Exclusif. Rabie Khlie : “Ce qui va changer dans l'offre ONCF”

Le lancement de la LGV sera-t-il l’élément-déclencheur qui permettra de remettre à niveau toute l’offre de l’ONCF régulièrement brocardée par ses passagers? Dans un entretien tourné sur des questions pratiques pour les usagers, le directeur général Rabie Khlie se veut rassurant en affirmant que malgré tous les désagréments passés, qu’il reconnaît, le résultat sera à la hauteur des attentes.

Exclusif. Rabie Khlie : “Ce qui va changer dans l'offre ONCF”

Le 20 novembre 2018 à 14h53

Modifié 20 novembre 2018 à 14h53

Le lancement de la LGV sera-t-il l’élément-déclencheur qui permettra de remettre à niveau toute l’offre de l’ONCF régulièrement brocardée par ses passagers? Dans un entretien tourné sur des questions pratiques pour les usagers, le directeur général Rabie Khlie se veut rassurant en affirmant que malgré tous les désagréments passés, qu’il reconnaît, le résultat sera à la hauteur des attentes.

Médias24 : Le lancement de la LGV est un événement mais est-ce que ses 13 trains seront suffisants pour satisfaire  la demande ?

Rabie Khlie : Nous sommes en phase de démarrage mais le matériel dont nous disposons est largement suffisant. 

L’offre actuelle de 26 trains (13 aller, 13 retour) va bien évidemment évoluer et le moment venu, nous injecterons d’autres trains pour accompagner la demande croissante.

Sachant que la période de pointe démarrera en juin prochain, la cadence de départ des trains va s'adapter à l'affluence estivale. Pour l’instant, c’est toutes les deux heures mais l’offre passera à un départ par heure. 

En réalité, nous avons la capacité requise en termes d’infrastructures pour programmer des départs toutes les 5 minutes.

-Avec seulement 13 trains ?

-Non mais si demain, on le veut, la ligne le permet.

-Combien faudra-t-il de trains pour passer à un départ toutes les 5 minutes ?

-Beaucoup plus mais nous n’atteindrons cette fréquence que dans 20 ou 30 ans.

En cas de très forte affluence estivale, nous avons toujours la possibilité de jumeler deux trains de 533 places pour avoir 1066 passagers sur l emême voyage.

-La ligne à grande vitesse Tanger-Kénitra va-t-elle faire disparaitre les trains conventionnels ?

-Ce ne sera pas le cas car il y a plusieurs gares sur cette ligne (Asilah, Ksar El Kébir, Souk El Arbaa et Machraa Belqsiri) qui ne sont pas desservies par les trains Al Boraq.

Nous continuerons à desservir cette ligne essentielle pour que les habitants de ces localités puissent continuer à se déplacer vers Tanger ou Kénitra mais la cadence changera.

Pour cela, on gardera au moins quatre trains par jour dans chaque sens (soit huit au total) avec une correspondance à Sidi Kacem pour ceux qui veulent se rendre à Fes-Meknès ou sur la ligne vers Oujda.

Il y aura une cadence spéciale sur le tronçon Tanger-Sidi Kacem pour que les habitants de la région puissent continuer à se déplacer d’une localité à l’autre.

-Les petites gares du trajet LGV vont donc continuer à exister ?

- Absolument, car nous sommes obligé d’assurer une continuité aux riverains de ces gares.

Il n’y aura pas d’arrêt du service mais un allègement qui permettra de s’adapter aux besoins locaux tout en libérant une capacité supplémentaire pour le transport de fret.

-Doit-on obligatoirement acheter les billets en ligne sous peine de payer plus cher ?

-L’ONCF encourage bien évidemment ses clients à acheter leur billet via internet mais pour l’instant, il n’y a pas de prix plus intéressant que ceux des ventes physiques.

Certaines promotions ne seront valables qu’en cas d’achat en ligne mais dans un premier temps, les tarifs seront les mêmes au guichet des gares ou par l’intermédiaire de votre clavier.

-Qu’avez-vous prévu pour les utilisateurs illettrés qui ne savent pas utiliser internet, comment vont-ils s’y prendre pour réserver et/ou prendre leurs billets?

-Nous ne les avons pas oubliés. Hormis les demandes sur internet, l’ONCF a créé des espaces dans les gares avec une centaine de conseillers spécialement recrutés et formés pour satisfaire toutes les demandes.

Dans toutes les nouvelles gares, il y a des guichets de vente express pour les gens qui savent exactement ce qu’ils veulent et d’autres de vente-conseil.

Ainsi, pour ceux qui arrivent en gare et ne connaissent pas les meilleurs tarifs point par point, il y a un dispositif avec des conseillers pour répondre à leurs attentes particulières.

-Dans la LGV, y a-t-il un système de contrôle pour éviter un accident comme celui de Bouknadel ?

-La question de la sécurité est légitime mais tous nos conducteurs ont été formés sur des simulateurs pour éviter tout type d’accident y compris celui tragique de Bouknadel.

De plus, la LGV impose une conduite à une seule personne avec un conducteur assisté par un système de contrôle automatique qui reçoit toutes les données de la voie sur les vitesses ponctuelles à respecter.

Si le conducteur ne respecte pas les courbes de vitesse exigées, le système prend le relais à sa place.

-Ce système sera-t-il généralisé à l’ensemble de votre parc ferroviaire ?

-Effectivement, tous les trains conventionnels seront équipés de ce système à partir de 2019.

Jusque là, la sécurité se basait sur l’observation des signaux par le conducteur et un chef de train pour le remplacer et le rappeler à l’ordre en cas de défaillance.

Une fois que ce nouveau système sera adopté sur les trains conventionnels, il n’y aura plus qu’un seul pilote à bord.

Les passagers peuvent être rassurés car le système d’accompagnement est infaillible.

-Quand sera introduit le Wifi sur Al Boraq ?

-On y travaille et il sera bientôt équipé de cette technologie.

-Sera-t-il fonctionnel en 2019 ?

-Comme nous n’avons pas encore de visibilité, je préfère ne pas me prononcer.

-Et pour la finalisation de la voie LGV entre Kénitra et Casablanca...

-Nous devons d’abord digérer tout ce qui a été finalisé à savoir la LGV, le triplement de la voie Kénitra-Rabat, le doublement de Settat-Marrakech, le système de signalisation ….

C’est le contrat-programme qui devra préciser le prochain plan de développement de l’ONCF.

-Il est donc trop tôt pour annoncer sa mise en service ?

-Nous nous concentrons sur la nouvelle offre mais par la suite, l’Etat décidera du timing des investissements à venir.

La balle est dans son camp car c’est en fonction de sa décision que nous aurons une visibilité sur la LGV Casablanca-Marrakech-Agadir et Casablanca-Oujda.

C’est également le cas pour le projet d’extension de la LGV sur les 1.500 kilomètres du territoire national.

-Les prix des billets LGV sont très accessibles, à quand le seuil de rentabilité ?

-Il faut d’abord préciser que ce projet a une rentabilité socio-économique dont le bénéfice ira à toute la collectivité et dépasse l’ONCF qui gère les revenus et les charges de la LGV.

-Serez-vous en mesure de compenser vos charges sachant que ce projet a coûté 23 MMDH ?

-Les tarifs proposés au public ont été étudiés pour optimiser les recettes commerciales.

Si on avait établi des prix supérieurs, on aurait moins de passagers et donc moins de chiffre d’affaires. A contrario, si les tarifs des tickets étaient inférieurs à la grille actuelle, on aurait eu plus de passagers mais toujours moins de chiffre d’affaires.

Les tarifs pratiqués reposent donc sur une équation mathématique qui tient compte de la réalité socio-économique de nos concitoyens, corrélée avec leur pouvoir d’achat.

Notre objectif est de parvenir rapidement à un équilibre financier pour que l’exploitation ne soit pas subventionnée par l’Etat et que nos recettes couvrent nos charges de fonctionnement.

Pour maximiser la rentabilité, nous nous appuyons en partie sur la compétitivité du coût de la main d’œuvre au Maroc beaucoup moins élevé qu’en Europe.

 

-Concrètement, combien d’années avant de rentabiliser Al Boraq ?

-Notre modèle économique est dans la même fourchette que celle observée en Europe.

Bien sûr, la rentabilité prendra du temps mais l’Etat finira par récupérer son investissement en équivalent TVA dans les 30 ou 40 années à venir.

-Il faudra donc attendre 2048 ou 2058 pour amortir ce projet ?

-Oui mais le plus important est que ce projet soit viable économiquement même si l’impact sur la collectivité ne peut pas être monétarisé.

Contrairement à ce qui a été dit, ce projet n’est pas un éléphant blanc car l’exploitation ne sera pas subventionnée et tout ce que l’on récoltera comme recettes permettra de couvrir les charges d’exploitation.

-Dès la première année ?

-Il va y avoir une montée en puissance mais en principe, nous tablons sur l’équilibre à partir de la 3ème année d’exploitation.

-Y-a-t-il des tarifs spéciaux pour certaines corps de métier ?

-Aujourd’hui, nous avons un certain nombre de conventions avec l’association des enseignants, le ministère de la communication pour les journalistes et avec les parlementaires.

L’ONCF est en train de les amender pour les ouvrir aux trains de la LGV.

Comme nos partenaires ont déjà été saisis, ces avenants seront bientôt signés pour devenir opérationnels avant début 2019.

-Sur la partie Kénitra-Rabat-Casablanca, les TNR (train navette rapide) vont-ils continuer à exister ?

-Sachant qu’Al Boraq est un train de ligne et pas un train régional, ils resteront.

La LGV est prévue pour desservir les pôles urbains de Tanger, Kénitra, Rabat et Casablanca avec une correspondance à Kénitra pour Meknès et Fès et une autre à Casa-voyageurs pour rallier Marrakech.

Lors d’une conférence de presse qui aura lieu jeudi 22 novembre à bord d’un train Casa-Marrakech, nous annoncerons les détails de la complémentarité de ces deux lignes avec Al Boraq.

"Les TNR Casa-Rabat-Kénitra vont rester"

Les TNR Casa-Rabat et Rabat-Kénitra vont donc continuer à assurer leur mission de trains régionaux.

L’ancien train de ligne conventionnelle Tanger-Kénitra va devenir régional après l’arrivée de la LGV.

Sur Kénitra-Casablanca, la LGV cohabitera avec les trains de ligne et les TNR, ces derniers sont maintenus car ils sont nécessaires à ceux qui font la navette quotidiennement pour travailler.

Il y aura la même grille de départs et donc la même cadence.

-Dans quel type de train auront lieu les voyages vers Marrakech et Fès ?

-Dans des nouvelles voitures. Une bonne partie des wagons passagers a été complètement réhabilitée et nous avons commandé 30 locomotives neuves livrables au 2ème semestre 2019.

-Combien de rames quasi-neuves seront mises en service ?

-La totalité des trains qui circuleront sur les lignes Casablanca-Marrakech et Casablanca-Fès fonctionneront désormais avec le même concept qu’Al Boraq.

-C’est-à-dire ?

-En fait, il n’y aura pas deux catégories de train. Ce ne sera pas les mêmes rames que celles de la LGV mais en termes de concept, on offre ce que l’on a de mieux en matière de matériel roulant.

Vous en saurez plus jeudi prochain quand nous présenterons le prototype de la ligne Casablanca-Marrakech.

-En quoi ce prototype va-t-il nous changer des trains habituels ?

-Ce n’est pas un nouveau train au sens propre du terme mais il sera composé de voitures rénovées.

En termes de confort, les passagers feront la différence sachant que ses voitures Corail n’ont rien à envier à celles de la SNCF.

A ce propos, les wagons de 1ère classe offriront d’ailleurs presque la même qualité que ceux de la LGV.

Désormais, nous allons raisonner en termes de rame-bloc.

Dans le passé, nous avions des trains conventionnels composés d’une locomotive avec 6, dix voire même quinze voitures issues de différents trains. Nous allons passer à des rames-bloc qui ne bougeront pas (1 wagon de 1ère classe et 5 voitures de 2ème) pour mieux maîtriser la maintenance.

C’était plus compliqué avec des trains éparpillés entre voitures neuves et d’autres plus anciennes qui impactaient l’image de nos trains.

Aujourd’hui, c’est donc l’homogénéité qui sera privilégiée.

-Combien de trains ont-ils été rénovés ?

-Sachant que sur Casablanca-Marrakech, la cadence des départs est de 2 heures et sur Casablanca-Fès, chaque heure, tous les trains de ces deux lignes seront complètement rénovés.

-Selon vous, il n’y aura plus de passagers debout sur les trains Casablanca-Marrakech-Fès ?

-Tous les passagers, de 1ère ou 2e, de la ligne Marrakech-Casablanca-Fès auront leur place assise numérotée, il n’y aura donc plus personne debout sur ces trains de ligne.

-Et pour les autres trains ?

-Pour le reste des trains régionaux (Rabat-Kénitra ou Rabat-Casablanca), il n’y aura pas de changement car comme partout ailleurs, ces liaisons ne nécessitent pas de réservation.

Sachant que ces trains transportent beaucoup de monde, il n’est pas possible d’offrir des places assises à tout le monde surtout dans les trajets de courte durée.

Par contre, pour tous les voyages de plus de deux heures, ça a plus de sens d’offrir des places assises numérotées.

-Pour les Marocains, vous êtes le seul responsable voire coupable des maux de l’ONCF, pensez-vous faire oublier votre image écornée avec la nouvelle offre ?

-Malgré les critiques, je tiens à préciser que l’ONCF n’a jamais été en hibernage.

Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir tout ce qui a été accompli en termes d’infrastructures (nouvelles gares de Tanger, Kénitra, Rabat-ville, Casa-voyageurs, doublement et triplement des voies, nouveau système de signalisation ...)

On peut certainement nous reprocher de ne pas avoir assez communiqué mais il a fallu du temps pour venir à bout de ces chantiers titanesques.

-Comment justifier les retards récurrents de l’ensemble des trains de l’ONCF ?

-La création d’une double voie entre Kénitra et Rabat nous a fait travailler 24 heures sur 24 pendant 18 mois et a fortement impacté le réseau. Idem pour le doublement de la voie entre Settat et Marrakech.

L’ONCF aurait pu ne rien entreprendre et garder un réseau obsolète qui était arrivé à saturation depuis longtemps (12 millions de passagers en 2000 et 40 en 2015).

Je reconnais que ça a été très difficile en particulier pour les personnes qui prennent la navette mais nous n’avions vraiment pas le choix.

-Selon vous, ces désagréments appartiennent au passé et l’ONCF va donc renaître de ses cendres ?

-Avec la fin des longs et laborieux travaux, c’est assurément le cas en termes de qualité de service où les voyageurs vont constater une nette amélioration.

Pour conclure, je dirai que c'est une nouvelle ère qui signe en quelque sorte la renaissance de l’ONCF avec des trains ponctuels, confortables et propres.

 

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