Récit. Une randonnée dans le M'goun racontée par Mohamed Mahdi

Un groupe composé de Mohamed Tamim, Aziz Iraki, Mohamed Tozy, Abdellah Lahzam, Ismail Iraki et Mohamed Mahdi réalise de temps en temps une randonnée en montagne. Cette année, il s'agissait d'escalader le M'goun, deuxième sommet du Maroc. Carnets de route signés par Mohamed Mahdi, professeur de sociologie rurale. Ce qui fascine cette communauté de randonneurs et l’attire vers ces hauts lieux, c’est cette vie pastorale dont ils continuent à être le théâtre. C’est que la montagne du Haut-Atlas est humanisée, elle porte plusieurs marques de l’Homme.

Récit. Une randonnée dans le M'goun racontée par Mohamed Mahdi

Le 8 août 2022 à 17h18

Modifié 8 août 2022 à 17h18

Un groupe composé de Mohamed Tamim, Aziz Iraki, Mohamed Tozy, Abdellah Lahzam, Ismail Iraki et Mohamed Mahdi réalise de temps en temps une randonnée en montagne. Cette année, il s'agissait d'escalader le M'goun, deuxième sommet du Maroc. Carnets de route signés par Mohamed Mahdi, professeur de sociologie rurale. Ce qui fascine cette communauté de randonneurs et l’attire vers ces hauts lieux, c’est cette vie pastorale dont ils continuent à être le théâtre. C’est que la montagne du Haut-Atlas est humanisée, elle porte plusieurs marques de l’Homme.

La randonnée pédestre dans la montagne est un sport et un loisir. Une activité de plein air pénible et agréable ; de découverte de la nature, de mise à l’épreuve de soi et de sociabilité quand elle est exercée en groupe. Depuis deux décennies, un groupe de collègues* organise chaque été, un trekking d’une semaine dans l’un des massifs montagneux du Haut-Atlas. A ce noyau d’initiateurs se joignent, suivant les années, des collègues, des membres de la famille tentés par l’expérience.

Le groupe m’invita à prendre part à sa marche, l’été 2018. Nous partîmes alors à la découverte du massif de Tichka, sur les traces de Jacques Berque, et l’année suivante à escalader le M’goun, deuxième sommet du Maroc avec 4.071 mètres d’altitude. Avec le temps, le groupe a pu avoir ses entrées et ses habitudes dans la montagne qu’il a développées dans la discrétion et le respect de l’Homme et de la nature.

Cette année, le groupe propose d’effectuer son énième retour vers le M’goun. L’Amghar* du groupe en dessina le circuit que voici:

C’est un circuit parmi tant d’autres possibles. Chaque circuit n’est, somme toute, qu’une variation sur le même thème : randonner et découvrir la montagne. Les agences de voyage offrent des circuits qu’elles encensent pour vendre ; c’est dans leur vocation commerciale. Mais nul ne peut leur nier cette qualité d’offrir aux clients la possibilité de marcher et de découvrir la montagne. Le groupe opte pour un circuit personnalisé, conçu à partir des connaissances du milieu, des curiosités et de la magie onomastique des lieux.

Je fais le récit de cette randonnée vers le M’goun en espérant donner goût à d’autres de venir nombreux à la découverte de cette montagne d’un Maroc qui n’est ni inconnu, ni méconnu, mais tout simplement ignoré et laissé pour compte.

Dans mon cas, j’avoue que c’est avec un sentiment d’appréhension, qu’heureusement neutralise une forte tentation de retrouver les grands espaces, que, cette année j’ai envisagé la proposition de randonnée vers le M’goun. Le jour "J", nous primes un véhicule bondé de bagages en direction de la montagne. Après avoir traversé Béni Mellal, passé par Afourer, jeté un regard triste sur le barrage Bin El Ouidane, qui n’est plus que l’ombre de lui-même, puis Azilal, nous accédons, par une route plus ou moins praticable, au pays des Ait Bouguemez.

La vallée heureuse

Le point de chute du groupe est le Douar d’Agouti, dans un sympathique et accueillant refuge installé dans la vallée des Ait Bougamez, plus connue sous le nom de "la vallée heureuse". Là, il faudrait achever les préparatifs de la randonnée, en concertation avec le guide et les muletiers, dîner et passer la nuit.

Pour la mise en bouche, l’Amghar propose une marche tout au long de la vallée heureuse. C’est la première étape de la randonnée, très détendue et plaisante ; remonter la vallée vers Tabant et rentrer par le même sentier.

Cette belle vallée déploie un ruban vert sur 22 km où se succèdent 32 douars qui conservent leur architecture traditionnelle.

Sur les nombreuses parcelles, jadis cultivées d’orge et de maïs, des vergers de pommiers sont installés depuis plus de deux décennies déjà. C’est un changement radical, pour le moment salutaire pour les paysans. La vallée grouille d’activité. Le silence est par moment brisé par le bruit strident des faucheuses manuelles, dotées de moteur et actionnées à l’essence. Les agriculteurs luttent contre l’herbe adventice qui envahit les champs. Les herbes adventices et les herbes plantées, comme la luzerne, seront transformées en foin, Afaynou, pour alimenter le bétail.

La disponibilité de l’herbe permet aux paysans d’élever deux à trois bovins pour le lait et pour le veau qu’ils vendront le moment opportun pour renflouer la trésorerie de l’exploitation familiale.

Les agriculteurs luttent aussi, à coup de pesticides, contre les araignées qui ravagent les pommiers et qui risquent de compromettre la quantité et la qualité de leur production.

Ça et là, émerge une parcelle cultivée de pommes de terre reconnaissables à leurs fleurs violettes qui rappellent étrangement les Iris. C’est pour l’autoconsommation. Le lecteur s’est aperçu de la mue subie par le système cultural de la vallée heureuse : d’une agriculture de subsistance (orge/maïs, essentiellement), elle est passée à une culture de rente, l’arboriculture fruitière ; et de la diversification à la quasi-spécialisation.

De cette transformation, un jeune de l’association d’Agouti, responsable du frigo, exprime ses inquiétudes : "Où est-ce qu’on va avec toutes ces plantations? Les gens plantent de plus en plus de parcelles, ils ne se contentent plus de l’eau de l’oued Assif. Ils creusent des puits. Chacun veut le sien. Contrairement à notre projet, vous vous souvenez, de creuser un puit pour tout le douar. Dans toute la vallée ,il y aurait quelque 800 puits. Maintenant, les gens se plaignent de la diminution du débit d’eau dans l’Assif, comment veux-tu qu’il en soit autrement? Tout ceci n’est pas durable et nous allons certainement à la catastrophe."

Pour le moment, le randonneur peut encore marcher sous l’ombre des noyers centenaires. Ravi par cette marche ombragée, quelqu’un du groupe a souhaité que l’ascension vers le M’goun soit aussi protégée du soleil par le feuillage des arbres. "Tu peux toujours rêver", lui a-t-on répondu.

Le soir, nous avons rencontré Brahim, président de l’association d’Agouti, qui a participé avec l’association Targa au programme SCI-SLM (Stimulating Community Initiatives in Sustainable Land Management, NDLR); il était en compagnie de deux universitaires américaines. Deux volontaires venues donner des cours intensifs d’anglais aux adhérents de la coopérative pour les aider à communiquer avec leurs clientèles. Des cours en présentiel et d’autres en ligne sont, en effet, données aux adhérents.

Pas loin de l’usine en chantier, une unité frigorifique, fonctionnelle depuis 3ans, est mise au service des producteurs pour stocker leur production de pommes à raison de 1,40DH/le Kg. La vallée produit quelques 20.000 à 25.000 tonnes par an.

La vie dans les alpages

La randonnée commence sérieusement le lendemain. Cette deuxième étape du circuit va de Tizi n’Ait Immi vers Tigli n’Tanwot puis vers Aghbalou n’tizi n’tanwot. Malgré la montée, l’étape n’est pas très pénible ; elle est presque agréable à marcher.

Le campement pour la nuit est installé sur l’alpage dit Tigli n’Tanwot. Un agréable moment de retrouvaille avec l’éleveur Brahim Ou Hcine, rencontré il y a trois ans déjà, qui attend le groupe. C’est un semi-nomade qui, en compagnie de sa famille, vient du M’goun, de la tribu Ait Lhot ; un habitué de ce pâturage, où il a construit son Azib et où il se considère chez lui. Les randonneurs n’ont qu’à se tenir à distance, l’espace ne manque pas.

"C’est mon territoire, je le fréquente depuis plus de 20 ans, il m’appartient par la force de Istimrar al melkia (continuité de propriété ou possession non interrompue)."

Autour d’un plateau de thé, du pain et de l’huile d’olive, offert par ce "propriétaire original du lieu", nous avons échangé sur la précédente campagne agricole, la situation de l’élevage, les impacts de la sécheresse. Pour Brahim Ou Hcine, l’année était économiquement bonne. Il reconnait avoir bien vendu son bétail. Les prix étaient intéressants. Et se désole pour les acheteurs. Mais il rappelle qu’il a, lui et ses semblables, beaucoup souffert des effets de la sécheresse, du renchérissement des aliments de bétail. Et n’a pas manqué de se moquer des aides ridicules offertes par l’État : "Deux sacs d’orge de 50 Kg par éleveur ; c’est pour nourrir les poules ? Nous avons dû sortir l’argent pour acheter les aliments et sauver nos troupeaux. Tant que la viande est disponible et pas trop chère, personne ne reconnaitra la valeur de l’éleveur et des services qu’il rend au pays."

Le lendemain une nouvelle étape, la troisième, attend le groupe. Elle va de Tigli n’Tanwot à Tarkadit en passant par le col n’Tanwot. L’étape est vraiment très longue et très dure. Il fallait escalader une pente abrupte et très éprouvante pour, au finish, déboucher sur un insoupçonnable immense plateau peuplé de xérophyte épineuse ; par son gigantisme et sa verdure, il serait pris pour un plateau de la steppe de l’Oriental, s’il était semé d’alfa. C’est l’Agdal de Takardit où le campement sera installé, cette fois jusqu’à la fin du séjour.

L’Agdal accueille des transhumants, familles et bergers seuls, des Douars Ait A’affane et ceux d’Ait Zekri. Selon un éleveur, Lahcen Waaziz (dont il sera question par la suite), 89 familles venues de 5 Douars de Tassaout séjournent dans l’Agdal***. Puis il y a ceux d’Ait Zekri dont il ignore le nombre. Ces fidèles de l’élevage pastoral et de la transhumance, faute de mieux peut-être, entretiennent des troupeaux de 200 à 1.000 têtes. Mais pour combien de temps encore? Les scientifiques n’ont pas cessé de se poser cette question et ont même annoncé, à maintes reprises, la fin de ce genre de vie, qui semble renaitre à chaque fois de ses cendres.

Lahcen parla de la discipline collective qui régit la gestion de ce commun, Tarkadite. L’Agdal est, en effet, soumis à une discipline collective avec une date d’ouverture convenue (vers fin juin) entre les tribus et annoncée par un crieur public, Berrah, au souk. Même si, de nos jours, le téléphone portable a pris la place du Berrah pour informer de la date d’ouverture, la communauté des éleveurs continue à sévir contre les contrevenants à la règle, ceux qui rentrent dans l’Agdal avant la date décidée. Jadis, une commission formée par les représentants des Douars était investie d’un pouvoir de police et mandatée de se faire justice en sanctionnant le contrevenant. La commission constate l’infraction et confisque deux têtes de moutons qu’elle égorge sur place. Aujourd’hui, la communauté porte plainte auprès du caïd qui applique les décisions incluses dans un accord et qui prévoient une amende de 1.000 DH contre le fautif.

A partir de Tarkadit, la quatrième étape est une randonnée vers Asadram n’tarkadit, un belvédère qui offre une fantastique vue aérienne sur les Douars du Haut Tassaout. Une très bonne journée de marche de 26 Km, très pénible. Le chemin escarpé qui conduit au belvédère est très fréquenté. J’ai apprécié l’aisance des marcheurs autochtones, jeunes et moins jeunes, femmes et enfants qui assuraient la liaison entre les villages de Tassaout et l’Agdal Tarkadit. Certains poussent devant eux un âne chargé de provisions destinés aux transhumants, d’autres viennent pour prendre le relais d’un berger pour lui permettre de se reposer.

La cinquième étape est cruciale. La destination est le sommet du M’goun. Le rendez-vous est fixé pour 4h30 du matin. L’escalade dure un minimum de 5 heures et un temps équivalent pour descendre. Si le courage et l’envie viennent à te manquer, ne te forces pas. L’effort et l’épuisement des jours précédents t’auront certainement appris à savoir renoncer. Reste sur le plateau, goûte à un bon sommeil. Au réveil, prend ton petit déjeuneur et descend vers les gorges de Tassaout. Les bonnes années, le ruisseau draine assez d’eau pour remplir des mares où tu peux piquer une tête, si tu supportes le froid de l’eau. Étends-toi sur le gazon au bord du ruisseau et relaxes toi. Tu retourneras au campement avec le sentiment que tu as bien profité de ta journée de marche.

La sixième et dernière étape, celle du retour à Agouti, débute par une montée d’une heure trente de Takardit à Tizi n’Oughrow. A partir de ce col, il faudrait descendre vers le Douar A’arouss. Cette fois, c’est la descente qui donne du fil à retordre au randonneur, durant cinq douloureuses heures de marche. Une descente interminable qui requière une extrême vigilance pour éviter glissades et chutes. Une fois à A’arouss, tu te sens libéré et envahi du sentiment d’avoir réalisé quelque chose. Le Douar A’arouss des Ait Bou Oulli conserve tout son pittoresque architectural et ses activités agricoles anciennes. Les membres de l’équipage nous ont invités à un plat de Barkoukch. Nous avons accepté l’invitation avec grand plaisir. En plus du thé et ce genre particulier de couscous, Barkoukch, nous avions eu droit à une cérémonie de chant et de danse. Une façon de terminer la randonnée de la plus belle manière.

Les gens du voyage : randonneurs et transhumants

Ce qui fascine notre communauté de randonneurs et l’attire vers ces hauts lieux, c’est cette vie pastorale qu’ils abritent et dont ils continuent à être le théâtre. C’est que la montagne du Haut-Atlas est humanisée, elle porte plusieurs marques de l’Homme. C’est le lieu de vie estival pour de nombreuses familles d’éleveurs transhumants.

Chaque année, ils s’y retrouvent au rendez-vous de l’estivage. Avec le temps, le groupe commencent à les connaitre, à se lier d’amitié avec certains d’entre eux. Partout où l’on passe, les habitations de transhumants éparpillées tout au long de l’itinéraire des étapes. Une vie sociale les anime : au bord d’un ruisseau, des femmes faisant la lessive, des enfants gardant des troupeaux, un âne chargé de bidons d’eau sous la conduite d’un jeune homme, des enfants qui vous crient de loin de ne pas prendre de photos.

Les alpages, ces sites où les transhumants séjournent à partir du mois de juin jusqu’à l’épuisement des herbes ou l’arrivée des premiers froids, sont connus sous le nom d’Agdal. Une institution et un modèle réputé de gestion des ressources naturelles et des communs. Le circuit de la randonné emprunte les sentiers des mulets. Des sentiers balisés. Les sites où les randonneurs installent leurs campements de nuits, avoisinent les Azibs, les enclos, habitation des transhumants et de leur bétail. Randonneurs et transhumants cohabitent, ainsi, pour un temps, sans le savoir, peut-être et sans savoir qu’ils font partis de cette même catégorie, les gens du voyage.

Le chemin est plus important que la destination

La randonnée donne tout son sens à cette expression. Le groupe s’est constitué en une communauté de randonneurs, avec ses règles, ses habitudes, sa logistique collective ; improvisée tout au début de cette aventure, la logistique s’est renforcée et affinée d’année en année. Mais la marche est individuelle. Durant la randonnée, chacun marche seul. Chacun, plongé dans ses méditations forcées, fait face, seul, aux difficultés du chemin. Sur les pentes abruptes, dont la difficulté est accentuée par l’altitude, tu ressens le manque d’oxygène, tu peines à avancer ; tes poumons et ton cœur sont éprouvés. Chaque petit pas que tu effectues est un triomphe sur tes doutes. Le guide du projet où j’ai travaillé dans les années 80 dans le Rheraya, m’a donné le conseil suivant : "Quand tu marches en montagne, n’y va pas avec force. Tu ne vaincras jamais la montagne, il faut l’aborder délicatement, par petits bouts que tu lui arraches graduellement."

Ce conseil me resta jusqu’à ce jour. Sur les descentes, ce sont tes genoux qui sont sollicités, ils souffrent sous l’effet des nombreux freinages pour parer aux risques de glissade et de chutes. Il me revient cette réponse désabusée du dromadaire, chargé de lourds fardeaux, à qui on demanda d’exprimer sa préférence pour la montée ou la descente : "que Dieu les maudisse toutes les deux."

Livré à toi-même, tu es seul à l’écoute de ton corps, attentif aux battements de ton cœur, aux flux énergétiques dans tes jambes qui alternent ankylose et délassement. La fatigue s’empare de toi, tu ne penses plus à rien, sauf à avancer, avancer à tout petits pas. Quand le groupe atteint un plateau, un plat pays, c’est un soulagement, la marche devient plus cadencée, agréable même, la pente est déjà derrière toi, oublié. C’est une victoire. Tu retrouves le cours de tes pensées ou tu échanges avec ton compagnon de marche. Car, même en te distançant, les autres sont toujours là, attentionnés et vigilants vis-à-vis de ceux qui ferment la marche. Le groupe avance à marche forcée. Mais chacun selon son rythme. C’est une règle d’or de la randonnée. Que dis-je ? de la vie, tout court.

Le groupe est composite. Piloté par les vétérans, les premiers de la cordée, ils assignent à la marche son rythme sans jamais le forcer. Mais ils tiennent à un minimum syndical de marche, de 6 à 7 heures par jour, avec des niveaux variables de difficulté et un temps de repos au milieu de la journée souvent près d’une source d’eau. L’indispensable eau de source qui sort de la terre ou de la roche, limpide et très fraiche et j’ajouterai, gouteuse. Nous en buvons de grandes quantités par jour.

C’est pourquoi la connaissance des lieux est primordiale pour dessiner les circuits. Bientôt, tu es rappelé à l’ordre, il y a encore la moitié du chemin à faire. Ne t’avise pas à poser la question sur la durée ou la difficulté de la marche qui reste, les réponses fournies sont souvent, à dessein, imprécises, pour ne pas te décourager. Il faut s’armer de volonté et reprendre tes cannes de marche de randonnée sans trop te poser trop de questions.

La magie de la montagne

La montagne nous en met plein les yeux avec ses versants multiples et leur exposition adret/ubac, (ensoleillé/ombragé ou Assammar/Amalou, en amzigh).

De beaux paysages se succèdent sans forcément se ressembler. En voici certaines évocations saisies durant la marche. Tu lèves les yeux, quand ce n’est pas couvert et menaçant d’un orage d’été, c’est un beau ciel bleu azur, intense et lumineux qui t’éblouit par sa magnificence. Tout au loin, le regard est capté par des versants éclairés d’une lumière contrastée, et comme réglés par un éclairagiste professionnel ; un enchantement. La roche, travaillé par l’érosion éolienne et hydrique, gratifie le regard de formes esthétiques surprenantes. En contre plongée, les fonds de vallée, creusés par le torrent, l’Assif sont façonnés par l’activité humaine. De part et d’autre du cours d’eau, des terrasses de culture verdoyants remontent en gradins, et, plus en haut, sur l’un des versants, les habitations humaines, bâties en matériaux locaux, sont agglomérées dans des douars, et conservent les traces vivantes d’une architecture locale antique. Tout se passe comme si la montagne compense ta pénible marche par tant de visions fantastiques. Oui, la montagne est belle, majestueuse, magique mais coriace. Elle ne se laisse prendre qu’avec douceur et amour. Tout pour le bien-être du marcheur.

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Sacrifice et lien social

Le groupe a pris l’habitude d’organiser un rite sacrificiel. Un chevreau ou à défaut un agneau est acheté chez un éleveur, égorgé et sa viande partagée avec les membres de l’équipage (muletiers, cuisinier et guide). Le campement du groupe près du refuge de Tarkadit avoisine l’Azib de cet éleveur venu de Tassaout de la tribu Ait A’affane, déjà évoqué. C’est notre fournisseur en bête sacrificielle pour la seconde fois. D’habitude le groupe préfère le chevreau mais cette année c’est l’agneau qui est disponible.

La randonnée astreint à un mode de vie spartiate qui a d’ailleurs tout son charme. Le sacrifice et l’abondance de viande donnent lieu à une agape d’où le groupe et l’équipage ressortent repus de viande. L’acte de sacrifier est sans signification religieuse ; c’est pour se faire plaisir, faire plaisir à l’équipage et créer un moment de convivialité et de partage. Mais l’inspiration et la symbolique de cet acte empruntent à la tradition suivie dans ces hauts lieux de la transhumance, qui sont souvent placés sous le patronage d’un saint à qui les transhumants rendent le culte par des sacrifices et offrandes de toute nature contre leur protection des personnes et du bétail. Ce sont les saints qui, par le passé, assuraient l’ordre et la sécurité entre tribus en l’absence et l’éloignement de l’autorité centrale.

Au début de la randonnée, les rapports entre randonneurs et équipage sont marqués d’une certaine suspicion. L’équipage est constitué de 4 jeunes, âgés de 26 à 32 ans et un doyen âgé de 62 ans.

Le mulet est leur outil de travail. En montagne, rien ne peut se faire sans mulets, ces locomotives de la montagne. Le prix journalier de location des mulets a augmenté. Normal, vu le renchérissement de l’orge dont ils sont nourris. Les membres de l’équipage ont l’habitude de travailler avec des touristes non marocains avec qui ils se sentent, probablement, plus à l’aise. La présence des marocains qui randonnent les interpelle, sans doute ; elle est perçue avec appréhension.

L’Amghar n’a de cesse de leur expliquer que nous ne sommes pas des touristes, mais des randonneurs un peu particuliers. Du temps est nécessaire pour "gagner leur confiance" et casser les a priori envers le randonneur marocain. La confiance s’installe au fur et à mesure de la progression de la marche. Le sacrifice et le festin consolident cette confiance et établit finalement le lien social. La magie du sacrifice opère. Les membres de l’équipage, originaires des tribus Ait Bou Oulli et Ait Bougamèz nous ont gratifié d’un peu de musique et de danse de leur cru. Un gage de confiance. Leur genre musical est diversifié : Ahwach ganga (tambour des gnawa) et Ahidous. Les deux tribus se trouvent géographiquement au croisement des populations parlant Tachelhit et celles utilisant la Tamazight et empruntent à leurs arts respectifs. C’est ce que j’ai cru comprendre en écoutant attentivement leur performance.

La randonnée s’achève en apothéose, au Douar A’arouss, dans la maison d’un membre de l’équipage, autour d’un repas à base de céréales ; un sacrifice végétal.

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* Mohamed Tamim, Aziz Iraki, Mohamed Tozy, et Abdellah Lahzam. Cette année, le jeune et talentueux réalisateur Ismail Iraki et moi-même avons accompagné le groupe.

**Amghar, littéralement le grand, c’est le chef. Titre donné au membre du groupe le plus expérimenté en sport de montagne et qui justifie d’une très bonne connaissance de sa géographie et de sa sociologie. Le groupe lui fait confiance, notamment pour l’organisation de la randonnée, les prises de contacts, et la proposition de circuit.

*** Les données sont approximatives ; néanmoins, elles offrent une idée sur l’importance de l’affluence des transhumants vers cet alpage.

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