Zleca. Ce qui peut changer pour le Maroc: le point avec Abdou Diop

Le Maroc vient de publier au BO la loi portant ratification de l'accord de création de la zone de libre-échange continentale africaine et de participer au 12e Sommet extraordinaire de l'UA qui a lancé la phase opérationnelle de mise en oeuvre de cet espace commun. L’occasion d’interroger Abdou Souleye Diop, ex-président de la commission Afrique-CGEM sur le chemin parcouru et celui qui reste à mener ainsi que sur les apports de la Zleca à l'économie marocaine.

Zleca. Ce qui peut changer pour le Maroc: le point avec Abdou Diop

Le 9 juillet 2019 à 15h22

Modifié 11 avril 2021 à 2h42

Le Maroc vient de publier au BO la loi portant ratification de l'accord de création de la zone de libre-échange continentale africaine et de participer au 12e Sommet extraordinaire de l'UA qui a lancé la phase opérationnelle de mise en oeuvre de cet espace commun. L’occasion d’interroger Abdou Souleye Diop, ex-président de la commission Afrique-CGEM sur le chemin parcouru et celui qui reste à mener ainsi que sur les apports de la Zleca à l'économie marocaine.

- Médias24 : Qu’est ce qui a été fait depuis la signature en mars 2018 de l'accord portant création de la ZLECA et que reste-t-il à faire ?

- Abdou Diop : Depuis la signature, il y a eu tous les processus de ratification de l'accord car une fois signé, il faut le ratifier pour qu’il entre en vigueur.

En parallèle, il y a toutes les négociations qui doivent permettre de déterminer les conditions de mise en œuvre de l’accord. Tout reste donc à faire car la signature et l’entrée en vigueur ne sont qu’une étape de manifestation de la volonté politique des Etats à concrétiser l’accord.

Il reste donc plusieurs négociations pour déterminer les produits qui profiteront de la ZLECA, ceux qui seront exclus ou alors ceux dont les tarifs douaniers seront démantelés progressivement.

Nous ne sommes donc qu’au début du processus.

- Combien de temps ce processus devrait-il durer avant d’aboutir ?

-Il est difficile de se prononcer car c’est la première fois dans l’histoire de l’humanité que l’on signe un accord qui implique autant de pays (54 en l’occurrence), en dehors des accords mondiaux.

Nous n’avons donc pas de recul historique pour évaluer la durée nécessaire à son démarrage effectif car cet accord de libre-échange n’a aucun précédent. Cela prendra le temps qu’il faudra mais ce n’est pas une question d’une année ou deux.

- Une décennie ?

-Je ne sais pas combien de temps vont durer les négociations mais ce qui est sûr, c'est que ça sera long car c’est un accord inédit et surtout qui ouvre de nombreuses interrogations complexes.

Par exemple, sachant que nous avons déjà des communautés économiques régionales, comment s’imbriqueront-elles dans ce dispositif? est-ce que les Etats vont négocier individuellement ou en tant que communautés? les discussions seront-elles bilatérales ou multilatérales?…

Il faut donc répondre à ces questions avant que la ZLECA prenne forme.

- Quels seraient les apports économiques pour le Maroc ?

-Qui dit accord de libre-échange continental, dit levée des barrières tarifaires sur les marchandises, même si il y a toujours des problèmes liés à la libre circulation des personnes qui est une des conditions préalables et indispensables à tout accord de ce type.

Aujourd’hui, le fait de lever ces barrières tarifaires permettrait au Maroc de mieux s'approvisionner en matières premières ou en produits de première transformation sachant qu’il importe des pays africains avec des droits de douane relativement élevés.

Son industrie agroalimentaire importe toujours hors d’Afrique des mangues, de l’ananas … avec des barrières douanières à n’en plus finir. Idem pour les industries textiles (coton…), pharmaceutiques, automobiles qui importent des intrants hors du continent alors que ça pourrait se faire d’Afrique.

Hormis les bénéfices en amont, cette zone de libre-échange offrira en aval de nouveaux marchés car certains pays comme la Chine ou la Turquie ont des avantages préférentiels sur un certain nombre de marchés africains dont le Maroc ne dispose pas.

Le fait de faire partie de la ZLECA va permettre d’accéder à des marchés sans droits de douane.  

Il pourra également construire des écosystèmes complémentaires à son industrie à travers des joint-ventures ou des industries complémentaires dans des pays africains qui ont de la matière première qu’ils pourront transformer pour devenir des fournisseurs aux industries automobiles, textiles, aéronautiques qu’ils rendront plus compétitifs.

En amont, c’est donc un enjeu réel de marché d’approvisionnement à des prix compétitifs pour rendre l’économie marocaine plus compétitive sur le marché mondial sans compter qu’en aval, c’est un enjeu de commercialisation de ses produits industriels ou agricoles.

Il y a donc moyen de construire des industries complémentaires pour augmenter, ensemble, le taux d’intégration et de valeur ajoutée africains.

-L’ALE que le Maroc a signé avec la Turquie n’a pas vraiment profité à sa balance commerciale...

- Ce n’est pas comparable car dans les ALE signés avec ce pays ou avec l’UE, le Maroc est en situation plus fragile face à des économies fortes. Il y a donc forcément des déséquilibres commerciaux.

Dans le cadre de la ZLECA, la donne est différente car le Maroc fait partie des pays moteurs en termes de force économique. De plus, il fait partie de cette zone géographique ; ce n’est pas comme ouvrir ses frontières avec la Turquie sans être à proximité.

Le Royaume a donc beaucoup à gagner avec un accord de libre-échange dans son propre continent.

-Qu’est-ce que la ZLECA va changer pour les opérateurs marocains ?

-Il y a eu tout un processus de concertation qui a été fait avec le ministère du commerce et de l’industrie pour impliquer tous les acteurs concernés (fédérations sectorielles) dans les négociations.

Concrètement, il y aura pour beaucoup de secteurs un accès à des matières premières ou produits semi-finis à des prix plus compétitifs qu’auparavant.

Il y aura aussi l’ouverture de marchés panafricains pour les produits marocains et la possibilité de faire des joint-ventures pour transformer localement des matières premières qui alimenteront les industries marocaines.

-N’y aura-t-il aucun risques pour certains secteurs ?

-Certaines industries seront peut-être fragilisées mais ça sera insignifiant.

-Quelques exemples ?

-Les produits pharmaceutiques venant d’Afrique du Sud ou du Nigéria. Certains produits agroalimentaires égyptiens ou le miel issu de Guinée qui pourrait fragiliser l’apiculture marocaine.

Ces secteurs pourront se sentir menacés mais tout dépendra de la manière dont sera construite la ZLECA.

-Quels sont les points problématiques qui restent avant de concrétiser la ZLECA ?

-Il faudra déterminer les produits à exclure de l’accord et ceux dont les tarifs seront démantelés progressivement pour chaque pays.

C’est un vrai débat car si on exclut certains produits qui peuvent faire l’objet de commerce entre les pays africains, on videra la ZLECA de son sens. D'un autre côté, en fonction de la décision qu’on prendra sur les règles d’origine, cela influera ou pas le développement des industries africaines.

Si demain, il n’y a pas de produits industriels à échanger entre pays africains, on ne va pas augmenter les échanges et les opérateurs continueront à importer en dehors du continent.

Il faut également régler la problématique de la connectivité en termes d’infrastructures pour favoriser le commerce entre les pays africains.

Les enjeux sont donc nombreux et il reste encore beaucoup à faire.

- Ce n’est donc pas pour demain ?

-En effet et il importe donc d’être modéré dans la célébration de ce qui vient de se passer ces dernières semaines. Une étape a été franchie mais les choses sont loin d’être finalisées.

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