Histoire. Quand la police marocaine a arrêté le “roi de l’évasion”

Connu pour être le "lieutenant" de Jacques Mesrine, le truand français François Besse avait réussi à s’évader six fois de prison en France, en Belgique et en Espagne dans les années 70 et 80. En 1994, c’est la police marocaine qui a scellé la fin du parcours du roi de l’évasion. Récit.

Histoire. Quand la police marocaine a arrêté le “roi de l’évasion”

Le 19 novembre 2019 à 13h40

Modifié 10 avril 2021 à 22h03

Connu pour être le "lieutenant" de Jacques Mesrine, le truand français François Besse avait réussi à s’évader six fois de prison en France, en Belgique et en Espagne dans les années 70 et 80. En 1994, c’est la police marocaine qui a scellé la fin du parcours du roi de l’évasion. Récit.

Surnommé le roi de l’évasion, François Besse a longtemps hanté la police française. En 1971, alors âgé de 26 ans, le jeune bandit est embastillé pour la première fois. Il lui est reproché une série de cambriolages. Verdict : sept ans de réclusion criminelle. C’est le prélude à une vie faite d’évasions, de braquages et de cavales. Qu’il soit emprisonné en France, en Belgique ou en Espagne, qu’il soit placé en haute surveillance ou dans les Quartiers de haute sécurité (QHS), François Besse a toujours trouvé le moyen de s’évader, au grand dam des surveillants et de la police.

En tout, six évasions spectaculaires, dont une avec le célèbre truand Jacques Mesrine, alors ennemi public numéro 1 en France. En 1994, sa cavale prend fin… à Tanger où il a été cueilli par la police marocaine. Placé à l’isolement, l’homme s’est même ingénié à se convertir à l’Islam pour amadouer les magistrats, sans succès. 25 ans après cette arrestation, François Besse revient dans ses mémoires, Cavales (éd. Plon), sur ses cavales et son extradition en France.

Les portes du pénitencier

Mars 1971. Reconnu coupable de vols et de cambriolages, François Besse doit purger sept ans prison. "À l’époque, il était impossible de faire appel. Seul un pourvoi en cassation pouvait remettre en cause un jugement, ce qui arrivait très rarement", écrit celui qui clamait son innocence. Et à peine a-t-il été condamné qu’il songe déjà à s’évader de la prison de Draguignan. Quelques mois plus tard, le voilà libre.

Direction l’Espagne où il se présente comme André Leclerc. Mais la cavale ne durera pas longtemps car Besse renoue bientôt avec son passé de bandit. Après avoir volé une voiture, il est arrêté par la guardia civil. Sa véritable identité n’étant pas connue de la police espagnole, il se tire d’affaire en s’acquittant d’une caution.

Février 1973, le voilà à nouveau à Bordeaux où il est interpellé par la police. "Les policiers ne sont pas là par hasard. Un voisin a été chargé d’alerter la brigade criminelle à l’instant où il verrait des individus entrer dans l’immeuble. Et je ne peux pas me laisser embarquer ainsi", raconte-t-il. S’ensuit un échange de coups de feu et une course-poursuite. Acculé au milieu d’arbrisseaux, le fuyard préfère se tirer une balle dans le ventre au lieu de se rendre. De quoi se forger dans la presse une réputation de ‘‘bandit d’honneur’’, comme il se plait à qualifier lui-même dans son premier livre intitulé "Je suis un bandit d’honneur".

Mais, aux yeux de la police, il n’existe pas de bandit d’honneur. Alors, sitôt rétabli, il est transféré à la maison d’arrêt de Gradignan. "Je découvris la littérature russe, Guerre et Paix de Léon Tolstoï, Crime et Châtiment de Fiodor Dostoïevski et La Mouette d’Anton Tchekhov", se souvient François Besse. Non sans nourrir le projet d’une nouvelle évasion. En 1974, il triomphera encore de ses barreaux à l’aide d’un fil d’ange. "Deux heures ont suffi pour que nos barreaux, coupés par un fil d’ange, ne soient plus l’entrave qui nous empêchait de sortir de la cellule."

Mais la joie ne sera encore que de courte durée, le truand ayant été appréhendé moins de 24 heures plus tard. Comparution devant la Cour d’assises, 15 ans de réclusion criminelle, transfèrement à la prison de Fresnes dans la banlieue de Paris. Quatre mois plus tard, à la stupéfaction générale, il récidive accompagné d’un autre détenu. Un affront qui écorche la réputation de l’administration pénitentiaire.

Désargenté et en cavale, François Besse attaque un bureau de change à Paris, sans la moindre goutte de sang, retrace l’émission Faites entrer l’accusé dans un épisode diffusé en 2003. Le butin : 800.000 francs (plus de 120.000 euros). "Je fus rattrapé. Garde à vue sans violence policière, présentation devant un juge d’instruction, incarcération au centre pénitentiaire de Fresnes", relate François Besse, qui se garde d’évoquer le hold-up dans son livre.

Son pedigree lui vaut désormais d’être placé, en 1977, dans le quartier de haute sécurité (QHS), une prison dans la prison. Particulièrement surveillé, le QHS compte un autre truand célèbre : Jacques Mesrine. A son actif : une dizaine de braquages, deux meurtres au Canada et trois évasions. Le hasard a voulu que la rencontre coïncide avec un mouvement de protestation contre les QHS soutenu par de grands intellectuels comme Michel Foucault et Jean-Paul Sartre.

1978. Transfèrement de Besse et Mesrine au QHS de la prison de la Santé à Paris. "Les gardiens qui avaient été chargés de le surveiller ne sont pas enthousiasmés par son retour. En plus, il y a avec lui un nommé Besse qui sait lui aussi s’évader", se souvient le lieutenant de Mesrine. Les craintes des gardiens sont bien fondées : des complices fournissent à l’ennemi public numéro 1 des armes et une bombe lacrymogène pour neutraliser les surveillants et les gardiens. Le duo signe une évasion spectaculaire qui indigne Alain Peyrefitte, alors garde des Sceaux, qui limoge le directeur de l’administration pénitentiaire.

S’ensuit le braquage d’un casino à Deauville et celui d’une banque à Seine-Saint-Denis. Les deux truands s’évaporent. Mais la justice tient à se venger : François Besse est condamné à la peine capitale pour le braquage du bureau de change à Paris. L’« anguille », comme le surnommait la presse, poursuit sa cavale en Algérie et en Belgique, où il est arrêté en 1979. Pour tenter d’échapper à la guillotine, il s’accuse de crimes qu’il n’a pas commis dans le plat pays, le temps d’échafauder un plan d’évasion. C’est chose faite au mois de juillet de la même année après avoir pris en otage le président du tribunal et emprunté la porte réservée aux magistrats.

Après cette cinquième évasion, François Besse doit désormais faire cavalier seul car son complice Jacques Mesrine est tué, en novembre 1979, par la Brigade de recherche et d’intervention à Paris. De retour en Espagne, l’homme se déguise en prince arabe et braque une banque, révèle l’émission Faites entrer l’accusé. "Le 21 janvier 1982, je fus arrêté à Valence, en Espagne. Et placé en détention à la maison d’arrêt, où le quartier d’isolement avait été évacué afin que je ne puisse pas communiquer avec les autres détenus", explique le "roi de l’évasion" dans ses mémoires.

Et de six : "Lors d’un déplacement dans un fourgon cellulaire conduit par la Guardia Civil, j’organisai avec un Colombien une évasion qui consistait à désarmer nos gardiens au cours d’une fausse bagarre. Nous devions nous libérer de nos menottes grâce à nos propres clefs". Le 16 février 1983, François Besse est à nouveau libre.

Fin de la cavale

Donné pour mort, le fuyard ne fait plus parler de lui. Jusqu’en 1994 lorsqu’un renseignement parvient à la police marocaine. "3  novembre 1994, arrestation de ma compagne, de ma fille, Sharleyne, et de moi-même, à Tanger’’, écrit François Besse sans davantage de détails. Alors qu’il déjeunait au défunt bistrot tangérois le Gagarine, "des policiers sont entrés en tant que clients et se sont jetés sur lui comme des fauves", témoigne, dans Faites entrer l’accusé, Abdellah Benmansour, alors chef des Renseignements généraux à Tanger (police judiciaire).

La perquisition réalisée chez Besse – qui s’est intenté le nom Jamel Noureddine – a permis à la police de mettre la main sur une "importante" somme d’argent en devises et en dirhams, un pistolet automatique, un Smith & Wesson calibre 38, des balles et de faux passeports. Mise au courant sur le palmarès du lieutenant de Mesrine, la justice le place à l’isolement.

Qu’à cela ne tienne. Ce que craint le truand, c’est son extradition. "Il m’a dit qu’il ne voulait être extradé car il craignait d’être assassiné comme Jacques Mesrine. Il croyait que la justice voulait sa peau", confie à Médias 24 son avocat marocain Me Mohamed Larbi Ben Rahmoun. Les circonstances de sa rencontre avec lui ? "Je participais, en 1994, à un congrès international des avocats à Marrakech quand un avocat du barreau de Paris m’a dit que Besse serait présenté au juge d’instruction et que je devrais le défendre", se souvient-il.

"Il reconnaissait les faits qui lui sont reprochés au Maroc, à savoir le trafic de drogue et la détention d’armes. Il semblait vouloir tirer un trait sur son passé. Il se cherchait une nouvelle voie avec sa femme et sa fille", estime l’avocat marocain. Si bien qu’il songe même à embrasser l’Islam. "On discutait et je lui ai offert une traduction du Coran de Jacques Berque. Il fallait qu’il passe devant le procureur pour se convertir et Il a bien entamé les démarches", poursuit Larbi Ben Rahmoun.

"En ce qui me concerne, je ne crois pas à cette reconversion à l'Islam. Je crois qu'il l'a fait exprès pour essayer de gagner la confiance des gardiens pour préparer une nouvelle évasion", tempère Abdellah Ben Mansour. François Besse n’évoque pas cet épisode dans ses mémoires.

Quoi qu’il en soit, il est condamné par le tribunal de Tanger à cinq ans de prison ferme pour trafic de drogues. Puis à cinq ans encore à Rabat pour détention d’armes. Devant le juge, il émet le souhait de purger sa peine au Maroc.

L’affaire est réglée par feu Hassan II. "Extradition vers la France le 14  février 1995 –  le roi Hassan  II du Maroc nous ayant tous graciés des condamnations infligées par ses tribunaux", se remémore François Besse. C’est la fin de son parcours de truand. La peine de mort ayant été abolie, il sera condamné à une peine clémente et retrouvera la liberté le 28 février 2006. "Le jour même, à 10  heures, j’ai rejoint une communauté Emmaüs – fondée par l’abbé Pierre, mais laïque –, où j’ai pu, pendant des années, aider avec beaucoup de joie à remplir la mission de cette association’’. La conversion de Jamel Noureddine à l’Islam n’était peut-être pas un vœu pieux.

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