L'option de suppression de la TVA sur les médicaments vue par des professionnels

Nizar Baraka a annoncé récemment que le gouvernement comptait supprimer la TVA sur les médicaments, afin de baisser leurs prix. Comment cette annonce a-t-elle été accueillie par les professionnels du secteur pharmaceutique, et quelle pourrait être son ampleur ? Réponses.

L'option de suppression de la TVA sur les médicaments vue par des professionnels

Le 10 octobre 2022 à 12h09

Modifié 10 octobre 2022 à 12h10

Nizar Baraka a annoncé récemment que le gouvernement comptait supprimer la TVA sur les médicaments, afin de baisser leurs prix. Comment cette annonce a-t-elle été accueillie par les professionnels du secteur pharmaceutique, et quelle pourrait être son ampleur ? Réponses.

Invité le 2 octobre dernier de l’émission Décryptage de la radio MFM, Nizar Baraka, secrétaire général du parti de l’Istiqlal et ministre de l’Equipement et de l’eau, a fait une déclaration qui ne relève pas de son ressort.

"Dans le cadre de la loi de Finances 2023, le gouvernement travaille sur la suppression de la TVA sur les médicaments ; une mesure qui permettra de baisser les prix des médicaments", a-t-il annoncé, sans donner plus de détails sur le sujet.

Principalement deux taux de TVA sont appliqués sur les médicaments, selon le code général des impôts :

- 0%, et donc l’exonération : Les médicaments dont le prix fabricant hors taxe fixé par voie réglementaire, dépasse 588 dirhams; les médicaments anticancéreux; les médicaments antiviraux des hépatites B et C; les médicaments destinés au traitement du diabète, de l’asthme, des maladies cardio-vasculaires, de la maladie du syndrome immunodéficitaire acquis (SIDA)et de la maladie de la méningite ; les vaccins; les médicaments dont la liste est fixée par un arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé des finances et qui sont destinés au traitement de la fertilité et au traitement de la sclérose en plaques.

- Une TVA de 7% : appliquée à les produits pharmaceutiques, les matières premières et les produits entrant intégralement ou pour une partie de leurs éléments dans la composition des produits pharmaceutiques ;

Comme la suppression des droits de douane sur les médicaments importés, il s’agit simplement de l’une des options examinées par l'exécutif, parmi d’autres, dans le but de faire baisser les prix du médicament, dans le cadre du chantier de généralisation de la protection sociale. Selon nos informations, le ministère de la Santé a mandaté un cabinet dans ce sens, afin d'étudier la manière avec laquelle la refonte de la fixation des prix des médicaments pourrait s’opérer.

Médias 24 a contacté les professionnels du secteur pharmaceutique pour connaitre ce qu'ils en pensent de cette mesure en réflexion. Ils se sont accordés à dire qu’ils n’avaient pas encore été consultés par le gouvernement à ce sujet.

"Beaucoup de produits entrant dans le traitement de maladies chroniques sont déjà exonérés de la TVA, tels que les médicaments contre l’hypertension, l’asthme, le diabète et le cancer. Cette annonce implique donc que les médicaments taxés à 7% passeront à 0%. Il est logique que l'organisme payeur, qui est l'Etat, ne s'acquitte pas de la TVA pour des produits qu'il va payer par lui-même", explique Mohamed El Bouhmadi, président de la Fédération marocaine de l’industrie et de l’innovation pharmaceutiques (FMIIP).

"La décision de supprimer la TVA sur les médicaments est juste. Il n’y a aucune raison pour que les patients paient la TVA sur les médicaments. D’ailleurs, aucun pays arabe n'a de TVA sur les médicaments. Le Maroc fait l'exception. Ce ne sera donc qu’un retour à la normale", explique Dr Abderrahim Derraji, pharmacien.

Et d’ajouter : "On ne peut qu’être d’accord avec tout ce qui peut faciliter l’accès aux médicaments pour le citoyen. On passe notre temps à avoir des patients qui ont du mal à se procurer leurs médicaments."

En outre, "cette mesure contribuera à préserver la pérennité des caisses, surtout que la couverture est en phase de généralisation".

La TVA collectée atteindra au plus 1,5 MMDH

Que pèse cette TVA sur les médicaments ?  "Le marché de l’industrie pharmaceutique représente actuellement 16 MMDH de chiffre d’affaires. Si l’on suppose que tous les produits sont taxés à 7%, la TVA collectée sera à peine de 1,12 milliard de DH (MMDH), voire 1,5 MMDH si l’on veut être large. Or ce n’est pas le cas, car quatre classes thérapeutiques, et pas des moindres, sont déjà exonérées", analyse Mohamed El Bouhmadi. L’impact sera donc moins élevé.

Des propos confirmés par un autre interlocuteur dans le secteur pharmaceutique, qui estime que "l’impact de cette mesure serait minime".

Ce dernier nous a par ailleurs confié "qu’aucune étude n’a jusqu’à présent été faite pour calculer l’ampleur d’une telle décision, surtout que de nombreux paramètres doivent être pris en compte, notamment les grilles tarifaires (T1, T2, T3 et T4), la force de vente de chaque produit, le prix de vente des produits les plus vendus, ainsi que les maladies les plus courantes… Un exercice qui nécessite plusieurs jours de travail, pour pouvoir calculer avec précision l’ampleur d’une telle décision sur le secteur, et ce qu’elle rapporterait à l’Etat".

Un risque d'aggraver le butoir TVA

Quoi qu'il en soit, ce sont des centaines de millions de dirhams en jeu. "Théoriquement, cette mesure paraît intéressante pour les citoyens. En revanche, il faudrait qu’il y ait des mesures d’accompagnement pour les industriels pharmaceutiques. Ces derniers achètent des matières premières et des équipements avec une TVA. Ce serait bien d’exonérer également ces intrants et composants acquis par ces professionnels, d’autant plus que cette TVA payée est certes récupérée auprès de l’Etat, mais tardivement", précise le président de la Fédération marocaine de l’industrie et de l’innovation pharmaceutiques (FMIIP).

Il détaille les conséquences du butoir TVA: "Les investissements, notamment l'achat des machines, nous sont taxés à 20%, et à 7% pour la matière première, en plus des droits de douane. On reste ainsi créditeur vis-à-vis de l'Etat. La suppression de cette taxe sur tous les médicaments posera un problème au niveau de la trésorerie des laboratoires pharmaceutiques. Si nous payons la TVA sans la récupérer, notre trésorerie sera déséquilibrée, alors qu’on est déjà créditeur vis-à-vis de l’Etat."

"La question doit donc être envisagée dans sa globalité. Il ne s’agit pas de supprimer la TVA sur les médicaments, mais de voir la problématique de manière générale, en trouvant un mécanisme de remboursement plus rapide de la TVA par exemple, ou en baissant également la TVA sur les intrants dans le secteur industriel pharmaceutique."

Quel effet sur les médicaments génériques ?

Cette décision va-t-elle handicaper la pénétration du générique qui est déjà faible ? "La TVA est indépendante des génériques et des princeps", nous indique le Dr Mohamed El Bouhmadi.

"Ce qui devrait plutôt se faire, c’est encourager la production nationale au niveau des appels d’offres publics. C’est de cette manière que nous ferons des économies, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. La loi existe déjà dans ce sens, mais n’est pas appliquée."

"Le second problème qui se pose dans le secteur, c’est que les médicaments qui subissent actuellement des baisses sont déjà des médicaments à petits prix. Ce qui contraint les industriels à arrêter leur production. Souvent, ces produits à petits prix sont remplacés par d’autres à des prix plus élevés", déplore-t-il.

"Normalement, on devrait chercher à équilibrer les comptes, en encourageant les produits à bas prix et en arrêtant d'instaurer des réductions sur des produits dont les prix sont déjà faibles."

Il cite le décret publié au dernier Bulletin officiel du 15 septembre. "Sur 25 nouveaux produits accordés, 19 coûtent entre 700 et 40.000 DH. Ils sont donc très chers. Par ailleurs, sur 75 médicaments dont les prix ont baissé, 70 qui coûtent moins de 150 DH ont connu une baisse de 0,30 DH, ce qui est ridicule. Les industriels devront changer les étiquettes de ces produits, alors que l’étiquetage revient beaucoup plus cher, entre 1 et 2 DH. Ce sont donc des produits condamnés à disparaître."

"L’Etat devrait aujourd’hui mieux négocier les produits chers, et garder ceux qui ne sont pas chers", conclut-il.

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