Accident ONCF: le conducteur est-il l’unique responsable?

Mardi 23 octobre, au TPI de Salé, s’est tenue la première audience du procès du conducteur du TNR n°9, accusé d’homicide et blessures involontaires. Si le rapport de la gendarmerie impute la cause du déraillement à un excès de vitesse, la responsabilité de l’accident est-elle du seul ressort du conducteur? Ou est-elle au contraire partagée avec d’autres parties, voire par l’ensemble des responsables de la gestion ferroviaire à l’ONCF? 

Accident ONCF: le conducteur est-il l’unique responsable?

Le 24 octobre 2018 à 17h54

Modifié 11 avril 2021 à 2h49

Mardi 23 octobre, au TPI de Salé, s’est tenue la première audience du procès du conducteur du TNR n°9, accusé d’homicide et blessures involontaires. Si le rapport de la gendarmerie impute la cause du déraillement à un excès de vitesse, la responsabilité de l’accident est-elle du seul ressort du conducteur? Ou est-elle au contraire partagée avec d’autres parties, voire par l’ensemble des responsables de la gestion ferroviaire à l’ONCF? 

L’annonce en aura surpris plus d’un. Moins d’une semaine après le tragique accident de train de Bouknadel, le PV de la gendarmerie royale impute l’accident à un excès de vitesse. Le train roulant à 158 km/h, sur un tronçon où la vitesse est limitée à 60 km/h. Cette conclusion a conduit à l’incarcération du conducteur de train et sa comparution en état de détention devant le TPI de Salé, hier, mardi 23 octobre, après avoir été entendu par le procureur du Roi.

>Le conducteur n’était-il pas mort dans l’accident ? Alors que les premières informations faisaient état de la mort du conducteur, c’est en fait le chef de train qui est décédé dans l’accident. Le conducteur a été blessé sans que ses jours ne soient en danger. Il a d’ailleurs quitté l’hôpital bien avant son incarcération, selon une source sûre au sein de l’ONCF.

Toujours selon la même source, c’est un conducteur chevronné avec plusieurs années d’expérience. A l’instar de ses collègues, il a suivi selon notre source plusieurs sessions de formation continue, et passé avec succès des tests médicaux périodiques – aussi bien physiques que psychotechniques.

>Quel est le bilan de l’accident ? Selon les dernières informations communiquées, et confirmées par nos soins auprès de l’ONCF, le bilan est toujours de 7 morts et 125 blessés.

>L’enquête est-elle terminée ? Actuellement, deux enquêtes sont en cours. La première est menée par le Parquet, dont les conclusions seront rendues publiques dès son aboutissement. Les passagers du TNR n°9 seront aussi auditionnés dans le cadre de cette enquête, comme indiqué dans un communiqué par le procureur du Roi.

Une 2è enquête est menée en interne par l’ONCF, mais son contenu ne sera pas communiqué au public, comme l’a confirmé à Médias24 une source sûre au sein de l’office.

>Y avait-il vraiment des boites noires dans le train? Pas au sens de l’aviation civile, où les boites noires embarquées dans les avions enregistrent plusieurs paramètres – incluant les échanges radio. Le dispositif à bord du train est en fait un simple tachymètre, qui enregistre uniquement la vitesse. Cela a toutefois été suffisant pour que les membres de la gendarmerie royale constatent un excès de vitesse comme cause de l’accident.

>Les alertes des passagers ont-elles été prises en compte? Oui d’après l’ONCF. Selon notre source, les vibrations rapportées par les passagers du précédent train ont été enregistrées à Sidi Taibi – à environ 10 km du lieu de l’accident. Ce train aurait été immobilisé à Kénitra, le temps de procéder aux vérifications des rails ainsi que de la rame par une équipe technique. Toujours selon notre source à l’ONCF, aucun élément suspect n’a été détecté.

Précisons que l’ensemble des TNR de la ligne Casablanca-Kénitra ne s’arrêtent pas à la gare de Bouknadel.

>Quid de la signalisation? Le tableau lumineux indiquant la disponibilité de la voie était opérationnel, spécifiant s’il faut accélérer, ralentir ou carrément s’arrêter. De plus, d’autres panneaux signalétiques incitant à ralentir étaient installés dans la zone de l’accident, en raison des travaux en cours. Ce que nous a confirmé un expert en ferroviaire, un contractant de l’ONCF œuvrant dans cette zone et qui est lui-même un ancien cadre de l’office. Nous publions ses déclarations avec des réserves compte tenu de ses relations avec l'Office.

Par ailleurs, notre source à l’ONCF confirme que chaque conducteur dispose d’une feuille de route lui indiquant les zones où il est nécessaire de ralentir.

>Est-il possible d’atteindre la vitesse de 158 km/hr entre Salé et Kénitra ? Même sur une courte distance, l'expert confirme qu’il est possible d’atteindre cette pointe de vitesse, compte tenu de l’alimentation électrique de la locomotive.

Qui plus est, toutes les rames des TNR à 2 étages – de fabrication italienne, sont légères en raison de l’utilisation massive d’aluminium. Un choix motivé par des impératifs de vitesse et d’économie d’énergie.

Toutefois, notre source nous livre un détail intéressant: même le châssis de ces rames italiennes est fabriqué en aluminium, ce qui a pu contribuer au déraillement à cause de sa faible résistance. Selon cet ancien cheminot, «il est peu probable que le train aurait déraillé s’il avait été de fabrication française ou belge, en raison de la solidité de leur châssis en acier».

>Le conducteur est-il le seul responsable de cet excès de vitesse ? Non. Un conducteur de train est systématiquement accompagné par un chef de train, «qui a la possibilité et la responsabilité d’arrêter la locomotive s’il constate une défaillance du conducteur», précise l'expert.

>La vitesse des trains est-elle contrôlée ? Selon notre source à l’ONCF, un poste de commande centralisée du réseau, opérationnel 24h/24 et 7 jours sur sept, permet de suivre les trains en temps réel via des tableaux synoptiques. En revanche, notre source n’a pas été en mesure de confirmer si la vitesse des trains est également monitorée. Des systèmes embarqués de contrôle de vitesse seront installés en priorité sur la LGV, avant d’être généralisés aux lignes conventionnelles.

Mais selon l’ancien cheminot, il existe bel et bien un système datant des années 80 qui permet de contrôler les vitesses de train, mais pas à distance. Ce dispositif est composé d’une bobine émettrice fixée sur un rail, et qui communique automatiquement avec le train, pouvant provoquer un ralentissement voire l’arrêt total du train.

Pour être pleinement opérationnel, ce système doit être installé sur l’ensemble des rails ainsi que dans les locomotives. Seuls les rails des gares de Casablanca en sont équipés d’après notre cheminot, ainsi que quelques locomotives. Selon notre interlocuteur, ce système gagnerait à être généralisé, sauf que cela n’a pas été fait, faute de moyens financiers.

 

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