Pas de crainte sur l'approvisionnement en huile de table au Maroc malgré la hausse des prix

Des tensions sur les marchés internationaux des graines oléagineuses sont la cause de la forte hausse des prix des huiles de table au Maroc. Malgré le prix cher, le Maroc qui s'approvisionne à 97% en huile de soja ne risque pas de pénurie, mais l'adaptation du comportement à l'achat des consommateurs se fait déjà ressentir.

Pas de crainte sur l'approvisionnement en huile de table au Maroc malgré la hausse des prix

Le 24 avril 2022 à 15h27

Modifié 25 avril 2022 à 7h37

Des tensions sur les marchés internationaux des graines oléagineuses sont la cause de la forte hausse des prix des huiles de table au Maroc. Malgré le prix cher, le Maroc qui s'approvisionne à 97% en huile de soja ne risque pas de pénurie, mais l'adaptation du comportement à l'achat des consommateurs se fait déjà ressentir.

En l'espace d’un an et demi, les prix de l’huile de table ont plus que doublé au Maroc. Si les causes de cette hausse des prix étaient, au départ, liées à divers phénomènes, c’est bien la guerre en Ukraine qui a fait empirer les choses, nous explique une source chez l’un des opérateurs huiliers.

Ces derniers sont dépendants du cours des matières premières à l’international qui constitue une part importante du prix de revient et donc du prix de vente, à peu près 85% du prix de l’huile de table sur les rayons, selon notre source.

De 2020 jusqu’à la fin des années 2021, il s’agissait, essentiellement, de phénomènes climatiques, météorologiques, couplés à la hausse de la demande sur les biocarburants qui ont causé la hausse des prix des graines oléagineuses. D’autant plus qu’une croissance de la demande liée à la reprise post-confinement a été enregistrée, dans une grande partie du monde.

Tout ceci a contribué à la hausse des matières premières, du soja, entre le quatrième trimestre de 2020 et la fin 2021. Depuis, la guerre en Ukraine est venue aggraver la situation, puisqu’elle a créé une tension globale sur le marché. 

Une autre cause importante est le cours de l’huile de palme brute, qui a augmenté pour des raisons spécifiques à la situation climatique de l’Asie du Sud-Est, en 2021, de sorte qu’un certain nombre de pays dont l’Inde qui étaient de grands consommateurs de l’huile de palme ont switché vers le soja, affirme notre source.

Un milliard de consommateurs indiens, c'est une hausse très importante de la demande internationale de soja, ce qui a pesé sur le cours des matières premières. Il en a résulté un renchérissement de la matière première qui a atteint 1.800 dollars la tonne, alors qu’il y a moins de deux ans, elle était encore à 700 dollars la tonne, d’après notre interlocuteur.

Le tournesol ukrainien compromis, la pression sur les autres graines oléagineuses déstabilise le marché

L'Ukraine est un acteur majeur sur le marché des graines de tournesol, il en assure 50% de la demande mondiale, alors que la Russie en produit près de 30%. La difficulté de l’Ukraine à exporter son tournesol a créé une tension sur le marché européen, grand consommateur de l’huile de tournesol, qui a dû répercuter une partie de ses besoins sur d’autres huiles.

La conséquence de cette situation est que nous assistons à une augmentation très importante du prix non seulement du tournesol mais aussi du colza, du maïs, de la palme et bien malheureusement également du soja, qui est la source de 97% de l’huile de table consommée au Maroc.

L’Europe est également une grande consommatrice de tourteaux, l’autre dérivé des graines oléagineuses, qui est utilisé pour la production de protéines végétales pour l’alimentation humaine ou animale. La tension sur le marché des tourteaux de tournesol, à cause de la crise ukrainienne, s’est également répercutée sur la demande sur les autres graines oléagineuses comme le soja.

Les opérateurs marocains ne répercutent pas la hausse sur les marchés internationaux immédiatement

Toutefois, on note que les prix de l’huile de table ont augmenté plus rapidement que ceux de la matière première pendant les derniers mois. Notre source nous explique qu’il y a un décalage entre la variation des prix du soja sur les marchés internationaux et celle de l’huile de table sur les rayons, car les opérateurs ne répercutent pas la hausse immédiatement.

Ceci est rendu possible grâce aux mécanismes financiers existants au Maroc qui permettent aux industriels de prendre des engagements à long terme, ce qui n’est pas le cas de tous les pays de la région. Par exemple, que ce soit en Tunisie ou en Algérie, les opérateurs ne peuvent pas prendre des positions sur des périodes aussi longues qu’au Maroc.

"Au Maroc, grâce aux mécanismes financiers qui sont disponibles, grâce à l’Office des changes et à la crédibilité du système financier marocain, on est en mesure de prendre des positions sur le long terme et donc d’assurer la disponibilité en huile brute", souligne notre interlocuteur.

Quand ils décident de se couvrir, les opérateurs marocains  le font sur le cours à Chicago, mais ils achètent leurs huiles brutes d’autres pays comme l’Argentine ou le Brésil. Chicago est un marché des graines en général et du soja en particulier. Les Etats-Unis sont un très grand producteur de soja mais ils n’exportent pratiquement pas de graines de soja, ils sont donc faiseurs de marché mais pas exportateurs.

La prise de position sur un marché qui a tendance à augmenter permet aux industriels marocains de "glisser" l’augmentation des cours. Mais ce n’est pas illimité dans le temps, cela dépend de la période sur laquelle l’opérateur a décidé de se couvrir, généralement entre 3 à 6 mois.

Selon notre source, son entreprise a essayé d’être solidaire et responsable dans les mois de Chaâbane et de Ramadan qui sont sensibles pour le consommateur marocain. "Mais il y a des limites. Je pense qu’il y a une rectification naturelle qui se fait, parce que les couvertures sont limitées dans le temps", nous déclare-t-il.

Malgré la tension sur le marché, pas de crainte sur l’approvisionnement en huile de table

Il rappelle par la même occasion que le Maroc ne connaît pas de crise d’approvisionnement comme c’est le cas dans d’autres pays, l'Espagne par exemple. Il attire l’attention également sur le fait que le prix de l’huile de table au Maroc, malgré sa hausse, reste moins cher qu’en Europe. Il est à peu près à 2 euros au Maroc, contre 3,40 euros en France, alors qu’il y a quelque temps le prix de l’huile de table en France coûtait moins cher qu’au Maroc.

Les scènes de rayons vides qu’on voit en Europe ne doivent pas faire craindre une pénurie au Maroc, car selon lui, il n’est pas facile pour un industriel européen qui produit de l’huile de tournesol de fournir à ses clients immédiatement d’autres huiles de table, suite à la crise en Ukraine. 

Ce processus nécessite du temps et en attendant que les chaînes d’approvisionnement se réorganisent, il y a fatalement des rationnements dans l’approvisionnement, c’est la situation que vivent les marchés européens actuellement.

Même pour les marques qui utilisent de l’huile de tournesol au Maroc, notre interlocuteur ne pense pas qu’elles risquent un manque d’approvisionnement, d’autant plus que l’huile tournesol au Maroc ne représente pas plus de 3% du total du marché marocain.

La tension mondiale sur le tournesol est une opportunité pour faire revivre sa culture au Maroc

Il était un temps où l’huile de tournesol était fortement consommée au Maroc, parce qu’il y avait une culture locale très importante. Dans les années 80 et 90, le Maroc produisait entre 150.000 et 200.000 tonnes de graines de tournesol par an. Aujourd'hui, ce chiffre a été divisé par dix, à cause d’une désaffection des exploitants agricoles pour la graine de tournesol et leur conversion vers d’autres cultures.

Le tournesol est une culture printanière, il doit être semé de mars à avril. "Quand il y a eu cette crise en Ukraine, le ministère de l’agriculture et la Comader ont mis à jour le plan incitatif pour le tournesol pour augmenter le prix garanti à l’exploitant, c’est ce qui a permis d’augmenter les surfaces à plus de 30.000 hectares, contre 17.000 un an auparavant" , assure notre source.

"D’ici l’été, une partie de la consommation marocaine de tournesol pourra être assurée localement. J’espère que l’impact positif de cette crise sera qu’on parviendra à relancer d’une manière vertueuse une culture locale du tournesol parce qu’elle deviendra rentable", ajoute-t-il.

Face au renchérissement des prix de vente de l’huile de table, les Marocains adaptent leurs comportements d’achat

D’autre part, les opérateurs ont ressenti l’impact de la hausse des prix sur les ventes. Si le chiffre d’affaires est naturellement plus haut, les ventes en quantité sont quant à elles plus faibles. "C’est tout à fait normal, quand on est dans un pays émergent, avec une grande partie des ménages qui vivent avec des revenus moyens, dès qu’il y a des hausses aussi importantes, il y a une adaptation immédiate de la consommation par rapport à ces nouvelles données. C’est une réalité", souligne cet industriel. 

Des changements de comportement des consommateurs dans leurs habitudes d’achat sont également notés. Par exemple, il y en a qui se convertissent vers les huiles de premier prix ou encore ceux qui changent leurs fréquences d’achat, au lieu d’acheter une bouteille de 5 litres mensuellement, les achats sont fait plus régulièrement mais pour des emballages plus petits.

Malheureusement il y a aussi des comportements spéculatifs de la part d’acteurs qui se sont rendus compte que le niveau des prix au Maroc était relativement bas par rapport à d’autres pays, qui anticipent des augmentations éventuelles et qui, donc, augmentent fortement leurs stocks. Il y en a même qui sont dans des activités de marché noir avec le transfert d’huile vers les villes occupées de Sebta et Melilia.

"On essaye autant que possible de privilégier les approvisionnements du marché local que de répondre à ces besoins spéculatifs", conclut l’industriel. 

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