Aires protégées du Maroc. La nature en partage

Dunes, fleuves, falaises, côtes, forêts et montagnes… Les spécificités géographiques et climatiques du Maroc en font un sanctuaire privilégié pour plusieurs espèces menacées. Du nord au sud, des aires protégées abritent une biodiversité incomparable comprenant plus de 24.000 espèces animales et 7.000 espèces végétales. Médias24 vous en livre l’essentiel.

Aires protégées du Maroc. La nature en partage

Le 24 avril 2022 à 15h28

Modifié 25 avril 2022 à 0h58

Dunes, fleuves, falaises, côtes, forêts et montagnes… Les spécificités géographiques et climatiques du Maroc en font un sanctuaire privilégié pour plusieurs espèces menacées. Du nord au sud, des aires protégées abritent une biodiversité incomparable comprenant plus de 24.000 espèces animales et 7.000 espèces végétales. Médias24 vous en livre l’essentiel.

Singe magot, addax, ibis chauve, autruche à cou rouge, mouflon à manchettes… Vous n’avez peut-être jamais entendu parler de ces espèces, qui constituent pourtant la richesse animalière des aires protégées du Maroc. Certaines d’entre elles sont classées "espèces en danger", et le Royaume a entrepris ces dernières années plusieurs actions en vue de les protéger. Quelques-unes d'entre elles ont même été réintroduites dans les parcs nationaux. C’est le cas par exemple de l’addax, au sein du parc national de Souss-Massa.

Il faut savoir que le Maroc occupe une place privilégiée en matière de biodiversité. Cela s’explique principalement par le fait que le bassin méditerranéen est le troisième hotspot (point chaud) de biodiversité le plus riche au monde.

La preuve par les chiffres : la biodiversité du pays comprend plus de 24.000 espèces animales et 7.000 espèces végétales, dont 4.500 pour la flore vasculaire (fougères et plantes à graines ou à fleurs) avec des taux d'endémisme (présence naturelle d'un groupe biologique exclusivement dans une région géographique délimitée, ndlr) particulièrement élevés au niveau méditerranéen, soit 20% pour les plantes vasculaires et 11% pour la faune.

« Les écosystèmes forestiers sont particulièrement riches. Le Maroc détient la plus grande quantité de forêts méditerranéennes protégées d'Afrique du Nord, dans lesquelles vivent 15% des espèces menacées des forêts méditerranéennes - FAO et Plan bleu, 2015. Les écosystèmes désertiques, bien que caractérisés par des précipitations limitées, présentent 750 types d'espèces végétales différentes (dont 60 sont endémiques), 650 invertébrés (principalement endémiques), plus de 250 oiseaux, et au moins 40 des mammifères les plus menacés au Maroc », recense Zouhair Amhaouch, chef de la division des Parcs et réserves naturelles, relevant du département des Eaux et forêts.

10 parcs nationaux et 154 sites d’intérêt biologique et écologique

Le réseau des aires protégées, qui s’étale sur 772.000 ha, est formé de dix parcs nationaux, riches en biodiversité. Le plus ancien est le parc national de Toubkal (créé en 1942) ; s'ensuivent le parc national de Tazekka (1950), le parc national de Sous-Massa (1991), le parc national d’Iriqi (1994), les parcs nationaux d’Ifrane, de Talassemtane, du Haut Atlas oriental et d’Al Hoceima (créés en 2004), le parc national de Khenifiss (2006) et le parc national de Khénifra (2008) (voir Carte des aires protégées du Maroc).

Quand on parle d’aires protégées, les spécialistes font généralement le distinguo entre parc national et réserve naturelle. « Un parc national est un espace protégé d’une superficie relativement grande, classé par décret conformément à la loi 22-07 relative aux aires protégées. Sa création a pour objectif de conserver des écosystèmes naturels de grande valeur biologique et écologique, au niveau national et international. Les réserves naturelles sont également des espaces protégés à accès limité sur des superficies moins grandes, dont l’objectif est la conservation des espèces menacées d’extinction au niveau national et international, et de leurs habitats naturels, ainsi que leur développement en semi-captivité en vue de leur réintroduction dans leur aire de distribution géographique », précise Zouhair Amhaouch. Une aire de distribution ou répartition géographique correspond aux conditions environnementales nécessaires à la vie et au développement de l'espèce (zones d'abri, de nourrissage et de reproduction). En dehors de cette aire, les conditions environnementales sont défavorables à l'espèce, du moins à sa reproduction.

Les dix parcs nationaux, qui composent le réseau des aires protégées, présentent d’ailleurs un fort potentiel de développement local, notamment en matière d’activités d’écotourisme et de valorisation des produits du terroir. « La nouvelle stratégie ('Forêts du Maroc 2020-2030', ndlr) projette de faire de ces espaces protégés une destination phare pour l’écotourisme, à travers la création d’une marque ‘Parc national’, le marketing de ses produits et services labellisés, le développement d’une infrastructure adéquate et la création de parcours naturels adaptés aux adeptes de la nature », nous apprend le chef de la division des Parcs et réserves naturelles.

En plus des parcs nationaux qui occupent 1,1% du territoire, on dénombre 154 sites d’intérêt biologique et écologique (SIBE) visant à assurer la préservation du patrimoine naturel du pays. Ce réseau couvre une superficie de 2,5 millions d’hectares représentatifs des écosystèmes naturels marocains. Ils font l’objet d’autres mesures de conservation, telles que l’interdiction de la chasse ou de tout projet susceptible de nuire à l’intégrité écologique de ces sites.

Au sein de ce réseau de sites d’intérêt biologique et écologique figurent 38 zones humides inscrites dans la Convention Ramsar (Convention des zones humides d’importance internationale) et 29 réserves clôturées, qui ont été créées pour que des populations animales menacées d’extinction puissent s'y développer.

Ce réseau forme également l’ossature des quatre réserves de biosphère marocaines inscrites sur le programme 'Man and Biosphere' de l’Unesco. Il s’agit de la réserve de biosphère d’arganeraie, des oasis du sud du Maroc, du Cèdre de l’Atlas et de la réserve de biosphère intercontinentale de la Méditerranée.

Le singe magot, un primate emblématique

Avec l’appui des institutions de recherche nationales et internationales, le département des Eaux et forêts met en œuvre des plans d’action en faveur de plusieurs espèces. A ce titre, le réseau des aires protégées constitue un support pour ces programmes de conservation et de réhabilitation des espèces menacées de disparition, et de réintroduction des espèces disparues. Parmi ces espèces figure le singe magot (voir photo), une espèce classée en danger par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). On peut le rencontrer notamment dans les parcs nationaux d’Ifrane, de Khénifra, de Talassemtane et de Toubkal.

Ce singe occupe d’ailleurs la première place dans le top 3 des espèces qui caractérisent le Maroc, d'après le chef de la division des Parcs et réserves naturelles. « Le singe magot (Macaca sylvanus) est un primate endémique d’Afrique du Nord, et le Maroc dispose des plus grandes populations sur toute l’aire de répartition géographique qui s’étend en Algérie et à Gibraltar. Il se trouve actuellement cantonné à l’état sauvage dans les montagnes du Rif, du Moyen Atlas et du Haut Atlas. » Le singe magot figure, depuis 2008, sur la liste des espèces menacées de l’UICN. « Le Maroc a établi un plan d’action national pour la conservation du singe magot en 2012, avec l’objectif du maintien et de la restauration des populations de cette espèce au niveau de ses aires naturelles », indique Zouhair Amhaouch.

L'addax, l’antilope ressuscitée

Sept espèces d’ongulés sauvages (cerf, mouflon, oryx, addax, gazelle dama, gazelle dorcas et gazelle de Cuvier), également menacées de disparition, font l’objet de programmes de réintroduction au sein des aires protégées. Le Maroc est d’ailleurs considéré comme un leader, au niveau de la région sahélo-saharienne, en matière de développement et de suivi des ongulés sauvages. Les lâchers dans la nature de la faune protégée ont été initiés - pour la première fois au plan mondial - pour la gazelle dama mhorr dans le parc national de Dakhla, pour l’addax et la gazelle dorcas dans le parc national d’Iriqui, et pour le mouflon à manchettes au sein du SIBE de Béni Snassen.

L’addax (Addax nasomaculatus), que Zouhair Amhaouch place au deuxième rang des espèces représentatives du pays, derrière le singe magot, est « l'un des animaux les plus rares de la planète, et le plus adapté au désert. L'addax occupait autrefois une vaste aire écologique allant du Maroc à l'Égypte. Aujourd'hui, les addax sont limités à deux petites populations isolées, l'une dans le désert de Tin-Toumma à l'est du Niger, et l'autre dans la région de l'Eguey-Bodélé au Tchad. Classée dans la catégorie 'en danger critique d'extinction' par l'UICN en 2020, la population d'addax à l'état sauvage est désormais estimée à moins de 100 individus », indique le chef de la division des Parcs et réserves naturelles.

Au Maroc, l'addax se déplaçait autrefois de la région du Haut Drâa, avec des observations près de la ville de Zagora, jusqu'au Sahara atlantique, dans la région de Dakhla.

« Le dernier troupeau d'addax a disparu en 1942, et la dernière observation connue remonte à 1963. Entre 1994 et 1996, un programme de réintroduction des antilopes éteintes au Maroc avait été initié par le département des Eaux et forêts, avec la réintroduction de 70 addax, provenant de plusieurs zoos européens, au niveau du parc national de Souss-Massa. Cette population reproductrice semi-captive s'est extrêmement bien développée au cours des deux dernières décennies, avec une taille de population de près de 400 individus », ajoute Zouhair Amhaouch.

Dans le cadre de la stratégie nationale de conservation des ongulés sauvage au Maroc, un programme de réintroduction de cette espèce a été entamé en 2019 au niveau du parc national d’Iriqui dans le Sud-Est marocain.

L’ibis chauve et l’autruche à cou rouge, des volatiles à couver

Pour ce qui est des oiseaux, plusieurs espèces emblématiques des aires protégées marocaines font l’objet de suivis assurés par des institutions de recherche internationales et nationales. C'est le cas de l’ibis chauve (Geronticus eremita), avec Birdlife International, qui est la plus grande alliance mondiale non gouvernementale pour la conservation de la nature et des oiseaux en particulier (lire aussi l’article "Parc national de Souss-Massa : ultime royaume de l’ibis chauve et autres espèces menacées"). Ainsi le Maroc abrite, au sein du parc national de Souss-Massa, la dernière population sauvage de cette espèce en danger au niveau mondial.

Pour Zouhair Amhaouch, l’ibis chauve est la dernière espèce de son top 3 de la faune emblématique du Royaume. « L’ibis chauve est une espèce d’oiseau rare menacée d’extinction. Inscrite sur la liste rouge de l’UICN comme une espèce en danger, elle est également protégée par la législation nationale en vigueur. Actuellement, le Maroc abrite la plus grande population d'ibis chauve sauvage, qui se compose d’environ 600 individus répartis dans le parc national de Souss-Massa et le SIBE Tamri. »

Dans le cadre des efforts déployés pour sa conservation, le département des Eaux et forêts prévoit de renforcer les mesures de conservation et de réhabilitation des populations d’ibis chauve, à travers l’appui à la réinstallation de l’espèce dans les sites ayant abrité d’anciennes colonies. Le but recherché est de rétablir une population sauvage au niveau de certains de ces sites.

L’autre espèce d’oiseau emblématique du Royaume est l’autruche à cou rouge qui se développe au sein des réserves naturelles, en vue d’être relâchée dans les espaces sahariens des régions d’Iriqui, de Boujdour, d'Es-Smara et de Bir Guendouz. Parmi les rapaces menacés figurent le faucon d’Eléonore, le Balbuzard pêcheur et le vautour fauve.

Le département des Eaux et forêts met aussi en œuvre des plans d’action en faveur des espèces d’oiseau d’eau, dont le recensement se fait annuellement au niveau des parcs et sites d’intérêt biologique et écologique, en coordination avec la communauté scientifique. S’y ajoutent la grande outarde dans la région Nord et Nord-Ouest, et plusieurs espèces de poissons telles que la truite fario, l’anguille et le barbeau, dont le suivi est assuré par le Centre national d’hydrobiologie et de pisciculture.

Le cèdre, le sapin et l'arganier, fleurons du patrimoine floral

Si le Maroc fait figure de terre d’accueil pour certaines espèces animales rares, il abrite également une flore d'exception. On citera en premier lieu le cèdre de l’Atlas, une espèce endémique d’Afrique du Nord. « Le pays compte la plus grande superficie de cèdres de l'Atlas au niveau mondial, avec à peu près 133.000 hectares concentrés dans les zones humides : le Rif occidental, le Moyen Atlas et le Haut Atlas oriental. L'Algérie arrive en deuxième place, avec environ 15.000 hectares », nous apprend Zouhair Amhaouch.

La réserve de biosphère du cèdre de l’Atlas renferme un tiers de la cédraie sur le plan mondial. Mais l'écosystème des cèdres est menacé par le dérèglement climatique et la pression des hommes. C'est pourquoi le pays tente de protéger ce précieux patrimoine végétal, classé en danger par l’UICN.

Un autre arbre fait figure d’exception : le Sapin du Maroc. « Endémique, le sapin du Maroc est un arbre majestueux qui constitue de très beaux écosystèmes forestiers, localisés dans le Rif, entre 1.400 et 2.000 mètres, dans le parc national de Talassemtane. Il est également classé en danger par l’UICN. La sapinière du Maroc constitue le cœur de la réserve de biosphère intercontinentale de la Méditerranée », souligne le chef de la division des Parcs et réserves naturelles

L’arganier s'impose dès lors qu'on évoque la flore nationale. Cet arbre - également endémique du Maroc – occupe une place importante sur le plan environnemental comme socioéconomique. Zouhair Amhaouch nous explique que l'arganier, "en tant que rempart contre l’érosion et l’avancée du désert saharien, joue un rôle économique majeur pour les habitants de Souss-Massa en particulier, mais aussi au niveau national. La vaste arganeraie de cette région bénéficie depuis 1988 du statut de réserve de biosphère de l'arganeraie dans le but de la protéger".

Une vision pour l’avenir

Parmi les larges attributions du département des Eaux et forêts, la division des Parcs et réserves naturelles a pour mission de coordonner la préparation et la mise en œuvre des plans d’aménagement des parcs et réserves naturelles, et d’en assurer le suivi et l’évaluation des résultats. Cette division chapeautée par notre interlocuteur, Zouhair Amhaouch, assure également la mise en œuvre des plans d’action de conservation de la faune et de la flore sauvages, et de leurs habitats en particulier, et toute action visant la protection de la nature au sein des zones clés pour la biodiversité, que ce soit des espaces forestiers ou des zones humides.

En vue de relever ces nombreux défis et de rendre le secteur forestier plus attractif, le département des Eaux et forêts a initié la stratégie 'Forêts du Maroc 2020-2030'. L’objectif est de se doter d’un modèle de gestion inclusif, durable et créateur de richesse, qui place les populations usagères des zones forestières au cœur de la gestion des forêts.

"La nouvelle stratégie forestière 'Forêts du Maroc 2020-2030', lancée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI le 13 février 2020, constitue un tournant important dans la gestion forestière en général, et celle des parcs nationaux en particulier", estime Zouhair Amhaouch. "Cette stratégie trace une nouvelle gouvernance distinctive des parcs nationaux, permettant d’assoir un nouveau modèle qui assure la mission de conservation et de valorisation des écosystèmes forestiers. Ce modèle intègre toutes les instances de dialogue avec les acteurs et structures locales et implique les populations locales dans la gestion effective des ressources naturelles."

Le réseau sera par ailleurs étendu à travers la création de nouvelles aires protégées, et ce en application du décret de la loi sur les aires protégées, promulgué en avril 2021. Concrètement, leur superficie passera de 772.000 ha actuellement à 3 millions d'ha au niveau national, à l’horizon 2030, soit 19% de la superficie des écosystèmes naturels. Ce qui garantira la préservation de la biodiversité et la sauvegarde des espèces menacées. Et permettra aux générations futures d'admirer encore ces quelques spécimens rares, propres à nos régions.

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