Dialogue social : ce que le patronat plaidera devant Younes Sekkouri

Le ministre de l’Emploi reçoit ce lundi 21 mars les représentants de la CGEM, dans le cadre du dialogue social ouvert en février par le gouvernement. Voici ce que comptent plaider les patrons et leurs principales attentes de ce round.

Dialogue social : ce que le patronat plaidera devant Younes Sekkouri

Le 21 mars 2022 à 13h40

Modifié 21 mars 2022 à 20h29

Le ministre de l’Emploi reçoit ce lundi 21 mars les représentants de la CGEM, dans le cadre du dialogue social ouvert en février par le gouvernement. Voici ce que comptent plaider les patrons et leurs principales attentes de ce round.

Après les réunions avec le chef du gouvernement tenues en février dernier, le dialogue social passe à une autre étape, où l’on entre dans le détail des sujets posés sur la table. Cette étape a été confiée au ministre de l’Inclusion économique, de la petite entreprise, de l’emploi et des compétences, Younes Sekkouri.

Dans ce cadre, le ministre PAM va recevoir dès cette semaine les différentes parties prenantes du dialogue social, patronat et syndicats les plus représentatifs. La première réunion se tient ce lundi 21 mars avec les représentants de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) pour recueillir leurs principales demandes, et se mettre d’accord sur les engagements qu’ils devront tenir au cours des prochaines années, comme nous le confie un membre du patronat.

"On se réunit aujourd’hui pour se mettre d’accord sur les engagements des uns et des autres pour les trois prochaines années. On doit parvenir à un pacte d’ici le mois prochain au plus tard ; à une sorte de papier qui démontre clairement les engagements de l’État, des syndicats ainsi que les nôtres. Nos engagements hérités du dialogue social avec le gouvernement El Otmani, tout le monde les connaît. Et nous les avons tous respectés. Dans la logique d’un dialogue social équitable et équilibré, on attend désormais des syndicats et de l’État qu’ils s’engagent à respecter leurs promesses, notamment sur les principaux dossiers qui nous intéressent."

Selon nos sources à la CGEM, le patronat participe à ce dialogue social avec des idées très claires et un objectif précis.

La CGEM considère d’abord "que l’on part d’un passif qui date de l’accord social de 2019, où la Confédération s’était engagée sur deux choses : l’augmentation en deux temps du Smig (5% en 2019 et 5% en 2020), et le financement de l’augmentation de 200 dirhams des allocations familiales, pris en charge dès 2019 intégralement par les entreprises", rappellent nos sources.

En contrepartie, les patrons s’attendent à ce que les engagements de l’État et des syndicats soient également tenus. La CGEM ne part pas avec une longue liste de revendications, mais a décidé de mettre le focus sur deux principaux sujets, comme nous le confient nos sources patronales : la promulgation de la loi sur la grève et l’amendement du Code du travail.

Loi sur la grève : les patrons veulent une promulgation du projet validé en 2016 par le Conseil des ministres

"On considère que c’est un passif de l’accord social de 2019, où il y avait des engagements de la part de la CGEM, de l’État et des syndicats. La CGEM a tenu ses engagements. On estime que les autres parties doivent désormais tenir les leurs, avec la promulgation de la loi sur la grève et l’amendement du Code du travail. Pour nous, il n’y a pas de dialogue si ces deux sujets n’avancent pas", explique une de nos sources au sein de la CGEM.

Ce qui, pour les différents patrons sondés, n’a rien d’exceptionnel ou de particulier. Il s’agit selon eux d’une simple exécution des engagements pris, et d’une adaptation de la législation sur la grève et le travail aux évolutions de l’économie marocaine.

Concernant le projet de loi sur la grève, la CGEM ne demande, d’après nos sources, rien de plus que la promulgation du projet de loi qui a été validé par le Conseil des ministres en septembre 2016.

"Ce projet de loi sur la grève est prêt depuis 2016. Il a été validé par le Conseil des ministres, sous la présidence de Sa Majesté. Mais, depuis, il est bloqué. Il n’y avait visiblement pas de volonté politique de faire sortir cette loi. Ceci dit, on sent que ce gouvernement veut le faire aboutir", signale une de nos sources.

La CGEM ne veut apporter aucun changement à ce projet de loi car elle le juge correct.

"Le projet de loi sur la grève apporté par le gouvernement précédent et validé en Conseil des ministres nous convient, même s’il y a des points à améliorer. Mais on ne va pas entrer dans cela aujourd’hui, on ne veut pas casser la dynamique. On souhaite rester concentrés sur l’essentiel. Et l’essentiel pour nous, c’est que ce projet de loi soit la base des négociations actuelles avec les partenaires sociaux. On est ouverts à toutes les propositions d’amendements que peuvent apporter les syndicats. Auparavant, on sentait que les syndicats voulaient bloquer ce projet de loi. Or il nous semble qu’ils sont aujourd’hui ouverts à la négociation. C’est plutôt bon signe", s’enthousiasme une source de la CGEM.

Le patronat considère d’ailleurs que la méthodologie de dialogue retenue par Younes Sekkouri peut apporter des résultats. Le ministre a en effet décidé de réunir chaque partie à part, de recueillir ses avis, de sonder ses opinions sur les différents sujets posés sur la table des négociations. L’objectif étant de chercher des points de convergence avec chacune des parties avant de réunir l’ensemble des partenaires sociaux pour sceller un pacte final.

"Nous considérons que cette approche est constructive. Car toutes les réunions d’avant où nous étions présents à trois n’aboutissaient à rien. Elles étaient le théâtre d’une inflation de doléances avec des demandes parfois farfelues, chacun voulant démontrer qu’il était plus coriace, plus social que les autres... Nous pensons que le mix des deux approches peut produire des résultats : rechercher une convergence en aparté avec chacune des parties, et réunir tout le monde lorsque l’on sent que le dialogue a des chances de réussir. C’est une bonne démarche", explique une de nos sources.

Code du travail : amender les articles qui font fuir les investisseurs

Deuxième sujet de taille que la CGEM veut défendre dans le cadre de ce dialogue social avec le gouvernement Akhannouch : l’amendement du Code du travail. Un sujet qui bloque depuis près de deux décennies…

"Notre souhait est d’apporter des amendements sur le Code actuel qui encouragent l’acte d’investir. Nous ne voulons pas mettre en place un nouveau Code, mais simplement modifier certaines dispositions qui freinent actuellement l’investissement et font fuir les entrepreneurs. Le Code du travail, ce n’est pas quelque chose qui doit être figé dans le temps. Il doit au contraire subir des changements de manière régulière au fil de l’évolution des choses, de l’économie, de la conjoncture", souligne de prime abord une de nos sources patronales.

Et d’ajouter : "En France, le Code du travail a été modifié à quatre reprises depuis le gouvernement Valls (2014, ndlr). Or chez nous, il n’y a eu aucun changement depuis 2004, date de sa promulgation, sachant que l’on s’était mis d’accord en 2003, date de sa conception, sur la mise en place de procédures de rectifications au moins tous les trois ans pour suivre l’évolution de l’environnement économique… Il y a eu depuis d’énormes évolutions économiques, technologiques, conjoncturelles… Mais ce Code, lui, n’a pas bougé."

Concernant ce sujet qui englobe aussi bien les entreprises que l’État et les syndicats, la CGEM a toujours plaidé la flexibilité en tant que principal axe de réforme. Mais le patronat semble avoir changé de tactique en évitant d’évoquer le terme "flexibilité", un concept qui fait peur…

"La flexibilité, c’est un grand sujet qui peut être interprété négativement si vous le posez de but en blanc sur la table des négociations. Ce qui nous intéresse, c’est d’amender les articles qui font fuir les investisseurs, les entrepreneurs. Les entreprises aujourd’hui préfèrent mille fois signer des contrats avec des auto-entrepreneurs que d’embaucher des salariés. C’est la réalité. De nombreux articles sont à revoir pour que l’on puisse remédier à cette situation et rendre ce Code du travail plus attractif pour l’investissement et l’emploi", soutient une de nos sources.

Parmi les sujets que la CGEM compte aborder : l’intérim, les contrats à temps partiel, le travail à mi-temps, les procédures de licenciement, la lourdeur des contrats, les procédures de licenciement économique en cas de difficultés…

Sur l’intérim par exemple, nos sources expliquent que l’actuel Code prévoit, pour un contrat d’intérim, une période de 3 mois renouvelable une seule fois. Or dans le monde entier, les contrats d’intérim se font sur une durée d’au moins 24 mois, nous précise la CGEM.

Les procédures de licenciement font également partie des gros sujets qui suscitent la polémique. Le patronat juge les procédures actuelles très compliquées, lourdes. Il estime qu’elles sont l’une des principales raisons qui font fuir les entrepreneurs…

L’accent sera mis également sur les licenciements économiques, sujet qui a été au centre de l’actualité en cette période de crise du Covid-19.

"Les procédures de licenciements économiques, en cas de difficultés de l’entreprise, doivent être revues de fond en comble. On l’a vécu pendant le Covid. Ça a été très compliqué de permettre aux entreprises d’alléger 20% de leurs effectifs, comme le prévoit pourtant la loi. Au lieu de laisser les entreprises calibrer leurs charges, on préfère les laisser mourir ; ce qui est illogique d’un point de vue économique. Ces dossiers sont d’ailleurs tranchés par l’autorité territoriale, qui n’a rien à voir avec l’autorité économique. Et les gouverneurs ont généralement d’autres soucis que l’intérêt économique de l’entreprise. Au lieu d’accepter un allégement immédiat de 20% des effectifs, ils bloquent les choses, font reporter la crise et annihilent toute chance pour l’entreprise de se régénérer et de créer à nouveau de l’emploi", déplore une de nos sources.

Et d’ajouter qu’avec cette expérience du Covid-19, "le Code du travail doit désormais prévoir des dispositions qui permettent de gérer les crises".

"Avec cette crise, nous n’avions aucune disposition légale pour gérer la situation. Et on a commencé à légiférer pour la pandémie. Le Code du travail doit dorénavant contenir des dispositions qui permettent à chacun d’avoir de la visibilité en cas de crise", recommande notre source. Elle rappelle que sur ce sujet, comme sur celui de la loi sur la grève, la CGEM reste ouverte au dialogue, n’a pas de position tranchée et est prête à discuter toutes les propositions des autres parties prenantes.

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