Distribution d’eau et d’électricité : détails inédits sur les sociétés régionales multiservices

Les sociétés régionales multiservices assureront, à terme, la gestion du service de distribution de l’eau potable, de l’électricité et de l’assainissement liquide. Quel est leur business model ? Quel sera le rôle de l’ONEE ? Comment s’opérera la transition ? Réponses de la Direction des réseaux publics locaux au ministère de l’Intérieur.

Distribution d’eau et d’électricité : détails inédits sur les sociétés régionales multiservices

Le 13 février 2023 à 18h47

Modifié 14 février 2023 à 18h13

Les sociétés régionales multiservices assureront, à terme, la gestion du service de distribution de l’eau potable, de l’électricité et de l’assainissement liquide. Quel est leur business model ? Quel sera le rôle de l’ONEE ? Comment s’opérera la transition ? Réponses de la Direction des réseaux publics locaux au ministère de l’Intérieur.

Le projet de loi portant création des sociétés régionales multiservices (SRMs) a été adopté par le Conseil de gouvernement du jeudi 26 janvier. Ce qui marque le démarrage du processus législatif d’une réforme qui promet de changer radicalement l’approche de la gestion du service de distribution de l’eau potable, de l’électricité et de l’assainissement liquide.

Néanmoins, plusieurs questions subsistent, sur lesquelles la Direction des réseaux publics locaux (DRPL) au ministère de l’Intérieur nous apporte un précieux éclairage, à commencer par le contenu du dernier texte législatif adopté.

A ce stade, il est encore question d’un projet de loi, car il faut attendre son adoption par les deux Chambres de Parlement avant qu’il ne soit effectif. Il faut aussi que ses textes d’applications soient publiés avant le déploiement effective de la réforme.

Des sociétés anonymes régionales

Cette précision apportée, que dit le projet de loi ? Il dispose qu’il sera procédé à "la création d’une société régionale multiservices à l’échelle de chaque Région et de façon progressive dans la perspective d’une généralisation à l’ensemble du territoire national", à qui sera confiée la mission de "la gestion du service de distribution de l’eau potable, de l’électricité et de l’assainissement liquide, et en cas de nécessité de l’éclairage public". Le texte permet ainsi la sauvegarde du principe de multiservice.

Précision importante soulignée par notre source : "Il est proposé que les SRM soient un mode de gestion du service public mis à la disposition des communes, ces dernières étant les seules habilitées à décider du mode de gestion qu’elles jugent opportun pour le service public de distribution."

Elles seront donc au nombre de 12 au maximum et auront le statut de sociétés anonymes. Le projet de loi habilite l’ONEE, comme étant un établissement public, à prendre part au tour de table de l’actionnariat des SRMs.

L’Office pourra ainsi "participer activement et directement à la mise en œuvre de cette réforme, qui vient essentiellement fédérer les efforts des parties prenantes en vue d’une gestion efficiente du service public de distribution", explique notre source.

Chaque société régionale procédera à la création des représentations de proximité au moins au niveau de chaque préfecture ou province relevant de son ressort territorial. Ces représentations devraient être dotées des moyens et attributions nécessaires à même de garantir la qualité des services.

"Cette loi a également pour objectif de permettre la création d’un cadre institutionnel idoine pour la fédération des efforts, la mutualisation des moyens et l’exploitation optimale des ressources en vue d’une gestion intégrée et efficiente de ces services", nous explique-t-on à la DRPL.

Le projet de loi définit également le cadre contractuel (le contrat de gestion) qui devra régir la relation entre les communes (ou leurs groupements) et la SRM. "L’outil contractuel susvisé permettra de définir précisément les responsabilités des parties, les modalités de contrôle des SRM par l’autorité contractante (les communes ou leurs groupements), les règles de gestion des biens du service public, etc.", poursuit notre source.

Et d’ajouter : "En matière de biens des services publics, le projet de loi permettra la reprise en main par les communes de tous les biens nécessaires à la gestion de ce service public, au vu de leur compétence en matière de distribution, conformément à la loi organique 113.14." Ceci permettra d’assainir la situation patrimoniale de ces biens, qui a été affecté par la multitude et la disparité des gestionnaires.

Un modèle innovant de gestion

Si la différence entre les futures SRM et les délégataires privés est évidente, elle peut sembler l’être moins avec les régies publiques. En quoi une société régionale multiservices est-elle différente d’une régie ?

"Les SRMs offrent un modèle innovant de gestion de ce service, visant à garantir l’équilibre entre la nécessité des investissements publics pour le développement de ce service et la mise en place d’un mode de gestion commercial adaptés", explique la DRPL.

"En comparaison avec la gestion déléguée ou les régies, les SRMs se caractérisent également par leur dimension régionale. En effet, ces sociétés seront créées pour gérer le service de distribution à une échelle régionale. Ce périmètre régional permettra d’atteindre les objectifs de l’optimisation des investissements, de la gestion intégrée des services de distribution et de l’équité territoriale de l’offre de ce service", poursuit notre source.

Cette dernière ajoute que "les SRMs réunissent les moyens communs des Régies et de l’ONEE, à travers des sociétés commerciales qui peuvent mobiliser les ressources et bénéficier du régime avantageux de ce type de sociétés (mobilisation de fonds, gestion moderne, performance économique…), tout en gardant ces services publics sous la supervision directe du secteur public avec un actionnariat public en premier lieu, visant d’abord l’intérêt général".

 Un besoin d’investissement de 180 MMDH

La mobilisation des ressources financières est un enjeu majeur pour ce secteur. Car les besoins d’investissement dans les projets de distribution d’eau, d’électricité et d’assainissement liquide sont évalués à plus de 180 MMDH pour les vingt prochaines années.

Dans le modèle que propose les SRMs, "le financement de ces investissements sera assuré principalement par les ressources propres générées par l’activité des SRMs, qu’il s’agisse de la vente des consommations, des participations aux premiers établissements ou autres redevances actuellement facturées aux usagers de ces services publics par les différents opérateurs actuels", détaille la DRPL.

Cette réforme permettra de "dégager des leviers de financement importants suite à la mise en commun des moyens des différents opérateurs et à l’adoption des périmètres régionaux viables, à même de faire face à un besoin en investissement très consistant sans recours à des augmentations tarifaires importantes", poursuit notre source.

Celle-ci assure que "les business plans élaborés pour les SRMs ont confirmé la viabilité de ces structures à travers le principe du multiservices et l’adoption d’un périmètre régional sans recourir à des hausses des subventions actuellement allouées par l’Etat à ce secteur".

Une transition progressive

Cette réforme se mettra en place progressivement. Il s’agira d’une progressivité de mise en œuvre dans le temps, mais également dans la couverture territoriale de la région concernée. C’est pour cette raison que le projet de loi prévoit qu’"un décret sera publié pour identifier les régions au niveau desquelles les premières SRMs seront créées. Ce décret sera par la suite complété au vu de l’évolution de la mise en œuvre des SRMs et de la demande émanant des territoires souhaitant bénéficier de ce mode de gestion".

Selon notre source, cela permettra également de "tenir compte de l’hétérogénéité de la situation de la gestion des services publics de distribution au niveau des régions, et de la fragmentation des périmètres de gestion au sein d’une même région".

La transition entre les acteurs actuels et les futures SRMs se fera selon deux cas de figure :

- Gestion déléguée : le transfert aux SRMs se fera conformément aux dispositions relatives à la fin du contrat et à la transition de la gestion telles qu’elles sont prévues par les contrats de gestion déléguée en vigueur y afférents.

- L’ONEE et les régies : du fait de leur caractère d’entités publiques, le projet de loi a prévu des dispositions particulières. Elles s’arrêteront automatiquement de gérer le service public de distribution à partir de la date de l’entrée en vigueur du contrat de gestion avec la SRM dans le périmètre concerné. Pour faciliter la transition, des transferts d’office et automatiques ont été prévus  par le projet de loi concernant les droits et obligations issus des contrats passés par l’ONEE et les régies, ainsi que le personnel relevant de ces entités. Ce transfert se fera avec la garantie totale des droits, soit des cocontractants de ces entités, ou de leur personnel qui bénéficiera, au sein des SRMs, d’un statut qui ne peut être moins avantageux que celui auquel ledit personnel relevait à la date de transfert.

Etat des lieux et limites du système actuel

Les raisons ayant motivé la réforme ne sont un secret pour personne. Le système de la gestion déléguée et des régies a montré ses limites.

La gestion du secteur de distribution est "dispersée entre plusieurs intervenants agissant au niveau de différents périmètres qui se chevauchent, et qui font preuve d’une faible optimisation des investissements et des difficultés majeures de maintien de l’équilibre de la gestion et de la qualité du service de distribution", nous détaille la DRPL.

Dans certains périmètres, les trois services de distributions (électricité, eau et assainissement) sont assurés chacun par un opérateur différent, "ce qui neutralise la synergie multiservices et aggrave le manque de coordination entre les différents acteurs/intervenants (communes, ONEE, régies, délégataires privés et associations)".

Pour résumer, voici comment s’articule le panorama général des intervenants dans ce secteur  :

-   une gestion directe par certaines communes de la distribution d’eau potable et de l’assainissement liquide ;

- 12 régies communales de distribution qui opèrent sur le périmètre des communes membres :

*  7 régies communales (eaux, électricité et assainissement) ;

*  5 régies communales (eau et assainissement).

- 4 contrats de gestion déléguée confiés à des sociétés privées au niveau de Casablanca (Lydec), Rabat (Redal), Tanger et Tétouan (Amendis). Les contrats s’achèveront entre 2026 et 2028.

- Gestion par l’ONEE dans le cadre conventionnel ou de la gestion déléguée.

Cette multitude et disparité d’intervenants ne cesse de soulever des problématiques de chevauchements de périmètres de gestion et de manque de coordination, limitant l’impact des investissements réalisés dans le secteur et minimisant l’efficience des efforts menés pour son développement.

Or, le secteur nécessitera plus d’investissements en lien avec des défis majeurs, notamment liés à l’atténuation des disparités sociales et territoriales, à la généralisation de l’accès de l’ensemble du territoire national à ces services, à la modernisation de la gestion et à la réalisation des économies dans les coûts d’investissement et d’exploitation.

LIRE ÉGALEMENT : 

Le Maroc va supprimer la gestion déléguée de l'eau, électricité et assainissement liquide

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