EnR. Après l’injonction royale, relance attendue du projet de la centrale de Midelt

Technologie hybride, coût de production et gouvernance du secteur électrique semblent être les principales causes du retard du projet de la centrale Noor Midelt 1. Un projet suivi de près et qui devrait relancer l’ambition nationale dans les énergies renouvelables, ralentie ces dernières années.

Source - Masen

EnR. Après l’injonction royale, relance attendue du projet de la centrale de Midelt

Le 25 novembre 2022 à 14h50

Modifié 25 novembre 2022 à 17h51

Technologie hybride, coût de production et gouvernance du secteur électrique semblent être les principales causes du retard du projet de la centrale Noor Midelt 1. Un projet suivi de près et qui devrait relancer l’ambition nationale dans les énergies renouvelables, ralentie ces dernières années.

Où en est le projet Noor Midelt 1 ? C’est la question qui se pose après la dernière réunion de travail consacrée au développement des énergies renouvelables, tenue sous la présidence du Souverain le 22 novembre à Rabat.

La séance de travail a pointé le retard de ce projet important, dont le montant d’investissement est estimé pour sa première phase à 800 millions $US. Le projet devrait atteindre à terme une puissance installée de 1.600 MW pour un investissement global de 20 milliards de dirhams. Cette réunion de suivi, organisée de manière régulière depuis des années, s’est tenue pour la première fois en l'absence de Masen, l’agence créée en 2009 pour porter la stratégie royale des EnR. Une absence remarquée.

Un projet en retard

Le projet Noor Midelt a été remporté en 2019 par le consortium formé par EDF Renouvelables (FR), Masdar (EAU) et Green of Africa (MA). Il devait, selon le site de Masen, entrer en production en 2022. Devant initialement être livrée en 2019, cette centrale de 800 MW de capacité installée, avec 5 h de stockage, a connu plusieurs retards et couacs. Sur le site du ministère de l’Energie, la date de mise en marche de la centrale est fixée à 2024.

Le premier appel à manifestation d’intérêt a été lancé le 31 décembre 2015 pour une date de clôture en février 2016. Alors qu’ils étaient attendus pour 2016, les résultats de la préqualification ne seront finalement connus qu’en juin 2017.

Entre-temps, les premières études d’impact ainsi que la sécurisation du foncier de 4.141 hectares ont été réalisées par Masen. Ce n’est donc que deux ans plus tard que le consortium actuel se verra accorder le marché et, dans la foulée, la signature avec Masen du Power Purchase Agreement (PPA), le contrat de concession qui inclut le développement, la construction et la gestion de la centrale. Le prix de vente de l’électricité a été fixé à 0,63 dirham/kWh, selon le site de Masen, soit près de 60% moins cher que le coût du kilowatt/heure produit par Noor Ouarzazate 1 (1,62 DH/kWh). Le consortium sélectionné va confier la construction de la centrale à l’espagnol TSK.

Toutefois, selon les sources que nous avons pu consulter, les travaux de construction de la centrale ont été suspendus depuis 2020. Les raisons de ce blocage restent un mystère. Ce qui est sûr, c’est que jusqu’à présent Masen a demandé au constructeur la suspension de la construction, alors même que plusieurs travaux de préparation du site ont été réalisés par l’agence. Il s’agit essentiellement de la route de 20 km reliant le site à la route nationale N13, qui relie Meknès à Midelt ; d’une canalisation d’eau de 11 km provenant du barrage Hassan II permettant au site d’être autonome ; des branchements électriques nécessaires au chantier ; des clôtures et des travaux de protection contre les intempéries, etc.

Ce qui est sûr également, c’est que le contrat d’achat d’électricité entre Masen et l’ONEE n’a pas été signé. Selon nos sources, l’échec des négociations entre l’ONEE, acheteur en dernier ressort de l’électricité devant être injectée dans le réseau, et Masen, chargée de mener le projet pour le compte de l’Etat, est en grande partie dû à la technologie choisie, ainsi qu'à son coût, largement supérieur à celui du photovoltaïque.

Technologie hybride

La technologie adoptée par Noor Midelt 1 est dite hybride. Elle associe au solaire à concentration (CSP), comme à Noor Ouarzazate 1, une composante photovoltaïque (PV).

En effet, pour mitiger le coût de la technologie CSP (thermo-solaire à concentration), trop élevé, le schéma technique de la centrale en projet a intégré une très forte composante photovoltaïque au coût de revient moindre. Dans le principe général de fonctionnement de la centrale, le photovoltaïque sera en production durant la journée, en injectant directement l’électricité produite dans le réseau, avec une capacité installée de 604,5 MWc, grâce à plus de 3 millions de m² de panneaux solaires. Les miroirs cylindro-paraboliques de la composante thermo-solaire, eux, vont cumuler la chaleur durant la journée en la concentrant dans du sel fondu, aidés en cela par l’énergie excédentaire du PV (stockée dans des batteries conventionnelles).

Une fois que le stock de liquide atteint 400° C, une turbine à vapeur classique (thermodynamique) d’une puissance de 190 MW pourra produire de l’électricité, grâce à cette énergie cumulée durant la journée, qu’elle injectera à son tour dans le réseau. La période prévue de fonctionnement est de 5 heures à partir du moment où l’ensoleillement nécessaire à la production de l’électricité photovoltaïque est insuffisant. Cette hybridation des deux technologies devrait générer la capacité de stockage indispensable pour faire face au principal inconvénient de l’électricité solaire, à savoir l’intermittence, notamment en période de pointe (le soir), tout en baissant le coût à 0,63 dirham par kWh au lieu de plus de 1,20 dirham par kWh avec le seul CSP.

Selon nos sources, y compris en travaillant à l’époque à Masen, ce schéma technique n’a pas convaincu l’ONEE, échaudée par l’expérience de la multiplication des technologies solaires sur le même site à Ouarzazate, où les rendements n’ont pas été à la hauteur. Le prix proposé par Masen a aussi été jugé trop élevé.

Autre problématique à l’époque : que faire de l’électricité produite ? Le Maroc était en surproduction électrique à la suite de la mise en marche de la centrale de Safi en novembre 2018. La surproduction était exportée vers l’Espagne, dont les producteurs sont montés au créneau pour dénoncer une concurrence déloyale venant du Maroc. La problématique d’une capacité supplémentaire était alors évoquée sans pour autant être déterminante, tout comme les surcoûts liés au raccordement au réseau électrique national.

A ces questions techniques et économiques se sont superposées des questions d’ordre plus politique. Il s’agit notamment de la publication en 2020 d’un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui pointait les choix technologiques de Masen, notamment son recours au CSP et, plus globalement, la gouvernance du secteur de l’électricité au Maroc.

Pour le CESE : "Au regard des prix du PV et de l’éolien, la technologie CSP s’avère dorénavant, malgré l’avantage du stockage, relativement chère, et n’est plus justifiée à l’avenir, d’autant que les niveaux d’intégration industrielle locale sont tellement bas qu’ils ne permettent pas de justifier le surcoût."

Et d’ajouter plus loin que la réforme du secteur énergétique doit s’accompagner "d’une refonte du cadre juridique et de la gouvernance pour s’adapter aux évolutions du secteur, et d’une reconfiguration des politiques publiques qui touchent à l’énergie, en traitant de manière coordonnée et intégrée plusieurs politiques connexes, actuellement pensées et élaborées en silos".

Quelques mois après la publication de ce rapport, les recommandations de la Commission pour le Nouveau Modèle de développement (CSMD), dont l’actuelle ministre de l’Energie, Leila Benali, a supervisé la composante énergétique, sont venues entériner ces conclusions. Ainsi, l’opus du CSMD a insisté sur la nécessité de "réduire les coûts de l’énergie par la réforme du secteur de l’électricité et le recours aux énergies renouvelables et à base carbone".

Pour nombre d’acteurs, ce qui est aujourd’hui en question, c’est la gouvernance du secteur. Un secteur multicéphale et aux nombreux intervenants, comme MASEN, l’ONEE, la SIE, l’Iresen, l’ANRE, l’AMEE, etc. "Il y a tellement d’acteurs dont les missions se chevauchent que la gouvernance du secteur est aujourd’hui un grand sujet."

"C’est du passé"

La question des coûts et de la technologie, mais surtout le schéma de gouvernance du secteur, ont ainsi abouti à l’arrêt du projet. Un arrêt qui ébrèche par la même occasion la légitimité de Masen et de son président depuis 2010, Mustapha Bakkoury, en tant que porteur de la stratégie royale.

Aujourd’hui pour Masen, tout ça, "c’est du passé. Il faut arrêter de traiter le sujet de façon polémique !". Contactée par nos soins, une source de l’agence souhaitant garder l’anonymat a ainsi affirmé que "maintenant que la priorisation du projet a été réaffirmée au plus haut niveau, des annonces sur sa remise en marche seront faites dans les jours qui suivent. Des ajustements sont aujourd’hui en négociation pour ce projet de développement important, qui profite aussi bien au pays qu’aux populations locales. Ils seront annoncés très prochainement".

Toutefois, selon le responsable, ces ajustements ne concernent pas directement "la technologie ou le coût de production, qui est largement en deçà du coût du mix électrique national. Le design du projet est excellent. Ce qui détermine sa valeur est le facteur de charge. Celui de cette centrale est de 80%, ce qui contribue largement à sa valeur".

D’autres sources au niveau de l’écosystème national nous ont indiqué que "plusieurs dossiers techniques ont été réalisés ces dernières années, et la pertinence des choix technologiques défendus". Est-ce à dire que ce retard était inutile ? Et quid des surcoûts engendrés par ce retard ? Qui les prendra en charge ? L’agence Masen, dont les dettes de financement ont atteint 18 milliards de dirhams en 2021 pour des fonds propres de 4 milliards, va-t-elle absorber ce coût et faire aboutir le projet ? Autant de questions qui restent posées en attendant de voir la proposition de réforme et la nouvelle stratégie du secteur de l’énergie qui est à l’étude au niveau du ministère de l’Energie depuis un an.

Quoi qu’il en soit, les documents du projet de loi de finances prévoient un investissement de 7 milliards de dirhams pour Masen en 2023, ce qui équivaut au montant de l’investissement nécessaire pour la centrale de Midelt...

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