Le gap entre les emplois créés et les nouveaux diplômés devient préoccupant

En 2017, plus de 290.000 lauréats sont venus des universités, écoles publiques et privées, et centres de la formation professionnelle. En face, l’économie marocaine n’a créé que 57.000 emplois rémunérés. Le pays risque de rater sa transition démographique.

Le gap entre les emplois créés et les nouveaux diplômés devient préoccupant

Le 12 juillet 2019 à 12h28

Modifié 11 avril 2021 à 2h42

En 2017, plus de 290.000 lauréats sont venus des universités, écoles publiques et privées, et centres de la formation professionnelle. En face, l’économie marocaine n’a créé que 57.000 emplois rémunérés. Le pays risque de rater sa transition démographique.

Le phénomène n’est pas nouveau. Entre 2011 et 2017, l’économie n’a pas pu créer plus de 83.500 emplois rémunérés par an, selon les chiffres officiels du HCP. On est passés d’une moyenne de 97.000 emplois créés annuellement entre 2011 et 2013 à une moyenne de 73.000 entre 2014 et 2017.

En même temps, le nombre de nouveaux lauréats a explosé. Il est passé de moins de 200.000 par an en 2011 à 292.500 en 2017 (dernière donnée disponible auprès du ministère de l’Education nationale).

Evolution du nombre des diplômés

Année 2017 2011
Universités 103.173 50.116
Ecoles de formation des cadres 8.479 6.747
Ecoles privées 9.814 5.838
Formation professionnelle 168.968 133.576
Total 292.451 198.288

(Source: ministère de l'éducation nationale)

Durant cette période, et dans le meilleur des cas, l’économie a pu créer des emplois rémunérés pour seulement 45% des nouveaux diplômés. En 2017, ce taux était de 20%. Autrement dit, les universités, écoles et centres de la formation professionnelle ont produit 5 fois plus de lauréats que l’économie n’a pu en absorber.

On parle ici uniquement d’emplois rémunérés. Car l’économie peut créer des emplois non rémunérés. Ceux qui les exercent sont majoritairement sans diplôme et sont principalement constitués des « Aides familiales » qui travaillent surtout dans l’agriculture (rural) et dans le commerce et les services (urbain).

Ce sont les emplois rémunérés qui répondent à la demande des diplômés.

Transition démographique et faible productivité de l'économie

Cette situation montre que le Maroc subit de plein fouet le double effet de sa transition démographie accélérée et la faible productivité de ses structures économiques. C’est ce qu’avait noté le HCP dans une note sur le marché du travail publiée en 2014.

Surtout, le Maroc peine à créer des emplois de qualité. Dans l’agriculture et le BTP, les emplois sont surtout précaires. C’est dans les secteurs de l’industrie et des services que se trouvent les emplois qualifiés.

Or, l’économie est passée de plus de 100.000 emplois annuels créés dans les services entre 2011 et 2013 à moins de 35.000 emplois créés annuellement dans ce secteur entre 2014 et 2017.

Dans l’industrie, les créations d’emplois sont très faibles : pas plus de 7.000 en 2017 et 8.000 en 2016. En 2014 et en 2011, ce secteur a carrément perdu plus de 30.000 emplois annuels.

Et encore, dans les services, le gros des emplois créés l’est dans les services personnels et domestiques et dans le commerce de détail hors magasins, donc des emplois faiblement qualifiés.

Et dans l’industrie, on compte également l’artisanat.

Ces chiffres peuvent être contestés. Récemment, le ministère de l’industrie a annoncé des créations d’emplois dans ce secteur beaucoup plus importantes, chiffres de la CNSS à l’appui. Mais ce sont les chiffres du HCP, que cette institution défend également avec ses propres arguments, qui ont un caractère officiel.

L'abandon du marché du travail, un danger

Compte tenu de cette situation, on aurait pu s’attendre à une explosion du taux de chômage des diplômés. Il n’en est rien. Il est certes parmi les plus élevés (17,2% en 2018) mais il n’a augmenté que de 0,5 point depuis 2011.

D’abord, il faut distinguer les diplômés de niveau moyen, les diplômés du supérieur et les lauréats de la formation professionnelle. Pour les premiers, le taux de chômage est d’environ 15% car cette population peut accepter d’occuper des postes peu qualifiés. Pour les deux derniers, le taux de chômage est en fait supérieur à 20%.

Le Conseil supérieur de l’éducation parle d’un taux d’insertion des lauréats de la formation professionnelle de 63% seulement, 9 mois après leur graduation.

Au Maroc, les primo-demandeurs d’emplois constituent près de la moitié des chômeurs et le chômage de longue durée est prédominant.

Ensuite, il faut tenir compte des sorties du marché du travail. Quand on n’a pas de travail et qu’on n’en cherche pas, on n’est pas comptabilisé comme chômeur.

Au Maroc, le taux d’activité (travail ou recherche de travail) de la population en âge de travailler est très bas et se dégrade continuellement. Il est passé de 53,1% en 2000 à 46,2% en 2018. Le taux d’emploi est encore plus bas (41,7%).

Autrement dit, plus de la moitié (53,8%) de la population en âge de travailler au Maroc (15 ans et plus) n’a pas d’emploi et n’en cherche pas.

Il y a certes les femmes au foyer, ceux qui font des études longues, la généralisation de la scolarisation dans le rural, les personnes en situation de handicap… Mais il n’en demeure pas moins que ce taux d’inactivité devient inquiétant sachant que dans les pays nordiques, le taux de participation à la population active dépasse 60% et que dans plusieurs pays d’Afrique, il s’approche ou dépasse des 80%.

Les taux de chômage et d’inactivité, surtout ceux des diplômés dont le nombre va exploser au cours des prochaines années, posent de gros défis aux décideurs politiques, dont certains semblent inconscients ou peu soucieux de cette problématique.

Un jeune qui ne trouve pas un travail décent et qualifié peut tomber dans la précarité (vendeur ambulant…). S’il abandonne carrément la recherche de travail, il devient un candidat potentiel à l’immigration régulière ou clandestine ; un consommateur potentiel de drogue ou un criminel en herbe. Sans parler de la grogne sociale que cela peut provoquer.

La relance de l’économie, la réforme de l’enseignement, la requalification des compétences déjà sur le marché, l’appui aux initiatives d’entrepreneuriat et la réforme de l’administration sont des chantiers lourds et complexes mais qui représentent les seules solutions à cette problématique. Leur accélération est urgente.

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