Comment le Maroc compte faire reconnaître le caftan au patrimoine universel de l’Unesco

Après l’annonce du ministre de la Culture d’inscrire le caftan au patrimoine universel de l’Unesco, une source de son cabinet revient sur les éléments prouvant la marocanité de cet art costumier. Il nous en liste les différents types et les chances d’y parvenir.

Comment le Maroc compte faire reconnaître le caftan au patrimoine universel de l’Unesco

Le 8 décembre 2022 à 12h24

Modifié 8 décembre 2022 à 12h24

Après l’annonce du ministre de la Culture d’inscrire le caftan au patrimoine universel de l’Unesco, une source de son cabinet revient sur les éléments prouvant la marocanité de cet art costumier. Il nous en liste les différents types et les chances d’y parvenir.

En marge de la 17e session du Comité intergouvernemental de l’Unesco pour la sauvegarde du patrimoine immatériel, organisée à Rabat, Mehdi Bensaïd a fait part, durant l’inauguration d’une exposition dédiée au caftan marocain à la galerie Bab El Kébir aux Oudayas, de la volonté du Maroc de l’inscrire comme patrimoine marocain auprès de l’Unesco.

"Un dossier en béton qui sera déposé en 2023 et adopté en 2025"

Médias24 a sollicité le directeur du Patrimoine au ministère de la Culture et de la communication, Youssef Khiara, qui se dit particulièrement confiant quant à la solidité du dossier de candidature du caftan.

"A l’image du zellige, dont la marocanité ne souffre aucune contestation, le dossier de candidature du caftan qui sera déposé en 2023 devrait être adopté au plus tard en 2025. Afin de prouver son origine marocaine, notre département a mis en avant plusieurs éléments d’ordre historique et régional permettant d’identifier clairement ce pan de notre patrimoine national", declare Khiara qui nous a envoyé une brochure contenant des textes explicatifs dont nous avons utilisé une partie dans cet article.

Selon lui, les nombreux types de caftans marocains, propres à chaque région du Royaume (Oriental, Fès, Rabat, Marrakech) mais aussi amazighs, juifs..., ne peuvent pas être confondus avec ceux d’autres pays qui n’utilisent pas les mêmes techniques de fabrication.

Qu’est-ce qui fait qu’un caftan est marocain ?

Qu’est-ce qui distingue le caftan marocain des autres ? Le directeur du Patrimoine rappelle que si cet habit diffère selon les régions, il se définit généralement comme  "une robe longue en forme de T richement décorée, ornée au milieu d’une ganse de soie tressée, appelée passementerie (sfifa) et d’une rangée de boutons (aâkads) cousus en face de brides (aâyouns-aâkads)"  [photo].

Selon lui, le caftan est l’aboutissement d’une longue histoire de traditions vestimentaires qui puise ses racines dans un fonds local enrichi par divers apports, reflets d’un brassage culturel qui n’a cessé d’évoluer de la période médiévale à nos jours.

En effet, "les formes, les étoffes, les couleurs, les ornementations que privilégient les couturiers marocains découlent d’un savoir-faire ancestral qui allie différents procédés et constitue une source d’informations précieuses sur les valeurs esthétiques du caftan".

Des modèles propres à chaque région du Maroc

"Différent selon ses origines géographiques, le caftan est  un costume festif endossé par les femmes pour marquer les événements exceptionnels, où les proches se retrouvent dans la joie . Il se décline sous différentes formes selon les spécificités régionales du pays".

Ainsi, dans la région de Fès et Meknès,  "le caftan présente des lignes droites et des manches étroites où l’on retrouve de légères différences d’ornementation  [photo].

- "Le caftan khrib se caractérise par sa couleur jaune et par de nombreux motifs en forme de roses rouges. Ce caftan de brocart, historiquement lié à la famille de tisserands des Benchrifs, est confectionné à Fès. Taillé dans des tissus variés et brodé de diverses manières, il garde toutefois sa forme typique.

- "Le caftan ntaâ de velours de soie est souvent noir ou vert foncé, brodé au fil d’or sqalli. Il tire son nom de la broderie tarz ntaâ. On retrouve souvent, sur ses pans, des broderies en forme de paon. Ce vêtement de cérémonie est conçu pour les grandes occasions au Maroc.

"Dans la région du Nord, à Tanger et Tétouan, le caftan est coupé en une forme évasée. A Tétouan, il est souvent porté par-dessus un gilet sadria. Taillé dans du velours, du brocard ou de la soie, il est brodé au fil d’or avec un élément décoratif distinctif au niveau du plastron appelé khanjar (poignard). A Tanger, il est taillé dans de la soie et du brocart. Ses manches, très amples, arrivent à mi-coude. Il est porté ouvert sur des pantalons seroual et un gilet badîya.

Aussi, "au nord du Maroc (Tanger, Tétouan, Chefchaouen), la mariée se doit de revêtir la chedda chamaliya, portée initialement par les familles aisées et devenue aujourd’hui un costume de cérémonie. Celle-ci est composée d’un caftan en brocard, d’une coiffe et de bijoux traditionnels marocains.

"Le caftan de Rabat est taillé dans un velours de couleur foncée : grenat, vert ou violet. Il est brodé et garni de galons au fil d’or. Porté souvent sans ceinture, ce caftan est accompagné de la fameuse Touqida (coiffe en forme conique). Celui de Salé, qui est également taillé dans un velours de couleur sombre, à manches longues, se distingue par sa broderie au fil d’or selon la technique de Tarz mâalem.

"Le caftan de l’Oriental, quant à lui, est confectionné dans un velours de soie rouge ou bordeaux, brodé en soutaches, galons et fil d’or avec deux motifs ovoïdes, de part et d’autre, et au niveau du dos. Il est caractérisé par des manches courtes et se porte au-dessus des chevilles pour laisser paraître les bracelets de pied. Une coiffe en forme de cône, en velours et brodée également au fil d’or, l'accompagne. Ces accessoires sont des éléments indispensables pour parachever l’esthétique de l’habit traditionnel.

"Dans cette région, une autre mode est ancrée dans les habitudes vestimentaires quotidiennes, à savoir la fameuse blousa oujdia, sorte de robe longue qui se porte par-dessus une kamija. Avec des manches courtes, serrée à la taille, échancrée à la poitrine et rehaussée de perles, elle fait aussi partie du trousseau de la mariée.

"Le caftan de Marrakech se caractérise par ses broderies florales sur la partie sommitale.

Il est très ample par rapport aux caftans des autres régions. Il est partiellement ouvert sur le devant et brodé au fil d’or en forme de fleurs ou de feuillages.

Porteur de traditions et de symboles, le caftan marocain puise aussi dans les traditions amazighes du Sud saharien et de l’Atlas, qui inspirent superpositions et drapés.

Le caftan amazigh est taillé dans des tissus en laine ou en feutre pour se préserver du froid. Décoré au fil de coton avec des motifs de couleurs jaune, vert et rouge, il possède des motifs typiquement amazighs et locaux. Confectionné par les femmes, ce type de caftan est porté en dessous d’un drapé fin attaché par des fibules en argent.

"La takchita est un costume composé d’au moins deux pièces : un caftan, la tahtiya, et la mansouria, ou dfina. La mansouria est portée par-dessus le caftan. Elle tient son appellation du sultan saadien Ahmed Al Mansour As-Saadi. Taillée dans des tissus transparents tels que la mousseline de soie, elle permettait d’atténuer les couleurs du caftan, tout en préservant sa beauté.

"Le caftan makhzani est la signature du style royal. Les princes et les princesses du Maroc se parent de caftans d’une élégance exceptionnelle. Sobre et élégant à la fois, il est taillé dans des étoffes raffinées rehaussées de zwak du maâlem, qui est un maître-artisan marocain, gardien d’un savoir-faire ancestral unique. Le caftan makhzani, porté actuellement dans les différentes régions du Maroc, est intemporel et ne subit pas les fluctuations des tendances.

"La communauté juive du Maroc tient particulièrement à pérenniser ses traditions à travers la grande robe baptisée kessoua lakbira, élément d’une identité judéo-marocaine.

Elle est composée de plusieurs pièces : la jupe longue brodée au fil d’or, la veste courte aux manches longues en dentelle, le bustier dont les broderies rappellent celles de la jupe et le hzam rehaussé de broderies au fil d’or. Cette robe était revêtue par les femmes juives après les tâches ménagères du matin, afin d’être élégantes pour recevoir leur famille ou leurs amies pour le thé de l’après-midi. Elle est actuellement portée exclusivement pour les fêtes de mariage, plus particulièrement pour la cérémonie du henné.

"Les caftans masculins sont plus sobres. Rehaussés de galons ton sur ton, ils furent l’apanage des élites, qui affirmaient ainsi leur appartenance sociale et l’autorité qu’elles représentaient. Le caftan intégrait alors la sphère du pouvoir. Et le Maroc revêt ses lettrés, ses imams et ses notables de couleurs discrètes, de formes sobres qui conviennent à la sagesse de ces personnages".

Quid des nouveaux créateurs qui font évoluer la tradition ?

Selon notre interlocuteur, le caftan marocain a évolué avec une vigueur peu commune, grâce à la montée en puissance d’une nouvelle génération de stylistes marocains formés dans des écoles de mode de renom international.

"Ces créateurs expriment une imagination sans limites, puisant dans la richesse du passé, n’hésitant pas à reproduire les coupes traditionnelles, à ressusciter des broderies et à perpétuer des savoir-faire en voie de disparition, créant ainsi de véritables œuvres d’art", indique Youssef Khiara. Ils n’hésitent pas à faire évoluer les formes du caftan : échancrure, décolleté, ouverture sur les côtés, emploi d’étoffes souples, légères mais précieuses, dévoilant ainsi l’élégance féminine.

"Leur travail a fait évoluer les corsets et les ceintures qui sculptent la silhouette pour mieux la maintenir et donner fière allure. De ce fait, le caftan ne laisse aucune femme indifférente, qu’elle soit marocaine ou étrangère, mannequin, actrice, princesse, reine... Toutes succombent au charme irrésistible de ce costume immortel qui a su s’intégrer et évoluer avec son temps sans perdre son âme".

Cette évolution, rendue possible par des stylistes contemporains comme Noureddine Amir ou Mohamed Lakhdar et plusieurs autres, a également permis de promouvoir le caftan marocain à l’international, en tant que partie intégrante du patrimoine immatériel du Royaume et héritage culturel.

"Une dimension immatérielle propre au Maroc qui ne sera partagée avec aucun autre pays"

Le directeur du Patrimoine précise que le travail des créateurs s’inscrit dans la continuité de ce savoir-faire costumier intimement lié à un cérémonial particulier, déposé devant les experts de l’Unesco pour être reconnu à l’échelle mondiale.

"Il est évident que cette dimension immatérielle du caftan, qui est propre au Maroc, ne sera partagée avec aucun autre pays, comme l’avait été le couscous revendiqué par d’autres pays voisins", a conclu Youssef Khiara. Le dossier de la candidature marocaine est "tellement bien ficelé qu’il devrait passer comme une lettre à la poste".

Nota: Photos ministère de la Culture.

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