Accès au financement: comment l’Etat évince les entreprises (HCP)

Selon le HCP, l’endettement du Trésor sur le marché domestique crée un effet d’éviction et empêche les entreprises privées d’accéder facilement au crédit. Les chiffres sont édifiants.

Accès au financement: comment l’Etat évince les entreprises (HCP)

Le 11 juillet 2019 à 16h17

Modifié 11 avril 2021 à 2h42

Selon le HCP, l’endettement du Trésor sur le marché domestique crée un effet d’éviction et empêche les entreprises privées d’accéder facilement au crédit. Les chiffres sont édifiants.

La croissance économique au Maroc est très faible : pas plus de 3% en 2018, un peu moins (2,7%) en 2019, selon les prévisions du Haut-Commissariat au plan qui vient de présenter son budget économique exploratoire de 2020.

Hormis la dépendance de l’agriculture des aléas climatiques, cette faible croissance s’explique surtout par la lente reprise des activités non agricoles depuis la crise de 2008.

D’ailleurs, la demande intérieure, moteur de la croissance, est toujours satisfaite en grande partie par les importations à cause de l’incapacité des opérateurs à produire suffisamment pour la satisfaire et exporter.

L’une des raisons derrière la lente reprise des activités non agricoles est l’accès difficile au financement, notamment bancaire. Cette situation est d’ailleurs fortement décriée par les opérateurs économiques depuis longtemps.

Le HCP dénonce, lui, un effet d’éviction (baisse de l’investissement et de la consommation à cause d’une hausse des dépenses publiques financées sur le marché domestique).

Ayache Khellaf, secrétaire général du HCP, estime que "la masse monétaire s’accroît à un rythme modéré (ndlr, 4,3% en 2018 contre des progressions à deux chiffres avant la crise). Ce qui est problématique pour l’économie nationale.

"Ceci est lié aux réserves internationales (ndlr, qui ont baissé de 7,5% en 2017 et 2018). Nous avons une politique monétaire qui reste drivée par les réserves en devises. Ce qui crée un déficit de liquidité chronique.

"Cela se reflète sur les crédits à l’économie qui connaissent une croissance faible qui tourne autour de 3%. Le financement domestique ne répond pas aux besoins de l’économie.

"En même temps, les créances sur l’administration ne cessent d’augmenter. Quand l’Etat s’endette massivement sur le marché local, cela crée un effet d’éviction sur le secteur privé qui ne vas pas trouver de financements. Le système financier octroie plus de crédits au Trésor qu’au secteur privé.

"Or, la dette extérieure du Trésor n’est pas très élevée".

Le financement bancaire de l'Etat a augmenté de 150% depuis 2010

De 2010 à 2018, la dette intérieure du Trésor a presque doublé, passant de 292,2 milliards de DH à 574,6 milliards de DH. Le taux de croissance annuel moyen de cette dette est de 8,8%. Elle représente 52% du PIB contre 37% en 2010.

Sur la même période, la dette extérieure du Trésor a augmenté plus faiblement : +60%, à 148 milliards de DH. Son taux de croissance annuel moyen s’établit à 6%. Son poids se limite à 13,4% du PIB contre 11,8% en 2010.

La dette intérieure du Trésor est financée par l’épargne publique (OPCVM…), institutionnelle (caisses de retraite, compagnies d’assurance…) et les banques.

Les créances nettes du secteur bancaire sur l’administration centrale ont augmenté de 150% sur la même période. Elles sont passées de 81 milliards de DH à 202 milliards de DH, dont 152 milliards de bons du Trésor (presque 3 fois l’encours de 2010) et 56 milliards de crédits.

Le taux de croissance annuel moyen de ces créances est de 12%.

En même temps, les crédits bancaires au secteur privé (ménages et entreprises) n’ont augmenté que de 32%, passant de 511,5 milliards de DH en 2010 à 673 milliards de DH. Le taux de croissance annuel moyen n’est que de 3%.

Face à une forte demande, il est clair que les banques préfèrent mettre l’accent sur le financement de l’Etat, client sans risque, plutôt que sur le financement des acteurs économiques dont les taux d’impayés sont élevés.

La sortie annoncée du Trésor sur le marché financier international en 2019 et 2020, pour lever au total 2 milliards d’euros (à peu près 22 milliards de DH), pourrait atténuer cette situation.

Pour rappel, le déficit budgétaire devrait s’élever à 3,6% en 2019 après 3,7% en 2018 en raison des recettes de privatisation (Maroc Telecom entre autres), et à 3,5% en 2020, selon les prévisions du HCP.

Lahlimi: "Si j'étais à leur place, je m'endetterais à l'extérieur."

"L'endettement du Trésor représente 65% du PIB, dont 51% de dette intérieure. On a évincé un peu les producteurs qui font la croissance au profit du Trésor", déplore Ahmed Lahlimi, Haut-Commissaire au plan.

"L’endettement extérieur demeure faible. Si j’étais à leur place, je m’endetterais à l’extérieur mais pas pour payer les dépenses de l’Etat. Je créerais un organisme qui dépenserait cet argent dans des projets. Mais d’abord, il faut avoir des projets rentables, avec une vision d’avenir.

"Il faut aussi que l’Etat rembourse ce qu’il doit aux entreprises (ndlr, délais de paiement, crédits de TVA). Pourquoi je ne ferais pas un peu d’inflation pour rembourser mes producteurs et booster l’appareil productif ? Pourquoi ne pas faire tourner l’inflation et le déficit budgétaire ?", martèle-t-il.

Lahlimi estime qu’un taux d’inflation inférieur à 2% au Maroc est un "scandale", car aucun pays comparable n’enregistre ce niveau. Il a d’ailleurs appelé, l’année dernière, à ouvrir le robinet du crédit pour financer les entreprises et les projets d’investissements publics rentables.

Il estime que la politique monétaire adoptée par Bank Al-Maghrib est inappropriée. "Le maintien de la stabilité du taux directeur à 2,25% ne devrait pas profiter à la promotion des crédits bancaires qui resteraient peu dynamiques en 2019, avec un taux de croissance de 3,8% au lieu de 3,4% en 2018 et 10,6% en moyenne durant la période 2007-2017", peut-on lire sur le communiqué du budget économique exploratoire.

Or, "le secteur industriel, qui semble être la clé de la relance économique, peine toujours à accentuer sa part dans le PIB et à enregistrer des valeurs ajoutées stables et incompressibles qui lui permettront de porter la croissance".

>>Lire aussi: Comment Lahlimi a vertement tancé les décideurs politiques (Vidéo)

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