjugal ;

- la possibilité de criminaliser les victimes qui conduit à la réticence de nombre d'entre elles à dénoncer, au regard de la poursuite de la criminalisation des relations individuelles entre adultes, par crainte de poursuites judiciaires (violences sexuelles notamment) ;

- l'augmentation du nombre de meurtres de femmes au Maroc (passé de 29 cas en 2018 à 54 cas en 2021). La majorité des personnes impliquées sont des hommes de la famille des victimes ou des maris ;

- l'application automatique de conditions atténuantes pour les prévenus dans les affaires de violence à l'égard des femmes, notamment lorsqu'elle est pratiquée dans un contexte familial ou conjugal, souvent justifiée par des raisons telles que l'absence de précédents judiciaires, les conditions sociales de l'accusé et la sévérité de la peine légalement prescrite, compte tenu de la gravité des actes commis, sans tenir compte de la gravité de l'infraction et de son impact sur la victime ;

- l'auteur du crime de viol bénéficie de circonstances atténuantes en cas de mariage avec sa victime, et dans certains cas fait suspendre la peine ;

- la faiblesse des services médicaux gratuits fournis aux survivants de violences, qui se limitent aux preuves médicales et ne comprennent pas les soins médicaux de suivi, en particulier en cas d'agression sexuelle.

Les acquis des dernières années

Dans son rapport, le CNDH met aussi en relief les avancées qui ont été faites. On remarque désormais l'intervention immédiate des forces de l'ordre et l'ouverture d'enquêtes judiciaires sur certains cas de violence circulant sur les réseaux sociaux, en soulignant que ces derniers peuvent se transformer en espaces pour encourager la dénonciation des crimes de violence contre les femmes.

Le Conseil loue également la parution de la première jurisprudence qui consacre le principe de viol conjugal, après qu'un arrêt de la Cour d'appel correctionnelle ait annulé une décision préjudicielle dans la partie relative au reconditionnement et à la condamnation de l'accusé pour crime de viol ayant entraîné la défloration au lieu d'un délit de violence conjugale.

Les observations du Conseil ont de surcroît relevé un ensemble de bonnes pratiques, notamment :

- la désignation de certains tribunaux pour une session spéciale sur les cas de violence à l'égard des femmes (même si ces expériences étaient limitées) ; 

- la mise en place de sessions d’écoute des victimes qui servent principalement à informer les victimes de leurs droits ;

- l'exemption aux victimes d'assister au reste des audiences du procès ;

- la tenue d'audiences au secret, d'office ou à la demande de la défense de la victime.

La gestion des plaintes

Le rapport a souligné l'augmentation des cas de signalement de violences faites aux femmes, puisque le nombre de plaintes enregistrées au parquet en 2020 a atteint un total de 64.251 plaintes, réparties entre 53.552 plaintes ordinaires et 10.699 plaintes électroniques. En 2021, un total de 96.276 plaintes ont été enregistrées, tandis que 75.240 ont été enregistrées en 2022. Selon le rapport, le nombre élevé de plaintes enregistrées reflète les efforts déployés par les cellules d'appui aux femmes victimes pour encourager le signalement, soutenir et guider les victimes de violence.

Recommandations à la presse

Le CNDH a également rappelé à la presse d'exercer son devoir de sensibilisation et de diffusion de la culture du signalement :

- en contribuant au signalement des violences basées sur le genre ;

- en attirant davantage l'attention sur ses enjeux et en sensibilisant les femmes, les filles et la société ;

- en brisant le tabou du signalement des violences.

Grâce à la presse et aux médias, les survivants peuvent avoir la possibilité de partager leurs expériences, d'inciter et d'encourager la dénonciation et de combattre la violence.

Les journalistes doivent également plaider pour la réforme et le changement, en mettant en évidence les pratiques qui empêchent un signalement efficace. Ils doivent également contribuer à donner une impulsion au plaidoyer en faveur de politiques et de programmes qui traitent de la violence sexiste.

En outre, le rapport souligne que la presse doit suivre les progrès et les projets de réforme, mettre en évidence ses obstacles, renforcer la protection des survivants et empêcher l'impunité des auteurs de violences basées sur le genre.

Pour conclure son rapport, le CNDH a appelé à abroger les articles 489 à 493 du Code pénal, qui criminalisent les relations entre majeurs consentants.

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