ANIT. “Mon bilan et mes recommandations à mon successeur” (Jalil Benabbés-Taarji)

À l’issue de son second mandat à la tête de l’Association nationale des investisseurs touristiques, Jalil Benabbés-Taarji revient, pour Médias24, sur ses réalisations, mais aussi sur les chantiers que le prochain président devra mener.

ANIT. “Mon bilan et mes recommandations à mon successeur” (Jalil Benabbés-Taarji)

Le 30 janvier 2022 à 19h06

Modifié 30 janvier 2022 à 20h11

À l’issue de son second mandat à la tête de l’Association nationale des investisseurs touristiques, Jalil Benabbés-Taarji revient, pour Médias24, sur ses réalisations, mais aussi sur les chantiers que le prochain président devra mener.

Médias24 : Vous bouclez votre second et dernier mandat au sein de l’Association nationale des investisseurs touristiques (ANIT) ; comment résumer votre bilan ?

Jalil Benabbés-Taarji : Mon mandat prend fin dans un contexte maintenant bien connu et régulièrement commenté. Nous nous sommes efforcés de continuer à porter la parole des investisseurs, malgré la vague de désinvestissement et les effets considérables de la pandémie.

Cela fut le cas lors de notre forte participation à l’ex-Comité des experts en 2017-2018, nos propositions aux Assises nationales de la fiscalité de 2019 qui ont été les seules retenues pour le secteur, nos deux études portant sur la restructuration des fonds propres et des dettes du secteur entre 2016 et 2018 et, plus récemment, notre contribution permanente et consistante aux plateformes de sauvegarde présentées à nos ministres du Tourisme, avec et via la CNT. Mais en réalité, la liste est bien plus longue.

     - Durant la période pré-crise de votre mandat, quel a été votre apport concret aux investisseurs ?

- Tout d’abord, je me dois de rappeler que l’ANIT, constituée en 2009, est le fruit d’un péché originel de la Fédération nationale du tourisme (FNT), rebaptisée Confédération nationale du tourisme (CNT) en 2014.

Péché par lequel les fonds d’investissements dédiés (Alhif, H. Partners, Actif Invest, Wessal , Madaef, etc.) et les aménageurs-développeurs (Alliances DI, Saemog, Lixus Resort, la SAPST et Saidia SAS, etc.) des stations du Plan Azur, pour ne citer que ceux-là, avaient vu leur adhésion refusée par la FNT de l’époque. Pour de mauvaises raisons. Autant de membres fondateurs et actifs. Mais aujourd’hui le sujet est dépassé et plus personne ne conteste leur statut d’acteurs structurants du paysage touristique national.

C’est à mettre à l’actif de l’association et depuis, l’ANIT, membre de la CNT et de la CGEM, s’est positionnée comme un forum de débat et comme force de proposition, et ce en dépit des vicissitudes de la conjoncture, tant au sein de la CNT que vis-à-vis des partenaires et composantes de notre environnement : département de tutelle, banques, CGEM, DGI…

     - Quelle est la mesure à votre actif que vous voudriez mettre en avant ?

- Sans conteste, l’avis n° 14 du CNC de mars 2021, soit en pleine crise du Covid-19, qui complète et actualise l’avis n° 13 d’avril 2020 et qui, ensemble, contribuent à préserver significativement les fonds propres de nos entreprises. En bonne intelligence avec la CNT et le soutien bienveillant du ministère des Finances. Pour ne citer que cette mesure, c’est la plus récente et la plus conséquente.

     - Avec le recul, quels ont été vos échecs ?

- Plusieurs mais ils sont tous assumés ou indépendants de notre volonté. En effet, la réduction de notre membership depuis trois ans, du fait du désinvestissement ou du retrait de plusieurs institutionnels du secteur, ainsi que le retrait de quelques membres dont l’ADN était plus immobilier que touristique.

Notre regret également, directement ou via l’ex-Comité des experts, est de n’être pas parvenu à convaincre, tant les décideurs privés que publics, de l’importance d’une bonne gouvernance et d’un véritable pilotage du secteur. Et ce bien avant la pandémie.

- Sachant que la pandémie a parasité un tiers de vos mandats, pourquoi ne pas avoir amendé les statuts de l’ANIT pour vous représenter une troisième fois ?

- La pire des choses à faire: oui je et nous sommes convaincus que la pandémie doit au contraire tous nous motiver à être encore plus irréprochables et légitimes.

Le respect des statuts et de la loi - oui, de la loi - ne peut dépendre de la conjoncture. À l’ANIT nous sommes des partisans de la bonne gouvernance de nos organisations professionnelles. La crise nous contraint à temporiser sur ces sujets, et il reviendra au prochain bureau de s’en soucier, le moment venu.

Aujourd’hui, la priorité est au collectif et à la sortie de crise. Pour cela, le département du Tourisme a et aura un rôle à jouer, ainsi que la CGEM, sans l’intervention de laquelle la CNT n’aurait pas renouvelé ses organes en 2021. Un sujet parmi d’autres.

- La baisse des investissements n’a-t-elle pas commencé avant la pandémie ?

- Oui. Absolument . Nous n’avons jamais souhaité en faire la une des journaux, mais c'est une réalité.

Le secteur a perdu de son attrait et de sa rentabilité, malgré l’arrivée récente de nouveaux acteurs. Je dis tout haut ce que tout le monde sait et dit tout bas. Ce n’est évidemment pas une fatalité.

Bien au contraire, et bien au-delà de cette conjoncture, nous continuons de croire à ce moteur essentiel de l’économie nationale et à son attrait, et avons régulièrement détaillé nos propositions et prérequis, dont un pilotage qui soit digne de ce nom car ce sujet a trop souvent été minimisé.

C’est en effet à cette condition essentielle que le tourisme pourra repartir très fort du Nord au grand Sud.

- Quel a été le véritable impact de la pandémie sur vos six années de mandat ?

- La pandémie a impacté nos agendas et nos priorités, à l’instar des autres maillons de la chaîne de valeur touristique.

Notre crédo principal : 'Mieux nos entreprises et nos ressources humaines seront soutenues et plus l’investissement futur sera préservé et encouragé, avec de l’emploi qui en découlera également'.

La sauvegarde doit donc être à la mesure des dégâts causés par les freins à la mobilité, nationale et internationale. C’est pourquoi les gouvernements doivent assumer les effets et les coûts de leurs décisions.

- Est-ce que la pandémie n’a pas occulté certains sujets stratégiques de fond, et si oui lesquels ?

- Oui, et de manière mécanique sur des sujets de fond comme la bonne gouvernance déjà évoquée, le tableau de bord du secteur, la fiscalité de l’investissement et de l’exploitation, la réglementation, les libertés individuelles aussi, etc.

Il est urgent d’y revenir ; nos agendas ayant subi le même effet d’éviction que la Covid-19 a fait subir aux hôpitaux. Ici et ailleurs.

- La gouvernance n’est-elle pas vraiment un sujet d’actualité avec la crise ?

- En réalité, la bonne gouvernance est appréhendée comme la formation professionnelle : quand les affaires tournent 'on n’a pas le temps', et quand ça va mal, 'il y a d’autres priorités et urgences'.

Pour faire court, c’est une question de conviction : s’agit-il d’un luxe dont on peut se passer ou, plutôt d’un préalable ? À chacun sa conscience, mais c’est un sujet existentiel pour le tourisme, du fait de sa complexité et de sa transversalité.

- Le fait de devoir se concentrer à la fois sur la survie financière et sur la sauvegarde de l’emploi ne constitue-t-il pas une double peine ?

- Oui, car la double peine causée par la pandémie est plutôt, et surtout, de voir toutes ces énergies légitimement absorbées par les priorités du moment, et le report de tous les sujets stratégiques.

- On dit souvent que la crise a eu un effet loupe sur les maux du secteur ?

- C’est vrai pour de nombreux secteurs, mais c’est bien plus conséquent et coûteux pour le tourisme.

Notre appareil statistique est pauvre (l’emploi direct et indirect, notre part du PNB, le tableau de bord de la fiscalité, des coûts de construction et de la rentabilité de l’investissement et des opérations….).

Alors que ce sont des indicateurs indispensables aux décideurs publics et privés, à nos banquiers et aux investisseurs nationaux et étrangers, et disponibles de manière courante dans les destinations matures et plus structurées. C’est un vrai déficit à combler de toute urgence.

- Que faut-il penser du fait que les chiffres de l’emploi ne sont pas fiables et que les sources divergent ?

- C’est un exemple de chantier qui mérite d’être priorisé, car il en va de notre crédibilité. Ainsi, une institution comme le HCP me semble la plus indiquée pour piloter d’urgence ce sujet, scientifiquement et sans passion.

- Sachant que plusieurs institutionnels qui faisaient partie de l’ANIT se sont désengagés du secteur, faut-il craindre un effondrement des investissements touristiques pour les cinq prochaines années ?

- Je veux croire et milite pour le contraire, mais cela dépendra de l’accompagnement en ces temps de crise.

Le plan d’urgence annoncé le 18 janvier est une étape importante et significative, et l’effort budgétaire est tout à fait appréciable et apprécié, mais nous pourrons mieux nous exprimer en fonction des modalités d’application, et de ce qui s'ensuit.

- Justement, que retenez-vous de l’annonce récente d’un plan d’urgence de 2 milliards de dirhams ?

- Que c’est un effort budgétaire, premier du genre avec de la bonne volonté, et qu’il est possible et souhaitable d’optimiser tout en restant dans la limite du budget annoncé. L’année 2020 doit y être pleinement intégrée au nom de la continuité de l’État et au-delà des changements gouvernementaux.

- Que pensez-vous de la décision d'ouverture des frontières le 7 février ?

- C’est une décision opportune car très attendue. Un pas significatif.

Il restera à définir les protocoles de voyage qui, nous l'espérons, seront en ligne avec les pratiques internationales et permettront la stabilité nécessaire pour le retour rapide de la confiance du B2B et du B2C.

- Avec les fermetures à répétition des frontières, y a-t-il des chances que les investisseurs internationaux reviennent rapidement ?

- En fonction des signaux qui seront émis par nos pouvoirs publics et de l’évolution de la demande au cours des 12 et 24 prochains mois. Les investisseurs étrangers comme nationaux sont opportunistes par construction. En d’autres termes, ils iront là où le contexte est le plus favorable, et où le ratio rendement/risque est le plus élevé.

- Y a-t-il eu des faillites chez des investisseurs marocains confrontés à un effondrement de leurs fonds propres et de leur trésorerie ?

- Certainement, et nombreuses mais, là aussi, notre appareil statistique est pauvre et incomplet, et sa réforme est donc à prioriser.

- Que pensez-vous de la SMIT et qu’attendez-vous d’elle en tant qu’investisseur ?

- La Société marocaine d'ingénierie touristique (SMIT) a vocation à être l’experte de l’offre, une offre qui doit coller au mieux à la demande qui fait partie du champ d’expertise de l’Office national marocain du tourisme (ONMT).

Nous appelons de nos vœux une plus forte complicité et collaboration structurelle entre ces deux entités. À défaut de les fusionner, je recommande que la CNT et l’ANIT (mon ou ma successeur.e) puissent siéger au conseil d’administration de la SMIT comme les FNIH et FNAAVM siègent au conseil d'administration de l’ONMT.

Au bénéfice de tous.

- À titre personnel, votre groupe a-t-il prévu d’investir en 2022, voire 2023 ?

- Aujourd’hui, notre priorité est la préservation de nos bilans et de nos ressources humaines. Le rétablissement de la confiance de nos partenaires étrangers tout autant.

Le développement, lui, suivra en temps voulu.

- Avez-vous un dauphin ou un candidat que vous comptez soutenir ?

- Pas à ce jour, mais nous y travaillons.

-Allez-vous rester à l'ANIT et à quoi va se consacrer désormais l'investisseur Jalil Benabbés-Taarji

-Oui comme membre actif, et pour l'épanouissement organisé de ce secteur.

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