Covid, présentiel, grippes : faut-il s'inquiéter pour nos enfants ? (experts)

Le Maroc connaît une hausse des contaminations des enfants au Covid, bien que la majorité ne développe jusqu’à présent qu’une forme mineure de la maladie. Le ministère de l'Éducation nationale a donc opté pour le maintien de l'enseignement présentiel, tout en préparant différents scénarios en fonction de l'évolution de la situation épidémiologique. Détails.

Covid, présentiel, grippes : faut-il s'inquiéter pour nos enfants ? (experts)

Le 3 janvier 2022 à 18h31

Modifié 3 janvier 2022 à 19h14

Le Maroc connaît une hausse des contaminations des enfants au Covid, bien que la majorité ne développe jusqu’à présent qu’une forme mineure de la maladie. Le ministère de l'Éducation nationale a donc opté pour le maintien de l'enseignement présentiel, tout en préparant différents scénarios en fonction de l'évolution de la situation épidémiologique. Détails.

"Au Maroc, les enfants sont de plus en plus touchés par le Covid depuis le début de cette nouvelle vague, mais comme on l’a vu dans plusieurs pays à travers le monde, ces derniers ne font que des formes mineures", nous confie le Dr Said Afif, pédiatre, président de la Société marocaine des sciences médicales (SMSM) et membre du comité de vaccination.

D’ailleurs à ce jour, selon les observations sur le terrain, "Omicron ne fait pas de formes graves chez les personnes n’ayant pas de pathologies chroniques et celles vaccinées. Comme on l’a bien vu en France et en Afrique du Sud, les gens complètement vaccinés (trois doses du vaccin anti-Covid) ne sont isolés que durant 7 jours s’ils sont atteints du variant Omicron, contre 14 jours pour le Delta. Pour les personnes non vaccinées, nous attendons encore un retour d’informations d’Angleterre".

"Nous recevons cependant depuis quelques mois beaucoup d’enfants atteints de bronchiolite, ce qui augure la grippe chez les adultes. Cette année, plus que les précédentes, les adultes et les enfants âgés de plus de 6 mois, atteints de pathologies chroniques, comme l’asthme et le diabète, doivent se faire vacciner contre la grippe saisonnière", afin d’éviter une co-infection (grippe-Covid) qui, elle, peut donner dans certains cas des formes graves.

Hausse des cas de co-infection chez les enfants

Des constats confirmés par le Dr Khalid Bouhmouch, président des Associations de pédiatres de Rabat, joint par nos soins. "Effectivement, depuis une dizaine de jours, nous avons enregistré une flambée des cas Covid chez l’enfant, mais je suis incapable de dire s’il s’agit du variant Omicron ou Delta. Les tests PCR dont on dispose ne distinguent pas entre les deux variants."

"On reçoit beaucoup d’appels de parents qui ont été testés positifs, et qui ont des enfants qui toussent par exemple… Cette année est un peu problématique par rapport à la précédente, puisqu’il y a beaucoup plus d’enfants atteints à la fois de la grippe saisonnière et du Covid. Depuis début octobre jusqu’à la deuxième quinzaine du mois de décembre, nous recevions davantage de cas de VRS, de bronchiolite et de grippe saisonnière. Mais depuis une dizaine de jours, on reçoit de plus en plus d’enfants atteints de ces différentes maladies en plus du Covid, ce qui peut être délicat pour les pédiatres. Les symptômes sont presque similaires et si on ne réalise pas de tests de dépistage, on ne peut faire la distinction entre elles."

"Pour l’instant, je n’ai pas encore vu de cas grave suite à une co-infection. On observe plutôt des signes cliniques de fièvre très élevée, qui dure quelques jours, au lieu de 48h ou 72h, mais aussi de la fatigue, le nez qui coule et des enfants qui ne mangent pas. Un état grave peut se voir surtout sur les enfants vulnérables, qui ont par exemple des pathologies cardiaques. Mais, dans la pratique pédiatrique, nous n’avons pas encore observé de cas graves de co-infection, à part pour les VRS, qui sont des virus de bronchiolite. Nous avons déjà eu des hospitalisations d’enfants qui avaient besoin d’oxygène, surtout ceux âgés entre 1 et 3 mois."

Le Dr Bouhmouch nous apprend toutefois qu’il s’agit "encore du début de cette nouvelle vague. Nous avons eu la même évolution entre le mois de juin et septembre. De nombreux enfants se sont avérés positifs au mois de juillet et août, mais généralement, il n’y a pas eu de cas sévères. Il y avait beaucoup d’enfants avec des formes asymptomatiques, d’autres qui n’ont pas nécessité de traitement particulier, et d’autres encore qui ont été traités selon les signes qu’ils représentaient". Notre source rappelle qu’il existe un protocole pédiatrique de prise en charge des enfants atteints du Covid, qui dépend des signes observés.

Le président des Associations des pédiatres de Rabat souligne enfin "la particularité de l’infection de l’enfant au Covid, avec l’apparition du PIMS (syndrome inflammatoire multisystémique pédiatrique), un syndrome post-covid, au bout de 4 à 6 semaines après la maladie. Les enfants qui en développent le plus sont ceux qui ont des pathologies chroniques (atteinte cardiaque par exemple). Ils nécessitent ainsi une hospitalisation de quelques jours, mais la majorité évolue favorablement. Après une contamination au Covid, un enfant doit donc être surveillé."

Un autre pédiatre joint par nos soins nous confie pour sa part qu’il est encore tôt pour se prononcer sur la hausse des hospitalisations des enfants atteints de Covid. "Nous sommes encore au début de cette nouvelle vague. On devrait attendre une dizaine de jours pour voir si le Maroc enregistrera une hausse des hospitalisations des enfants, à l’instar d’autres pays étrangers, comme la France et les États-Unis."

La majorité des experts en faveur du maintien de l’enseignement présentiel

Après les premières observations sur le terrain, concernant la contagiosité et la dangerosité de ce variant, le gouvernement a décidé de maintenir pour l’instant l’enseignement présentiel dans les écoles, mettant fin aux rumeurs autour du prolongement des vacances scolaires.

L'un des experts joint par nos soins souligne "la grande capacité des enfants à transmettre ce virus", mais il estime que "la décision de maintenir le présentiel dans les écoles ne représente pas un grand risque. Toutefois, dès qu’un enfant est malade, il doit rester à la maison, et ne doit surtout pas être gardé par des personnes âgées, les grands-parents notamment".

Le Dr Khalid Bouhmouch se dit également en faveur de l’enseignement présentiel. Il explique que "l’immunité collective ne peut être atteinte que s’il y a une vaccination globale, et celle-ci ne peut être atteinte vu l’évolution naturelle du virus. L’efficacité de la vaccination peut diminuer face aux nouveaux variants. Les doses booster aident cependant à avoir une protection supérieure. On espère à présent passer du stade de la pandémie à l’épidémie, et que le virus ressemblera dans le futur à celui de la grippe saisonnière".

"Par ailleurs, on sait depuis le début de cette pandémie que le Covid ne représente pas un problème pour l’enfant. Les cas sévères et de réanimation ne sont pas importants, et même lorsque les hospitalisations sont élevées, comme c'est le cas actuellement aux États-Unis, il s’agit de formes modérées", explique le Dr Bouhmouch.

"Le virus circule partout. L’interdiction du présentiel ne réduira pas sa transmission. Si l’on opte pour le distanciel, les enfants n’auront pas une scolarité correcte. On a déjà vu que l’impact psychologique du distanciel peut être très important. Durant la première vague, nous avons observé des cas de suicide chez les jeunes, des problèmes alimentaires, et une addiction aux écrans. À mon avis, il est préférable de maintenir le présentiel. Il faut toutefois responsabiliser les parents pour ne pas envoyer un enfant malade à l’école s’il présente des signes", conclut-il.

Les mesures à mettre en place pour maintenir le présentiel

Ahmed Rhassane El Adib, professeur en anesthésie-réanimation au CHU Mohammed VI de Marrakech, est pour sa part en faveur du présentiel, mais sous différentes conditions.

"Omicron est un variant plus contagieux que les précédents variants. Et le plus grand vecteur dans les pays qui voient augmenter leurs contaminations par ce variant, ce sont les enfants et les adolescents. Le fait de maintenir une rentrée scolaire pourra ainsi faire que le virus tourne davantage", nous explique-t-il.

"Il est indiscutable que l’enseignement en présentiel est une chose extrêmement importante, que ce soit pour la compétence des enfants, leur équilibre psychique et leur environnement social. On comprend donc la position de l’État qui met tout en place pour maintenir le présentiel. Mais la situation actuelle, marquée par une flambée de l’épidémie, et où le nombre de cas double tous les deux ou trois jours, va faire que les enfants vont être extrêmement touchés et contaminateurs ; et un retentissement sur les adultes sera possible, mais aussi par rapport aux enfants eux-mêmes."

"La part des hospitalisations chez les enfants a augmenté dans différents pays étrangers. En Angleterre par exemple, elle est passée de 4% au cours de la vague précédente à 17% durant la vague due à Omicron. Il est vrai que les enfants hospitalisés sont en majorité atteints de comorbidités. Mais on peut craindre qu’il y ait une augmentation des hospitalisations au Maroc chez la population pédiatrique."

"Les pays européens ou l’Angleterre disposent d’un système de santé pédiatrique développé, qui peut absorber un nombre important d’enfants Covid sans problème, contrairement au système pédiatrique marocain qui a des limites. L’augmentation des hospitalisations des enfants va créer une pression qui va porter un coup dur aux enfants souffrant d’autres pathologies, qui nécessitent l’hospitalisation et qui, en temps normal, ont des difficultés d’accès aux soins. Il faut donc tout faire pour réduire le nombre d’hospitalisations et pour que le virus ne tourne pas dans les écoles."

Selon le Pr El Adib, une liste de mesures devront être mises en place pour éviter la contamination des enfants dans les écoles, certaines à court termes et d’autres à long terme.

Les mesures à court termes se présentent comme suit :

  • "La poursuite de la vaccination : La vaccination des moins de 11 ans n'est pas encore autorisée au Maroc, mais à mon avis, il faudra commencer par vacciner ceux qui ont des comorbidités dans cette catégorie."

À ce sujet, Infovac-France a mis en ligne, le 24 décembre dernier, la position des sociétés savantes de pédiatrie au sujet de la vaccination anti-Covid des 5-11 ans. Dans cette note, ces pédiatres "recommandent la vaccination de tous les enfants âgés de 5 à 11 ans, mais en priorité ceux porteurs de maladies chroniques à risque de forme grave de Covid, ou vivant au contact de personnes immunodéprimées (qui ne répondent pas efficacement à la vaccination)". Ils rappellent aussi que "le contrôle de l’épidémie et de la vague actuelle (due au variant Omicron) passe avant tout par la dose de rappel chez tous les adultes, ainsi que le renforcement des gestes barrières".

"Même si la Covid reste une maladie beaucoup moins grave chez l’enfant que chez l’adulte, l’objectif principal de la vaccination dans cette tranche d’âge est de protéger les jeunes enfants contre les rares formes graves de Covid-19. Le risque de décès, de séquelles ou d’hospitalisation en réanimation est bien moindre chez l’enfant que chez l’adulte, c’est pourquoi cette vaccination n’est ni obligatoire ni soumise à restriction chez les enfants. Les principales formes graves de Sars-CoV-2 chez les enfants sont les PIMS qui surviennent le plus souvent 4 à 5 semaines après la contamination", poursuit le document, ajoutant que "la vaccination des enfants nous semble importante pour prévenir les PIMS de la vague Omicron."

  • "La mise en place d’un système de veille régionalisé et local : Il faut détecter les clusters, surveiller les enfants qui ont des symptômes, les isoler, et mettre à la disposition des écoles un nombre important de tests de dépistage et de tests rapides." Sur ce point notre interlocuteur précise que "chez la population pédiatrique, Omicron circule dans les voies aériennes supérieures. Les tests rapides ont montré une sensibilité moindre par rapport à d’autres variants, sauf pour les tests salivaires. Une étude a montré une sensibilité plus importante du prélèvement salivaire. Par ailleurs, il est difficile de réaliser des prélèvements nasopharyngés chez les enfants. Il faudra donc généraliser, dans un cadre de dépistage, les prélèvements salivaires".
  • La distanciation et l’aménagement des horaires : "Dans le système public où l'on a des classes de 40 élèves, il faudra trouver un système comme des demi-journées et travailler à réduire le nombre d’élèves dans les classes."
  • L’aération : "Avec Omicron , il est avéré que la transmission est aérienne. La contamination peut être évitée en utilisant les masques, mais c’est très difficile de contrôler son port chez les enfants. L’élément le plus important reste donc l’aération des salles. Il faut trouver une méthode pour le faire d’autant plus qu’on est dans une période froide."

Pour ce qui est des mesures à long termes, le Pr El Adib cite ce qui suit :

  • Des moniteurs à CO2 qui analysent le niveau de CO2 dans la salle : "L'augmentation du CO2 signifie que l’aérosol est en train de circuler dans la salle et qu’il faut aérer rapidement. Ce sont des choses qui existent au Maroc, qui se vendent et qui peuvent être mises en place par les écoles qui ont des moyens, sinon l’État doit faire un effort sur ce volet."
  • Des unités de filtration de l’air : qui filtrent les aérosols dans l’air, et qui devraient d’ailleurs être utilisées dans tous les endroits fermés.

"Il faudrait aplatir la courbe de contamination et de contagion pour que cela ne retombe pas sur notre système de soin pédiatrique limité, et pour que le virus ne soit pas transmis aux familles, d’autant plus que notre couverture vaccinale est encore faible, notamment pour la 3e dose", conclut notre interlocuteur.

Mesures adoptées par le ministère de l'Éducation pour la reprise des cours

Lors de son passage au Parlement ce lundi 3 janvier 2022, Chakib Benmoussa, ministre de l’Éducation nationale a présenté les mesures mises en place par son département pour assurer une reprise sécurisée de l’enseignement, après une semaine de vacances, dans un contexte marqué par la flambée des cas.

Lors de son passage, Benmoussa a insisté sur la nécessité d’adopter l’enseignement présentiel à chaque fois que la situation sanitaire le permet. Il s’agit selon lui "du mode d’enseignement le plus adéquat pour les élèves, et qui garantit une égalité des chances entre les différentes catégories d'enfants". Il a également souligné que le ministère avait "préparé différents scénarios, en fonction de l’évolution de la situation sanitaire. Le mode d’enseignement (présentiel, distanciel ou hybride) peut, par ailleurs, être le même comme il peut différer dans une même région. Il sera décidé selon la situation épidémiologique au niveau local".

Pour assurer un retour en classe dans les meilleures conditions, le ministère exhorte les écoles privées et publiques à :

  • respecter le protocole sanitaire en vigueur dans les écoles ;
  • réaliser de manière régulière des tests de diagnostic sur un échantillon d’élèves ;
  • aérer les salles de classe ;
  • poursuivre la vaccination chez les 12-17 ans. "Le ministère a pris les mesures nécessaires, en coordination avec le ministère de la Santé et les autorités compétentes pour faciliter cette opération." ;
  • respecter la distanciation dans les classes.

Le ministère s’engage toutefois à suivre les indicateurs quotidiens de contamination dans les écoles. Voici le protocole à suivre :

  • En cas de détection de trois cas dans la même classe durant la même semaine : fermeture de la classe concernée et passage au distanciel durant sept jours ;
  • En cas de détection de 10 cas ou plus dans l’ensemble de l’école : fermeture de l’école en coordination avec les autorités compétentes, et passage au distanciel durant 7 jours ;
  • En cas de contamination d’un enseignant ou d’un cadre administratif : confinement de la personne concernée durant 7 jours et surveillance de l’état de santé des cas contacts.

Cliquez ICI pour consulter en détail les mesures mises en place par le ministère de l'Éducation nationale. 

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