Entre sécheresse, surpâturage et aliments chers, les petits éleveurs en souffrance

Sécheresse, baisse des espaces de pâturage, flambée des prix des aliments et effondrement des prix du bétail. C’est l’amère réalité à laquelle font face les agriculteurs actuellement, qui attendent impatiemment les prochaines pluies. 

Entre sécheresse, surpâturage et aliments chers, les petits éleveurs en souffrance

Le 25 novembre 2020 à 15h15

Modifié 11 avril 2021 à 2h49

Sécheresse, baisse des espaces de pâturage, flambée des prix des aliments et effondrement des prix du bétail. C’est l’amère réalité à laquelle font face les agriculteurs actuellement, qui attendent impatiemment les prochaines pluies. 

Le bétail représente la banque des agriculteurs, mais c’est également des bouches à nourrir, ce qui s’avère de plus en plus difficile ces dernières années.

"Aujourd’hui, les agriculteurs font face à des défis conjoncturels, relatifs au climat, et à d’autres, structurels, relatifs à une surpopulation du bétail", nous confie Dr. Yassine Jamali, vétérinaire et agriculteur-éleveur, joint par nos soins, pour résumer la situation actuelle des agriculteurs-éleveurs de bétail.

En effet, les années de sécheresse se succèdent. La campagne agricole en cours connaît également un déficit pluviométrique généralisé sur tout le pays. Quant au bétail, son nombre augmente à travers les années.

Surpopulation, des espaces de pâturage réduits et une facture alimentaire doublée

"Quand le pâturage stagne et l’effectif du bétail augmente, on a évidemment ce qu’on appelle le surpâturage. C’est une version animale de la surpopulation. Il y a moins d’herbes pour nourrir les animaux, et du coup, l’agriculteur doit de plus en plus compenser en achetant les aliments", nous fait savoir notre interlocuteur.

"Dans les années 1930, on devait avoir environ 6 millions de moutons et de chèvres pâturés au Maroc, contre près de 20 millions de moutons et de chèvres aujourd’hui".

"Autrefois, un troupeau se nourrissait à 90% d’un pâturage gratuit. Les agriculteurs faisaient partie de différentes tribus, et ils se déplaçaient sur toute la surface de leur tribu pour nourrir leurs troupeaux. A présent, la surface du pâturage a été réduite parce qu’une partie a été transformée en champs de blé et en fermes. Elle a donc été privatisée et partagée entre les membres du village et des tribus. Lorsqu’il ne trouve plus de quoi nourrir son troupeau, l’agriculteur se voit dans l’obligation d’acheter du foin ou du concentré alimentaire".  

Après deux années de sécheresse, les prix des aliments ont flambé. "La paille, qui est un aliment basique et qui a très peu de valeur nutritionnelle, coûte actuellement, suivant les régions, entre 20 et 35 DH la botte", ce qui est énorme selon notre interlocuteur. Le prix normal d’une botte de paille coûte normalement entre 7 et 12 DH. Une tendance qui se poursuivra, "tant que la pluie ne ramène pas de l’herbe", ajoute notre source.

Désormais, "il ne faut plus réfléchir à cette problématique uniquement en période de sécheresse. Il faut saisir qu’on a trop de bétail par rapport à notre disponibilité alimentaire au Maroc. On a un effectif qui est trop grand. Stratégiquement, on ne peut pas imaginer qu’on va nourrir le cheptel marocain par de la nourriture importée, cela finira par devenir anti-économique".

Baisse des prix du bétail

Tous ces paramètres conduisent à un effondrement des prix du bétail, qui est l’une des principales sources de revenus pour l’agriculteur.

"C’est difficile d’avancer des prix exacts, mais on va de la chèvre ou mouton, bas de gamme, qui coûte entre 250 et 300 DH, jusqu’au mouton ou chèvre, haut de gamme, dont le prix peut varier entre 3.000 à 5.000 DH, suivant la valeur génétique de la bête ainsi que sa valeur symbolique".

"Mais ce qui est sûr, c’est que le prix moyen a beaucoup diminué ces dernières années. Il a pratiquement été divisé par deux. Les agriculteurs se retrouvent donc avec un troupeau qui coûte la moitié de ce qu’il devait rapporter il y a deux ou trois ans, en plus d'une facture alimentaire qui a doublé, ce qui est insupportable".

"Les agriculteurs gardent leurs troupeaux parce que c’est leur métier depuis toujours. Ils continuent à s’accrocher à cette ressource".

"Personne ne voudra acheter une brebis pour l’élevage, en sachant qu’il va dépenser une fortune pour la nourrir. Par contre l’offre est là. Le berger a besoin de vendre des animaux, ne serait-ce que pour acheter de quoi nourrir les autres".

"Il y a donc de plus en plus de personnes qui vendent et de moins en moins d’acheteurs, ce qui crée un déséquilibre entre l’offre et la demande" et donc une baisse des prix.

On peut donc résumer la situation actuelle des agriculteurs par "une réduction des espaces de pâturage, un déficit pluviométrique et un triplement de la population du bétail". Une situation qui nécessite "l’importation d’aliments de l’étranger, en période de sécheresse comme dans les années normales, pour maintenir un certain équilibre".

Les prochaines pluies apportent un brin d’espoir

En effet, des pluies sont prévues pour une semaine à partir de ce mercredi 25 novembre. Seront-elles suffisantes pour la germination du pâturage et donc l’alimentation du bétail ?

"Le cycle de l’herbe se déroule normalement de novembre à avril, ou au minimum de novembre à mars. On a besoin de 200 à 600 mm suivant les régions, et les précipitations doivent être bien réparties au niveau national".

Une seule pluie n’est donc pas suffisante pour alimenter les troupeaux, "mais répartie sur tout le Royaume, elle apportera de l’espoir aux agriculteurs. C’est comme si l’on considère une croissance d’un enfant. Il ne suffit pas de bien le nourrir entre 2 et 5 ans pour qu’il grandisse. Il faut que cette alimentation soit constante, jusqu’à ce qu’il ait atteint sa taille définitive".

Mais ces pluies restent très importantes, aussi bien pour la germination du pâturage que pour la psychologie de l’agriculteur. "Ces pluies, combinées aux températures douces actuelles, favoriseront une pousse rapide de l’herbe".

D’un autre côté, "le marché agricole est fait de psychologie. L’agriculteur va moins se précipiter à vendre ses bêtes, puisqu’il aura de quoi les nourrir d’ici 3 semaines à un mois".

"Cette pluie est une très bonne nouvelle et on est tous en train de l’attendre. Il y a des gens qui n’ont pas encore semé, qui se sont motivés à labourer leurs terres et à semer le blé".

Les difficultés de l’Aid Al Adha se font encore sentir

"L’Aid Al Adha est un événement qui fait souffler l’argent depuis la ville jusqu’à la campagne, que l’éleveur ou l’intermédiaire réinvesti dans d’autres choses".

En effet, cette fête constitue annuellement une opportunité pour améliorer le revenu des agriculteurs pour lesquels l’élevage du petit bétail constitue la source principale de subsistance. Ces ressources financières contribuent à stimuler les activités économiques dans le monde rural.

Le chiffre d’affaires à l'occasion de l'Aid al Adha dépasse, en temps normal, les 12 milliards de DH, et la plupart de ces fonds sont transférés au niveau des zones rurales, permettant ainsi aux agriculteurs de couvrir les dépenses des autres activités agricoles, en particulier celles se rapportant aux préparatifs de la nouvelle campagne agricole.

Cette année, l’Aid s’est déroulé dans des conditions particulières, en raison de la crise du Covid. Les prix sur les marchés étaient très bas par rapport aux années précédentes et la demande n’était pas au rendez-vous. Les bénéfices tirés étaient minimes, comme nous l’ont confirmé différentes sources dans des articles précédents.

Selon Dr. Jamali, "durant les trois derniers jours avant l’Aid les prix ont flambé. Les gens ont attendu la dernière minute pour acheter, et ils se sont précipités en même temps, ce qui a joué sur les prix. Mais globalement, les prix n’étaient pas bons, et le bénéfice dégagé était faible".

Quid du prix actuel de la viande ? "Il a un peu baissé par rapport à la même période de l’année passée". D’après une autre source à la Fédération interprofessionnelle des viandes rouges (Fiviar), cette baisse est estimée à 20%.

"Les bouchers savent que le marché n’est pas à leur faveur. Mais il faut voir le bon côté de la chose. Cette baisse permet au consommateur d’alléger sa facture alimentaire", conclut Dr. Jamali. 

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