Le Maroc face au Covid : le passionnant récit de « guerre » de Abdelmalek Alaoui
Dans son livre « Le Temps du Maroc », paru le 19 juillet, le président de l’Institut marocain d'intelligence stratégique livre un récit au jour le jour des 500 jours de lutte contre la pandémie. Un récit fluide, captivant, qui se lit d’une seule traite et qui documente une des périodes les plus sensibles du règne de Mohammed VI.
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Mehdi Michbal
Le 26 juillet 2021 à 11h31
Modifié 26 juillet 2021 à 13h05Dans son livre « Le Temps du Maroc », paru le 19 juillet, le président de l’Institut marocain d'intelligence stratégique livre un récit au jour le jour des 500 jours de lutte contre la pandémie. Un récit fluide, captivant, qui se lit d’une seule traite et qui documente une des périodes les plus sensibles du règne de Mohammed VI.
La gestion de la crise du Covid-19 par le Maroc a été saluée par le monde entier. Chancelleries, médias internationaux, intellectuels, scientifiques, économistes… Tout le monde s’accorde à dire que le Royaume a montré un visage que l’on ne connaissait pas dans sa gestion de cette pandémie qui a secoué et qui continue de secouer le monde.
Un récit de tout ce qui a été fait depuis l’apparition du premier cas de Covid à aujourd’hui devait être fait. Pour documenter les actions entreprises par le Royaume, les mettre en perspective et leur donner une lecture géopolitique à l’aune de la tectonique des plaques qui fait basculer le monde dans une nouvelle ère. Président de l’Institut marocain d'intelligence stratégique et CEO de Guépard Group (une boite de conseil en com’ d’influence et d’intelligence économique), Abdelmalek Alaoui s’est prêté à l’exercice. Et avec brio.
Ce récit, auquel il a consacré depuis le début de la crise quatre heures par jour, pour le construire, le documenter, est non seulement un livre qui liste les mesures entreprises par le Maroc pour gérer la crise, mais un véritable document d’actualité et d’histoire, qui raconte avec un style fluide, les coulisses de ce qui s’est passé depuis l’éclatement de la pandémie, « l’année zéro », comme l’appelle l’auteur.
Un récit, édité chez La Croisée des Chemins, où l’auteur plonge le lecteur dans les coulisses du pouvoir, de la prise de décision, avec un mélange bien structuré du sanitaire, du politique, de l’économique, du social, du diplomatique… Et où il donne à tous ces éléments et ces angles différents un seul liant : celui d’une doctrine marocaine, unique en son genre, qui s’appuie sur la force et la légitimité historique de sa monarchie, sa manière d’allier à la fois la gestion du temps court et du temps long ainsi que les particularités de son peuple, sa maturité.
La marche verte de Mohammed VI
« L’histoire de ces dix-huit mois de lutte contre la pandémie mondiale démontre à quel point le pouvoir politique et la responsabilité de ceux qui l’incarnent n’ont rien d’anecdotique. Il en va de même du civisme des populations. Au regard de cette responsabilité personnelle face à l’intérêt général, la crise a permis de mesurer la maturité du peuple marocain, dix ans après la réforme constitutionnelle proposée par le Roi, à la suite des «printemps arabes». Les conclusions que l’on peut en tirer sont pour le moins surprenantes. "L’homme bâtit l’Histoire en même temps que l’histoire universelle façonne l’homme", estimait Hegel. Est-ce que cette crise de la Covid-19 en est la preuve ? En creux, elle interroge sur la place du leader face à l’histoire de son pays. Cette période si particulière, je l’ai pressentie comme étant, pour Mohammed VI, ce que fut la Marche verte pour Hassan II : une épreuve du feu », écrit l’auteur dans l’introduction de son livre.
« Qui ne réfléchit pas et méprise l’ennemi sera vaincu », a écrit Sun Tzu, dans son « Art de la guerre », un livre que Abdelmalek Alaoui dit être un des ouvrages de référence du Roi. Et c’est cette célèbre maxime que Mohammed VI a appliquée à merveille dans la gestion de cette crise, évitant au pays la catastrophe, selon le président de l’IMIS. Une catastrophe sanitaire, sociale et économique.
Et ce à travers une batterie de décisions difficiles, prises dès les prémisses de la pandémie, de manière tranchée mais progressive, comme la fermeture des frontières, des mosquées, les restrictions aux déplacements, aux regroupements, le confinement, l’implication des FAR dans la gestion sanitaire, le lancement du Fonds anti-Covid, la distribution de revenus directs aux populations touchées par la crise, l’activation du CVE pour sauver les emplois et les entreprises…
L’auteur raconte, par le menu détail, comment l’État a pu s’adapter en un temps record. Il donne l’exemple de l’Administration marocaine, principale cheville ouvrière dans la lutte contre la pandémie, expliquant que la gestion de la lutte contre la pandémie n’est que la face émergée de l’iceberg. Une architecture globale devait être repensée, selon lui, afin que l’État se déploie efficacement, dans sa gestion au quotidien et pour tous les aspects de la vie du pays affectés par le virus.
« Au cœur de ce défi, une qualité indispensable (qui n’est pas toujours le propre des administrations) doit prévaloir : la flexibilité face aux multiples incertitudes. La fonction publique, moquée pour ses lenteurs et son art de compliquer les prises de décision, a présenté, comme par miracle, une agilité digne d’une start-up, ou presque », écrit-il.
Il raconte également comment s’est fait l’adaptation rapide de l’outil industriel, supervisée par le Roi en personne, pour permettre au pays de produire des masques, des gels hydroalcooliques et tout ce dont le pays avait besoin pour faire face à la pandémie. Une véritable success story, qualifie-t-il, qui a donné des résultats tangibles.
« Le Maroc a évité les drames constatés ailleurs. Reste à savoir quelle conclusion en tirer. Le virus était-il beaucoup moins agressif qu’imaginé ou l’anticipation et les mesures strictes mises rapidement en place l’ont-elles rendu faiblement conquérant ? C’est tout le problème de la prévention : personne ne sait mesurer précisément ce qu’elle permet d’éviter. Toujours est-il qu’avec un taux de mortalité de 25 pour 100.000 habitants, le Royaume chérifien a contenu les premières vagues de la pandémie beaucoup mieux qu’une centaine d’autres pays », note Abdelmalek Alaoui.
L’art de savoir danser sous la pluie
S’il a réussi à limiter les dégâts avec cette doctrine du « principe de précaution », le Roi, contrairement à de nombreux chefs d’Etats, ne s’est pas contenté de gérer la crise au jour le jour. Mais a profité de cette crise pour enclencher un nouveau virage dans le développement du pays et dans son positionnement géostratégique dans un monde en profonde mutation.
« Dès le départ, le Roi du Maroc a pris la menace du virus très au sérieux. En réalité, il aurait pu laisser la gestion de la crise sanitaire à un exécutif qui en avait logiquement la charge. Avec le recul, cela aurait été dramatique. En s’impliquant sans retenue, il a montré une volonté et tenu un cap. Mais il a également su tirer parti de la crise pour continuer à moderniser le Royaume, une tâche qu’il a eu la volonté d’assumer dès son arrivée sur le trône. Parfois à contretemps et même dans des démarches apparemment contre-intuitives, le Roi a joué une partition déroutante. Quand les manuels de stratégie conseillent de se recentrer sur les valeurs fondamentales en période de crise, en gros, de faire le dos rond en attendant que ça passe, Mohammed VI en a profité pour créer des opportunités. Il a avancé quand les forces centrifuges du pays, elles, ne savaient plus comment se manifester sans cristalliser les mécontentements des Marocains », relate Abdelmalek Alaoui.
L’auteur raconte en cela comment des décisions, contre-intuitives en temps de crise, ont été prises, comme la réforme profonde de l’Administration et des Établissements publics, le chantier de la généralisation de la protection sociale, la légalisation du cannabis pour les usages thérapeutiques, la mise en route d’un nouveau modèle de développement…
Selon lui, pour Mohammed VI – qui pensait peut-être à ses professeurs de latin au collège royal qui lui répétaient à l’envi l’antienne de Sénèque : "La vie ce n’est pas d’attendre que les orages passent, c’est d’apprendre comment danser sous la pluie" –, il n’y a pas de «bon » moment pour lancer des réformes fondamentales. Contrairement aux dirigeants et chefs d’État qui inscrivent la séquence de leur action dans un « terme électif » de quelques années – ce qui les oblige à alterner actions stratégiques au début puis offensives tactiques à la fin – le mandat du Roi est biologique. Et cela, écrit l’auteur, ne présente pas que des avantages.
« Parmi les contraintes, il lui faut constamment être vigilant face à l’usure du pouvoir et des hommes, et composer avec les inévitables baisses de cadence ainsi que les pics positifs. Ne pas dramatiser les premières, ne pas triompher lorsque les seconds surviennent. Côté avantages, cette capacité qu’a la Monarchie à inscrire son action dans des temps longs lui donne la possibilité de lancer des initiatives dont les fruits ne seront visibles qu’après de multiples années, voire ne seront cueillis que par le successeur. Qu’importe, puisque le trône, bien plus que son occupant, constitue une grande partie de l’âme du Marocain ».
C’est cette analyse de la crise, sa gestion particulière et singulière, que Abdelmalek Alaoui donne à voir aux lecteurs. Avec du background historique, des anecdotes croustillantes sur les coulisses des décisions prises, la rédaction des discours royaux, ou les nombreuses pépites que l’on peut lire dans le chapitre dédié à la fête du Trône. Le tout avec une analyse politique pointue, qui montre comment le monarque a su monter au créneau au bon moment, alliant à la fois le rôle d’arbitre, mais aussi de capitaine d’équipe, sans enfreindre, à aucun moment, la Constitution, dans son texte comme dans son esprit.
« Ces cinq cents jours sous la tempête ont, quoi qu’il en soit, mis en lumière les particularités de ce Royaume singulier. On disait son Administration inefficace, son économie pas suffisamment dynamique et ses forces politiques empêtrées dans des stratégies politiciennes désuètes. On imaginait le Maroc incapable de se cabrer pour affronter la houle et ne pas se laisser submerger par une lame de fond. En sommes-nous si sûrs aujourd’hui ? Sur le plan international, le Maroc a prouvé qu’il n’était ni une nation de seconde division ni un « émergent africain », juste utile aux grandes puissances pour les approvisionner en biens marchands. Il a été parfois cocasse de voir comment des journalistes européens glissaient des commentaires étonnés, en constatant la fermeté du Maroc sur le contrôle de ses frontières et la limitation de son trafic aérien, l’agilité du pays dans sa course au vaccin, son opportunisme à consolider intelligemment sa situation financière. Ils semblaient découvrir que, à leurs portes, un monde se développait et changeait ».
Et d’ajouter pour préciser l'objectif de sa démarche :
" Ce sont ces jours historiques, avec leurs secrets, leurs moments de dépassement et leurs échecs, que j’ai essayé de raconter. J’ai écrit ce livre au jour le jour pendant que le Royaume chérifien et son Souverain, Mohammed VI, mettaient en œuvre un ensemble de mesures décisives pour le pays. Mais j’ai voulu aussi mener, en parallèle, un récit documenté de la riposte contre le virus, des plongées dans le Maroc politique et économique contemporain. Car c’est une des clés de lecture indispensables de l’évolution de cet État nation millénaire, la plus ancienne monarchie régnante au monde. Cet enracinement et cette volonté de compter dans le concert des nations ne sont pas nouveaux, mais l’un et l’autre ne se sont jamais autant dévoilés dans leurs forces complémentaires, pour éviter le pire et tendre vers le meilleur".
"À l’approche des prochaines élections qui vont ouvrir une nouvelle séquence pour le pays, la crise que le Maroc traverse nous fera appréhender l’avenir d’une autre manière. Face au risque de tempête, être capable d’agir sur le court terme tout en regardant la ligne d’horizon, ramer sans perdre son souffle avec la perspective que le rivage est atteignable, caractérise la capacité d’un leader digne de ce nom. Voilà, peut-être, l’aune à laquelle les Marocains vont dorénavant mesurer la compétence de leurs futurs élus. Non plus dans une approche trop court-termiste avec comme perspective le seul intérêt personnel, mais en se disant que le pire peut arriver et que le sang-froid et la vision des décideurs font la différence dans ces moments tragiques et stratégiques".
"Winston Churchill conseillait de ne jamais laisser une bonne crise se produire pour rien. Dans un sens, celle qui vient de secouer le Maroc peut contribuer à réaliser le rêve de cette nation profondément insulaire : devenir une passerelle économique euro-africaine, un pays «pivot» entre trois continents, tout en restant une digue pour contrer les extrémismes en tout genre, incluant le terrorisme. Encore faut-il que le Royaume se libère de ses vieux démons, des sentiments d’impunité diffus et des rivalités intestines qui alimentent corruptions et incivilités; des intrigues florentines comme des conservatismes désuets qui paralysent parfois l’esprit d’entreprise et d’innovation de ceux qui veulent bâtir le Maroc de demain. Si c’est le cas, la Covid-19 aura été autant un fléau qu’un révélateur des forces sous-estimées du Maroc".
« Le temps du Maroc a sonné »
En cette fin espérée de pandémie, le Maroc a montré, comme le raconte Abdelmalek Alaoui, un visage différent. Et il a réussi à passer le « stress test » de la crise. Il a, mieux encore, pu modeler une nouvelle doctrine, une nouvelle voie.
« Le philosophe Edgar Morin faisait remarquer à la fin de l’année 2020 qu’il "serait terriblement triste s’il ne sort pas de cette méga crise une pensée politique indiquant la nouvelle voie". À son niveau, le Maroc a su imposer cette voie. Elle a été plus humaine que celle de certains BRICS (le Brésil ou l’Inde), dont les gouvernements ont fait peu de cas de la santé de leurs concitoyens, plus judicieuse que celle des États-Unis de Donald Trump, plus efficace que celles de ses voisins européens et exemplaire pour beaucoup de pays africains avec lesquels le Maroc est resté solidaire, à la hauteur de ses moyens. Si l’histoire de ce drame planétaire prend fin, sans nouveau rebondissement, on pourra dire que le Maroc s’en est plutôt bien sorti. Rare nation à avoir su se réformer dans la tourmente, on va le regarder autrement, comme un pays plus solidaire, plus résilient, disposant des fondements d’une prospérité durable alors qu’il est aux portes de l’émergence ».
Ces cinq cents jours racontés par l’auteur sont, selon lui, emblématiques de la capacité du Maroc, « cette nation millénaire composée en majorité de millenials, à se transcender et à dépasser un certain nombre de blocages ».
«D’une certaine manière, le Royaume chérifien a fait écho au romancier Johann Wolfgang Von Goethe, qui affirmait que l’«on peut aussi bâtir quelque chose de beau avec les pierres qui barrent le chemin». Pour affronter un monde plus fragmenté que jamais, où les tensions visibles aujourd’hui seront les conflits de demain, cette expérience de transformation profonde où a cohabité, en permanence, la nécessité d’adresser les urgences du moment et d’anticiper les défis de demain signifie probablement une seule chose : «le temps du Maroc» a sonné » », conclut Abdelmalek Alaoui.
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