Course aux maroquins à l’Istiqlal : le casse-tête de Nizar Baraka...

En plus des approches informelles de grandes familles istiqlaliennes ou de soutiens politiques de Nizar Baraka qui veulent placer les leurs, le SG du parti a reçu plus d’une centaine de CV de candidats postulant pour des maroquins au prochain gouvernement.

Course aux maroquins à l’Istiqlal : le casse-tête de Nizar Baraka...

Le 15 septembre 2021 à 19h49

Modifié 16 septembre 2021 à 9h18

En plus des approches informelles de grandes familles istiqlaliennes ou de soutiens politiques de Nizar Baraka qui veulent placer les leurs, le SG du parti a reçu plus d’une centaine de CV de candidats postulant pour des maroquins au prochain gouvernement.

Ça bouillonne, dans le bon sens du terme, au sein de l’Istiqlal.

Avec la certitude de sa participation au gouvernement Akhannouch, décision qui doit être entérinée officiellement ce dimanche 19 septembre par le Conseil national du parti (une simple formalité politique), la course a démarré pour les portefeuilles ministériels.

Une course beaucoup plus intense que chez le RNI par exemple, géré sous un régime présidentiel, avec un Aziz Akhannouch qui tient ses troupes et dont les décisions sont rarement contestées. Encore plus aujourd’hui, avec sa nouvelle stature d’homme qui a changé le parti en profondeur et qui l’a porté pour la première fois de son histoire à la première place de l’échiquier politique, avec un score record.

A l’Istiqlal, les choses sont très différentes. Nizar Baraka a été élu à la tête du parti en 2017 à l’issue d’une bataille rude et serrée avec Hamid Chabat. Sa victoire, il la doit à des soutiens politiques, des clans comme celui de Hamdi Ould Rachid, seigneur du Sahara, qui a fait pencher la balance vers Baraka, devenant depuis le faiseur de roi du parti. Ces clans, ces soutiens qui ont fait porter Baraka à la tête du parti attendent un retour, des dividendes, notamment en termes de postes ministériels pour eux ou des membres de leur familles.

Autre particularité de l’Istiqlal : la prééminence toujours présente de vieilles familles istiqlaliennes, les Fassi Fihri, les Douiri, les Ghellab, les Hejira et d’autres… qui essaieront également de placer les leurs dans le prochain gouvernement.

Autres contraintes que le SG du parti doit gérer, c’est de présenter de nouveaux visages, des compétences à la hauteur des enjeux du moment, tout en composant avec la vieille garde du parti, les anciens (jeunes) ministres des gouvernements Jettou et El Fassi qui nourrissent toujours l’espoir de revenir sur la scène, après la longue traversée de désert qui dure depuis 2013.

Selon nos informations, cet élan vers les maroquins qui existe également dans d'autres partis, a généré l'envoi spontané d'au moins une centaine de cv à Nizar Baraka. Des candidatures auxquelles il faut ajouter les approches informelles, les pressions familiales, les considérations politiques qui se jouent souvent dans les coulisses.

« Ça bouillonne au sein du parti », nous confirme une source au sein de l’Istiqlal. « Beaucoup de gens convoitent des postes. Et c’est un casse-tête pour le secrétaire général. Car il doit placer une équipe performante au sein du gouvernement. Aussi performante que celle du RNI. Nizar Baraka ne peut donc pas entrer au gouvernement avec des ministres choisis pour des considérations politiques. Il n’a d’autres choix que de placer de bons profils. Tout l’enjeu, c’est de faire le bon dosage entre la convenance politique et le souci de l’efficacité opérationnelle », ajoute notre source.

« Il peut faire 10% ou 20% de convenance avec la vieille garde, les familles istiqlaliennes, les gens qui l’ont soutenu au dernier congrès… Mais ça ne se traduira pas forcément en postes ministériels. Il va jouer sur d’autres tableaux : ambassades, directions centrales de ministères, cabinets ministériels, Offices, entreprises publiques, mairies, régions, provinces…. Mais au gouvernement, il n’a pas vraiment le choix. Il doit placer des compétences, des profils nouveaux, capables de faire le job, de délivrer, et de se montrer au niveau des profils que présentera le RNI. C’est une question d’image et de survie politique pour lui et pour le parti », explique notre source, qui tient à préciser qu’il s’agit de sa propre opinion personnelle, car le sujet n’est pas encore discuté au sein des instances du parti et qu’il n’y a rien d’officiel à ce stade sur la répartition des portefeuilles.

La vieille garde et la tentation du come-back

Plusieurs autres sources du parti confirment à peu près la même chose. Certains nous disant que la vieille garde par exemple n’a aucune chance d’être au gouvernement, à part peut-être Karim Ghellab et Adil Douiri.

« Karim Ghellab est un profil technocratique qui a l’expérience de la gestion des affaires. Il est certes un peu grillé politiquement, mais au sein du parti, il a joué un grand rôle ces derniers temps. C’est lui l’artisan de la proposition de l’Istiqlal sur le nouveau modèle de développement. Et il a fait un excellent travail », nous confie une de nos sources. D’autres sources pensent au contraire que Karim Ghellab n’a aucune chance d’être au gouvernement, car « grillé politiquement et ne dispose pas d'une bonne presse aux yeux de l’opinion publique ».

Quant à Adil Douiri, qui fut ministre du Tourisme sous Jettou et artisan de la Vision 2010, les sources istiqlaliennes contactées par Médias24 sont divisées sur son cas. Pour certains, il fera un très bon ministre dans l’équipe Akhannouch et sera un excellent représentant de l’Istiqlal, du fait de sa carrière, son brillant parcours dans la finance, son profil d’homme d’affaires, et sa proximité et ses liens d’amitié avec certains dirigeants du RNI.

D’autres pensent le contraire et l’excluent de l’équation actuelle. Pas sur la base de son profil ou de ses compétences, mais du fait des erreurs politiques commises par le passé.

« Adil Douiri garde certes de bonnes relations avec Nizar Baraka, mais il a été un des soutiens de Hamid Chabat après son élection en 2012. Il ne l’a pas juste soutenu politiquement, mais a participé à la gestion du parti en tant que membre du comité exécutif, trésorier du parti et patron de la société éditrice des journaux de l’Istiqlal. Ceci laisse des traces. Et je ne pense pas que Nizar Baraka va le proposer », explique une source du parti, qui se dit toutefois « pas sûre que Adil Douiri accepte d’être ministre même si ceci lui est proposé, du fait de ses multiples occupations professionnelles ».

Dans la vieille garde du parti, des noms comme ceux de Yasmina Baddou, Taoufiq Hejira, Abdellatif Maazouz sont aussi exclus, selon les pronostics de nos sources.

Yasmina Baddou pour des raisons politiques, nous dit-on. Héjira, du fait de son image qui ne reflète pas le renouveau. Et Maazouz pour la simple raison qu’il se place déjà comme candidat à la présidence de la Région Casablanca-Settat.

Idem pour Mohamed El Ansari, un profil idéal pour le poste de ministre de la justice, du fait de sa fine connaissance du droit : il est avocat et membre de la cour constitutionnelle. Mais ne sera pas au gouvernement car il mise sur la présidence de la Région Fès-Meknès.

Seul profil qui a des chances dans cette vieille garde et dont il n’en fait pas partie en réalité, selon nos sources : Fouad Douiri. Diplômé des Ponts et Chaussées et docteur de l’Ecole des mines de Paris, il a été président de RMA Watanya et ministre des mines de l'eau et de l'environnement pour un temps court, entre janvier 2012 et juillet 2013.

« Fouad Douiri n’a pas d’ardoise politique. Et on ne peut le considérer comme faisant partie de la vieille garde. Il reste un nouveau visage, jeune et compétent. Il a fait un super travail au ministère des mines qu’il n’a pas pu achever après la décision du parti de quitter le gouvernement en 2013. Il a pris ensuite ses distances avec le parti, comme Nizar Baraka, et ne s’est pas mouillé avec Hamid Chabat. Il peut parfaitement être un bon représentant du parti au sein du gouvernement », souligne une de nos sources.

Mais une surprise, nous dit-on, peut jaillir de la proposition que fera Baraka : la carte Driss Benhima. Technocrate de la première heure, connu pour ses compétences managériales, sa connaissance de l’Administration (il a été ministre, Wali et a dirigé de grandes entreprises publiques comme l’ONE et la RAM), il a une connaissance fine de l’économie, des enjeux du moment, mais aussi des réalités sociales du pays, notamment dans l’éducation et la santé, des domaines sur lesquelles il a développé toute une réflexion ces dernières années. Après son départ de la RAM en 2016, dernière haute fonction occupée, Driss Benhima s’est rapproché, sans le cacher, de l’Istiqlal après le sacre de Nizar Baraka, dont il est devenu une sorte de Sherpa.

« Il est très respecté au sein du parti. Avoir un profil comme Ssi Driss au sein de l’Istiqlal est une fierté pour nous tous. Et il a bien sûr sa place au gouvernement. C’est un homme compétent, expérimenté, sage, cultivé, dont le seul moteur dans la vie est le travail pour l’intérêt général. Il allie la capacité de produire des idées, de la réflexion, avec la force de délivrer, de faire le job. Et il est une mémoire vivante de toutes les étapes de développement du pays. Un profil comme celui-là peut apporter beaucoup, surtout si le gouvernement est composé de profils jeunes. Je pense que Nizar Baraka le met dans ses plaquettes… », estime une de nos sources.

Le cas Moulay Hamdi Ould Rachid

Quant aux convenances politiques, nos sources pensent que Nizar Baraka peut les gérer, en proposant à ses soutiens qui doivent être récompensés des postes ici ou là. Reste le cas de Moulay Hamdi Ould Rachid, qui exerce une grande influence sur le parti, et qui s'attend à obtenir une part du gâteau. Comment le rétribuer ?

Pour les Istiqlaliens contactés par Médias24, "le cas de Moulay Hamdi Ould Rachid pouvait peut-être poser problème si le parti avait obtenu un petit score aux législatives, aux communales et aux régionales. Mais avec les scores récoltés aujourd’hui sur tous les plans, les rapports de force entre lui et Nizar Baraka ont complètement changé".

Dans les élections communales et régionales de 2015, l’Istiqlal est arrivé deuxième en nombre d’élus avec 5.106 conseillers, mais les provinces du Sahara étaient restées son dernier bastion. Le parti avait alors perdu le contrôle de toutes les villes, y compris son fief historique Fès, sauf dans les trois régions du sud. Sur les 12 régions du royaume, les deux seules présidences de région que l’Istiqlal est arrivé à décrocher sont celles de Laâyoune-Sakia Al Hamra et Dakhla-Oued Eddahab.

Idem dans les élections de la Chambre des conseillers, où le fief de Moulay Hamdi Ould Rachid a apporté au parti 10 élus sur 24, lui permettant de devenir la première force politique de la chambre des Conseillers.

Schéma un peu différent dans la première chambre où les trois régions du sud ont fourni à l’Istiqlal 6 députés sur 47, soit un poids de près de 13%. Le même poids ou presque 10 sièges sur 81, une part de 12%.

Résultat des courses : Arithmétiquement, le poids du clan des Ould Rachid a diminué. La famille reste importante pour le parti, elle tient le sud et y assure une forte présence pour l’Istiqlal, mais les rapports de force d’avant ne sont plus ceux d’aujourd’hui.

« Avec les résultats qu’il a obtenus en 2015 et en 2016, Moulay Hamdi a pris conscience de son poids au sein du parti et est devenu de ce fait le faiseur de roi à l’Istiqlal. Sans lui, Baraka n'aurait pu déloger Hamid Chabat. Mais aujourd’hui, il ne pèse plus comme avant. Dans le prochain congrès, avec le travail et les résultats obtenus au niveau national, communal et régional, Nizar Baraka ira en conquérant. Et ne sera plus dépendant du soutien de Ould Rachid », commente notre source.

Cela étant dit, l’Istiqlal ne pourra se passer d’une figure sahraouie au sein du gouvernement. Et le choix portera comme nous le confirment plusieurs sources sur une des stars montantes du parti, Enâam Myara, actuel patron du bras syndical du parti, l’UGTM.

« C’est un ingénieur d’Etat, un militant, il est jeune et représente une nouvelle génération de Sahraouis. Il a une place au gouvernement, au département de l’emploi notamment. S’il n’est pas ministre, il sera au moins secrétaire d’Etat », confie avec certitude notre source de l’Istiqlal.

Une façon pour Baraka de faire d’une seule pierre deux coups : placer un Sahraoui au gouvernement, et rendre la politesse à Moulay Hamdi Ould Rachid, beau-père de Enâam Myara…

Cherche une nouvelle génération de ministrables…

Si l’ancienne garde est exclue, que le cas Ould Rachid qui pouvait imposer ses choix à Nizar Baraka est résolu, qui seront alors ces candidats, jeunes et compétents, que présentera Nizar Baraka ?

A cette question, aucune de nos sources de l’Istiqlal n’a pu nous donner une réponse claire. En cause, explique avec franchise une de nos sources : « Il n’y a pas vraiment de nouvelle génération de compétences ministrables. En tout cas, ils ne sont pas identifiables, visibles, et ne sont surtout pas représentés dans l’appareil exécutif du parti. Le comité exécutif actuel est constitué de la vieille garde et a été monté sur la base de considérations purement politiques. Ce n’est pas le comité exécutif dont Baraka rêvait, mais il n’avait pas le choix au moment où les choses se sont faites ».

Certains font toutefois des pronostics, sans être sûrs de quoi que ce soit.

On parle notamment de Abdelmajid Fassi Fihri, député et ancien chargé de mission auprès de la direction générale de la SNRT. Mais avec des précautions, car personne ne sait si Nizar Baraka voudra le porter au gouvernement, au risque d’être accusé de népotisme, Abdelmajid Fassi Fihri étant un de ses proches.

Autre nom qui circule : celui de Allal Amraoui que l’on dit être un bon profil. Député, élu de Fès, ce professeur de médecine, « il allie aussi la légitimité politique à la compétence technocratique. Il sera parfait en tant que ministre », commente une de nos sources.

Si les profils, les noms, paraissent rares, Nizar Baraka a toutefois, comme nous le signale un Istiqlalien, plusieurs viviers où puiser. A leur tête : l’Alliance des économistes Istiqlaliens. « C’est un important vivier de compétences. Ils sont presque tous des technocrates, pas des militants. Nizar Baraka peut en puiser quelques profils », nous disent nos sources.

« C’est dans ces organisations parallèles, comme celle des économistes, des professeurs universitaires, des avocats, des médecins, des ingénieurs où Baraka peut faire monter une nouvelle garde, pas visible ni sur la scène politique, ni au sein du parti, et qui peut émerger au sein du prochain gouvernement. Comme ce que Abbas El Fassi a fait avec sous Jettou, en plaçant à l’époque Ghallab, Baddou, Douiri, Hejira, des profils qui n’étaient pas connus sur la scène politique et qui ont fait du très bon travail ».

Nizar Baraka parmi les ministres ?

« Maintenant, on connaît la réalité de notre pays. Il faut compter avec ça aussi et ne pas penser que le SG du parti a toute la liberté pour composer son équipe de ministres », nuance une de nos sources.

Reste la question de savoir si Nizar Baraka sera ministre ou pas. C’est la grande question du moment à laquelle personne n’a de réponse.

Si le SG du PAM, Abdellatif Ouahbi, qui participera fort probablement selon nos sources au gouvernement, a déjà déclaré qu’il ne sera pas ministre au cas où il n'arriverait pas premier aux élections, Nizar Baraka n’a jamais abordé le sujet.

Le gouvernement Akhannouch sera organisé, selon nos informations, en pôles, avec une vingtaine de départements et quelques secrétariats d’Etat.

Si Baraka décide d’entrer au gouvernement, Akhannouch devra lui réserver une place de choix. Sinon, il n’ira pas, prédisent ses proches. Il se peut donc qu’il soit à la tête d’un pôle, le social ou l’économique, comme il se peut qu’il se contente du portefeuille de l’Economie et des Finances, si le RNI accepte de le lâcher. Ce qui n’est pas joué d’avance.

« Il y a aussi l’option de la présidence de la première chambre qui peut être proposée à Nizar Baraka. C’est le troisième poste dans la hiérarchie du pays. L’Istiqlal le mérite étant la troisième force politique du pays et un facteur d’équilibre dans le prochain gouvernement », prédit une de nos sources. d'autres sources nous assurent que la présidence de la chambre a été promise au PAM qui fera également partie du gouvernement.

Une option qui paraît peu plausible quand on connaît Nizar Baraka, qui ne voudra peut-être pas d’un poste certes prestigieux, mais protocolaire. Lui, c’est plutôt un homme d’action. Et voudra certainement être dans le feu de l'action, faire partie de ce « gouvernement de combat » qu’on nous promet, en y jouant un rôle majeur.

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