Entretien. Lino Bacco: voici pourquoi le Maroc a toutes ses chances d'organiser le Mondial 2026

En attendant le 13 juin prochain et la décision de la Fifa, Médias24 a interrogé le célèbre journaliste sportif italo-marocain pour connaître les chances du Maroc. Après l’échec de 4 candidatures, Lino Bacco pense que la 5e devrait être la bonne et qu’au pire, le Royaume sera le prochain pays africain à accueillir cet événement planétaire. 

Entretien. Lino Bacco: voici pourquoi le Maroc a toutes ses chances d'organiser le Mondial 2026

Le 21 février 2018 à 15h52

Modifié 21 février 2018 à 15h52

En attendant le 13 juin prochain et la décision de la Fifa, Médias24 a interrogé le célèbre journaliste sportif italo-marocain pour connaître les chances du Maroc. Après l’échec de 4 candidatures, Lino Bacco pense que la 5e devrait être la bonne et qu’au pire, le Royaume sera le prochain pays africain à accueillir cet événement planétaire. 

Médias24: Avez-vous été sollicité par MHE, le président du comité d’organisation du Mondial, ou par la FRMF pour donner un coup de main?

Lino Bacco: Personnellement non, mais plutôt indirectement en tant que Radio-mars où je travaille.

Ainsi, nous avons déjà tenu une réunion avec les responsables du dossier technique pour sensibiliser les nationaux sur l'effet que cette candidature aura sur le développement ultérieur du Royaume.

Avant de convaincre les instances décisionnaires qui trancheront en juin, chaque citoyen marocain doit croire en ce projet et comprendre que cette fois, la finalité est encore plus importante.

Nous ne sommes plus dans le "attribuez-nous l'organisation et nous ferons le reste" mais plutôt dans le "nous réaliserons tout ce que nous projetons de faire, car notre pays doit aller de l'avant indépendamment de la Coupe du monde 2026, et cela qu'on l'organise ou non".

En revanche, en 1994 je faisais partie de l'équipe de travail avec le regretté Abdellatif Semlali, alors ministre de la Jeunesse et des Sports, sur le dossier de candidature pour l'organisation de la CdM 1998.

Nous avions été battus par 12 voix contre 7 en dépit d'une enveloppe budgétaire réduite à l'os. La facture initiale de l'agence internationale qui avait suivi le dossier Italia 90 fut réduite de 2,2 à 1,6 million de DH. Nous étions donc bien loin des enveloppes consacrées aux candidatures successives.

-2026 sera notre 5ème candidature (1994, 1998, 2006, 2010). Qu’est-ce qui a donc changé depuis la 1ère?

-La nouvelle philosophie caractérisant la candidature et l'assurance de réaliser tous les projets avec ou sans organisation de la Coupe du monde mais aussi et surtout le bond en avant effectué ces 20 dernières années au plan des infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires.

Aujourd'hui, vous pouvez aller d'Oujda, le site le plus au nord-est, à Agadir, le plus au sud-ouest, sans quitter l'autoroute. D’ailleurs presque tous les sites seront reliés entre eux par le réseau autoroutier.

La capacité hôtelière est aussi plus importante que par le passé, avec la création de milliers de lits non seulement à Marrakech mais aussi dans toutes les autres villes: Tanger en est un exemple frappant.

Les nouveaux aéroports d'Oujda ou de Marrakech sont des bijoux de modernité et de fonctionnalité; sans parler de l'aéroport Mohammed V qui opère comme l'un des principaux hubs de la région.

Il y a aussi les hommes qui sont aux commandes. Le ministre Moulay Hafid Elalamy qui a vendu excellemment notre destination aux grands investisseurs industriels étrangers; le président fédéral Faouzi Lekjaâ qui allie aisément la gouvernance du grand commis d'Etat à la passion du supporter qu'il est. Sans oublier Hicham El Amrani, chargé du dossier technique, ex responsable du Marketing des compétions de la Confédération Asiatique de Football et ex secrétaire général de la Confédération Africaine de Football.

-Quels sont les plus de la candidature du Maroc?

-La proximité avec l'Europe «in primis» mais aussi le même fuseau horaire pour la majorité des pays européens.

Ce facteur est très important pour les télévisions qui feront le plein de publicité surtout en prime time.

Il y a aussi le fait que la plupart des capitales européennes sont à 3 heures d'avion du Maroc, voire 4 pour des pays comme la Hongrie ou la Turquie par exempleCertains supporters pourront même choisir un menu à la carte avec la possibilité d'un simple aller-retour comme ils le font déjà pour les compétitions européennes (Champions League, Euro voire grands rendez-vous nationaux).

L'aspect sécuritaire est également très important. Grâce à Dieu, nous vivons dans un pays stable et sécurisé. Au Maroc, dans n'importe quelle ville, on se sent beaucoup plus en sécurité qu’ailleurs ou dans certaines favellas. A Sao Paulo pour la dernière Coupe du monde, des barrages de police dissuadaient les touristes de pénétrer à l'intérieur de certains quartiers.

Et cela n'est pas une auto-certification que nous nous délivrons pour nous faire plaisir mais c'est l'avis même des services de sécurité européens qui collaborent main dans la main avec nos services et qui sollicitent des collaborations toujours plus étroites, en toute transparence. 

Grâce à la politique d'ouverture de Sa Majesté Mohammed VI et sa volonté de prôner un dialogue Sud-Sud, le Maroc véhicule aussi une excellente image alors que le monde arabe et l'islam sont perçus avec beaucoup de méfiance/défiance par une majorité des Européens. Sans oublier les a priori et les clichés véhiculés par les extrémistes occidentaux, qui malheureusement contribuent à entretenir le doute et semer le trouble.

Autre avantage de notre candidature, les distances entre tous les sites, la plus longue à vol d'oiseau, celle entre Oujda et Agadir n'est que de 865 km, sans oublier que tous les sites sont sous le même fuseau horaire. 

De plus, dans l'imaginaire des médias européens, le Maroc est un pays de foot qui a produit, par exemple, Larbi Ben Barek, considéré comme l'un des plus grands joueurs de tous les temps.

En dernier lieu, il y a nos "ambassadeurs" actuels: les Benatia en Italie, Hachimi en Espagne, Harit en Allemagne, Zyech en Hollande, Boufal en Angleterre. Et grâce à leur qualification à la phase finale du Mondial de Russie, on peut dire que la presse est plus encline à s'intéresser à eux et donc au Maroc.

-Faire face à la candidature conjointe (USA-Canada-Mexique) n’est-il pas plus compliqué que d'avoir un seul pays concurrent?

-Pour le supporter, les problèmes seront multipliés par trois, au niveau des visas et de la monnaie entre autres. Au Maroc, vous changez en dirhams et c'est terminé. Là-bas, vous devez disposer de dollars US, de dollars canadiens et de pesos.

Rajoutons à cela, des distances gigantesques à parcourir: 3.877 km entre Guadalajara et Montréal. Sans parler du fuseau horaire, 3 heures entre New-York et Los Angeles mais surtout pour la majorité des Européens qui seront à plus 9 heures de décalage horaire par rapport à Los Angeles.

-Au niveau des 211 fédérations, le soutien de l’Afrique et de l’Asie sera déterminant. Quelles autres fédérations doivent se ranger derrière le Royaume?

-Je pense plutôt que sans un vote européen massif, il nous sera difficile de réunir les 104 voix.

Il faudra bien évidemment que l’Afrique toute entière vote comme un seul homme pour le Maroc. Cela veut dire qu’il ne faudra pas que certains votants francs-tireurs fassent le jeu des Amériques.

L’Europe, dans son propre intérêt, ne peut que voter pour le Maroc, car l’autre solution serait contraire à ses intérêts économiques.

Une Coupe du monde en Amérique du Nord, c’est moins de recettes publicitaires pour ses télés, moins de supporteurs et donc moins de recettes pour les agences et les tour-operators.

Le reste des voix devront être trouvées en Asie auprès des pays du Golfe et en Asie du Sud-est. Il y a donc un énorme travail de lobbying à accomplir qui soit à la fois efficace et subtil. C’est là que la diplomatie devra faire son job, vite et bien.

-Concrètement, peut-on imaginer 50% de chances pour le Maroc?

-Sur le papier, je dirais moins, car nous avons en face de nous deux nations, USA et le Canada, qui sont respectivement les 1ère et 10ème puissances économiques mondiales, sans parler du Mexique qui pointe à la 15ème place.

Mais cela se décidera sur d'autres critères. D'abord celui de primer l'Afrique car c'est une candidature africaine, pas seulement marocaine. Si l’Occident veut une Afrique plus développée sur le plan économique et plus stable au niveau politique, il se doit de délivrer un message fort qui est: "Aidons ce continent, aidons-le à combattre sérieusement ses maux".

Ce sera donc surtout une volonté politique et de partage avec les moins puissants, les moins riches.

-Les 14 stades promis par le ministre Talbi Alami sont-ils une garantie de victoire pour 2026?

-La construction ou rénovation de 14 nouveaux stades est la condition sine qua non pour organiser un Mondial.

Comment voulez-vous organiser une Coupe du monde sans stades, sachant que le nombre des participants est passé de 32 à 48?

Les autres éléments du dossier qui sont divisés en deux blocs sont tout aussi importants sinon plus.

Le premier englobe les infrastructures: stades, installations à disposition des équipes et des arbitres pour les entraînements, transports et déplacements, NTI et centres de diffusion et de presse.

Le second concerne l’aspect commercial prévisionnel: coût de la compétition, recettes de la vente de billets et de formules hospitalité mais surtout les revenus de la vente des droits médias et marketing.

-S’adjoindre les services du cabinet anglais "Vero Communication" est-il suffisant pour décrocher l’organisation?

-C'est quand même une grande référence. Ses succès sont multiples aussi bien au plan des grandes compétitions (Stratégie de communication de la Coupe du Monde de Rugby 2015, JO d’Hiver 2018) qu’au plan des campagnes individuelles (Gianni Infantino pour la présidence la FIFA, Sebastian Coe pour la présidence de l’IAAF) et de lobbying (Introduction du Rugby à 7 aux J.O).

Enfin, la candidature de Paris pour l’organisation des JO 2024 et cela malgré la présence et la puissance de grandes agences françaises, Publicis et Havas pour ne citer qu’elles.

Cela dit, il faut que le dossier soit saupoudré de notre culture et que dans ce sens les agences ont tendance à imposer des idées universelles. Il faut leur rappeler de temps à autre qui est le client. L’agence aussi compétente qu’elle puisse être, ne peut avoir carte blanche.

-Gianni Infantino est présenté comme l’homme des Américains qui peut faire pencher la balance en faveur du concurrent marocain?

-Cela reste à vérifier. Certes, Infantino est le président du renouveau et si l’on se réfère au fait que le FBI a fait tomber les Blatter Boys, on pourrait croire qu’ils se sont mutuellement entendus pour faire le ménage.

Mais je reste convaincu qu’en tant qu’Européen, il apprécierait une Coupe du monde se déroulant à deux pas de sa Suisse natale et de l’Italie de ses aïeux sans compter que son épouse est libanaise et qu’il parle l’arabe.

Si l’on prétend qu’il est l’homme des Américains, cela signifie qu’à la FIFA rien n’a changé mais ça c’est une autre paire de manches. Les hommes passent mais les institutions restent et ce sont les hommes qui doivent s’adapter aux institutions et pas l’inverse.

-Pensez-vous que les déclarations polémiques de Trump peuvent servir notre candidature?

-Je ne pense pas. Il faut dissocier ses déclarations des relations politiques qu'entretiennent depuis toujours les USA avec leurs alliés.

Cela fait belle lurette qu'ils savent qui est dans leur camp et qui ne l'est pas. Je serais tenté de dire que les Présidents se succèdent mais la politique U.S. reste pratiquement la même surtout au plan des relations bilatérales.

-Combien de Mondiaux de football avez-vous suivis pendant votre carrière journalistique?

-Mon tout premier Mondial en tant qu’auditeur radio date de 1958, lorsque j’avais 12 ans. Le premier que j’ai couvert comme journaliste était celui de 1974 avec une émission radio aux studios de Radio Maroc à Aïn Chokh. Kamal Lahlou animait la table ronde à laquelle participèrent aussi mon maître Daniel Pilard au «Petit Marocain» et Najib Salmi. Ma dernière couverture eut lieu au Brésil en 2014.

Pour moi, la Coupe du monde c’est un roman qui propose un nouvel épisode, tous les quatre ans, tout aussi captivant que les précédents.

-Qu’avaient de particulier, les éditions auxquelles le Maroc a participé?

-C’est avant tout cette conviction de vivre un événement exceptionnel qui réunit tous les Marocains, de tous âges et de toutes classes sociales.

Ce sont aussi des moments inoubliables pour les MRE, fiers d’afficher leur patriotisme. Surtout c’est la sensation d’être acteurs de la plus grande des joutes internationales.

C’est une chose de vivre les émotions en direct et une autre de regarder les matches à la télé ou même assister à un match opposant deux équipes pour qui vous pouvez avoir de la sympathie mais pas un amour sans limite, comme pour celui que vous éprouvez pour le pays qui vous a vu naître.    

-Comment expliquer que depuis 1930, une seule Coupe du monde a été organisée en Afrique?

-Tout simplement parce que jusqu’aux années soixante, l’Afrique était sous le joug colonial et qu’il a fallu le temps de grandir; mais le Maroc a, peut-être, perdu une bonne occasion dans les années 70.

D’ailleurs, je dois rappeler que Abderrazak Mekouar qui présidait le WAC y pensait déjà. Pour avoir passé régulièrement mes vacances d’été en Espagne, je puis vous assurer que le Maroc était certainement plus développé car je me rappelle que lorsque nous arrivions à Torremolinos, les Espagnols disaient «Han llegado los americanos», les Américains sont arrivés!

-Celle où le Maroc était confronté à l’Afrique du Sud était une vraie occasion manquée?

-Certainement puisqu'il nous aura manqué trois voix, celles de la Concacaf qui se seraient envolées, la veille, en direction de l'Afrique du Sud.

Cela dit, il faut bien admettre que 4 ans plus tôt, elle s'était inclinée que d'une seule voix face au mastodonte allemand et l'armada de multinationales qui soutenaient la candidature teutonne.

Il y a eu renvoi d'ascenseur de la part de la FIFA et qu'on le veuille ou non, la présence de Nelson Mandela a fait le reste.

-Le 13 juin, le Maroc sera fixé. En cas de défaite, faudra-t-il attendre 10 ou 20 ans pour que la chance du Maroc se représente?

-Je ne pense pas car il faudra juste insister, faire preuve de détermination. Ceci-dit, le Maroc devra faire les comptes avec l’Europe après le Mondial au Qatar et éventuellement s’il a lieu en Amérique.

Ça serait certainement un coup dur, mais tant pis, car le Maroc de demain est en marche avec ou sans l’organisation de la Coupe du monde en 2026. Le processus est lancé et il est désormais irréversible.  

 

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