Carnets de confinement. Ousmane Ba, le migrant qui aide les migrants

Reda Zaireg vous donnera régulièrement rendez-vous avec ces carnets de confinement. Chaque jour, un anonyme viendra raconter son quotidien sous l'état d'urgence sanitaire.

Carnets de confinement. Ousmane Ba, le migrant qui aide les migrants

Le 25 mars 2020 à 15h22

Modifié 10 avril 2021 à 22h24

Reda Zaireg vous donnera régulièrement rendez-vous avec ces carnets de confinement. Chaque jour, un anonyme viendra raconter son quotidien sous l'état d'urgence sanitaire.

La déclaration de l'état d'urgence sanitaire a produit des effets sur le quotidien d'hommes et de femmes vivant au Maroc, qui se voient contraints de changer leurs habitudes, leurs modes de vie et leurs méthodes de travail. Ousmane Ba, président d'un collectif d'aide aux migrants, essaie tant bien que mal de maintenir un fil d'action durant le confinement.

L'entretien se déroule sur fond sonore de rires d'enfant. "Elle a six ans", s'explique Ousmane Ba. Depuis l'annonce de l'état d'urgence sanitaire et la mise en place du confinement, l'activiste est astreint à jouer au précepteur avec sa fille. "Ça me permet de m'occuper", dit-il, mais reconnaît que "c'est parfois stressant", particulièrement quand il travaille sur des rapports.

Président d'un collectif d'aide aux migrants, Ousmane Ba tente d'ajuster l'action du groupe aux nouvelles réalités de l'état d'urgence sanitaire: restrictions à la mobilité – "on reste toute la journée à la maison", limitation des contacts avec ses collaborateurs, donc "plus de possibilité d'avoir des rencontres physiques", et enfin quasi-arrêt de l'activité dans le monde extérieur.

Faute d'être présent sur le terrain pour prendre part aux actions à destination des migrants, Ousmane Ba mène à la baguette depuis son domicile. Difficile, "quand on est habitué à marcher, à courir, à être en contact avec les gens". Mais c'est le prix à payer pour "nous mettre en sécurité, nous protéger et protéger les autres. Contracter le virus et le rapporter à nos familles, on essaie d'éviter".

Lui et son collectif travaillent à distance, essaient de partager "des flyers de sensibilisation sur le coronavirus avec les migrants, les numéros de téléphone à contacter en cas de suspicion d'atteinte ainsi que des consignes", mais peinent à "mener à bien le travail de terrain, l'apport de matériel sanitaire, l'appui psychosocial individuel et groupal".

La réflexion est donc lancée sur des "stratégies pour le ravitaillement en nourriture, en savon, en désinfectant", d'autant que les migrants massés dans les forêts voisines de Nador "sont touchés par la raréfaction des produits dans les épiceries proches et par la réduction du temps de vente".

Confinement, pluies et raréfaction des vivres

Le collectif étudie les solutions possibles sur Skype.

L'une d'entre elles consiste à "déposer des vivres dans des points de rencontre pour que des individus les récupèrent et les partagent avec les autres migrants". Mais celle-ci ne peut être que temporaire et porteuse de dilemmes, car "demain ou après-demain, la nourriture prendra fin. Il y a une douzaine de campements, ça ne va pas suffire, peut-être pour deux ou trois jours uniquement. Est-ce qu'on peut répéter l'opération toutes les semaines ? Doit-on uniquement cibler les campements les plus vulnérables ? Ou les plus éloignés des épiceries ?"

Les campements de migrants, déjà précaires, vivent des heures difficiles sous l'état d'urgence sanitaire.

L'approvisionnement est aléatoire, les pluies rendent la vie sous les bâches en plastique infernale, et les ressources manquent terriblement.

La situation "risque de devenir encore plus compliquée, car Nador n'est pas une ville où on trouve du travail". Vivant de mendicité, de transferts d'argent et des "miettes qu'ils gagnent, les migrants se retrouveront tôt ou tard condamnés à briser le confinement, soit pour forcer les barrières vers Melilla, soit pour descendre vers les villages avoisinants", s'inquiète Ousmane Ba. "Un groupe de migrants qui frappe aux portes des maisons, cela risque de créer des tensions. Certaines familles accepteront de leur venir en aide, d'autres non".

Pour prévenir une évolution possiblement conflictuelle, son collectif s'active pour assurer une aide alimentaire, sanitaire et hygiénique aux migrants, mais l'aide qu'ils pourraient fournir ne suffira pas aux occupants des campements, surtout qu'il leur faudra tenir pendant toute la durée du confinement. "J'espère que les autorités étudient des solutions humanistes et humanitaires" pour répondre aux besoins des migrants cantonnés près de Nador, aspire-t-il.

"J'ai vécu dans les forêts, je sais comment ça se passe"

Difficile d'entreprendre des actions dans un pays en cessation d'activité.

Au sein même de son collectif, le confinement sanitaire "a réduit le mouvement, et certaines personnes sont en arrêt". Dans son immeuble, où vivent des Marocains et des migrants, "nous sommes tous confinés. Chaque famille ou chaque groupe est dans son appartement. Je ne peux plus sortir pour aider les autres. Je les encourage à être plus solidaires, à avoir le sens du partage, à diminuer le regroupement, à respecter les mesures d'hygiène, etc.".

L'arrêt du culte communautaire a affecté "musulmans comme chrétiens de la même façon". Musulman, il prie à la maison, de même que les migrants chrétiens depuis l'interdiction des regroupements. "Il faut être unis et sereins. Il faut avoir du courage et se dire que ça va finir un jour", plaide-t-il. Ousmane Ba respecte aussi strictement que possible les mesures du confinement sanitaire. Asthmatique, donc "exposé et à risque", il ne sort "plus depuis une semaine".

Sa situation l'inquiète cependant moins que celles des migrants vivant dans des campements de fortune. "Nous avons le même ennemi aujourd'hui. Pour le combattre, il faut accompagner les mesures annoncées", milite-t-il.

"Il y a des risques qu'il s'agit de prévenir en trouvant des réponses dès maintenant. Si on ne parvient pas à soutenir les migrants là où ils sont, ils ne pourront plus se confiner dans les campements. Ils se retrouveront obligés de sortir car il leur faudra trouver à manger, à boire, de l'eau pour se laver, de l'argent, et ce sera comme si nous n'avions rien fait. J'ai vécu dans les forêts, je sais comment ça se passe".

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