Reportage. Jérada: le drame, le ras-le-bol et le saut dans l’inconnu

[JERADA].- Ce lundi, Jérada est une ville morte! L’expression, aussi tragique soit-elle, ne peut en aucun cas décrire la chape de plomb qui s’est abattue sur la ville depuis vendredi aux premières heures de la journée.

Reportage. Jérada: le drame, le ras-le-bol et le saut dans l’inconnu

Le 25 décembre 2017 à 11h44

Modifié 11 avril 2021 à 2h44

[JERADA].- Ce lundi, Jérada est une ville morte! L’expression, aussi tragique soit-elle, ne peut en aucun cas décrire la chape de plomb qui s’est abattue sur la ville depuis vendredi aux premières heures de la journée.

C’est un peu après 7h du matin, ce jour-là que la nouvelle, partie d’une fosse d’extraction clandestine du charbon, aux abords de l’agglomération, et qui s’est répandue comme un feu de paille aux moindres recoins de l’agglomération et au-delà, de l’effondrement sous terrain, suite à une avalanche intempestive d’un fort courant d’eau immergé, qui a emporté dans les entrailles de la terre, deux jeunes frères qui étaient en train d’arracher à la roche de quoi assurer leur pitance quotidienne.

C’est le troisième jeune homme du trio de mineurs qui était chargé de treuiller les blocs d’anthracite chargés dans un sceau au bout d’une corde, quelques dizaines de mètres au fond de la fosse, qui va donner l’alerte.

La corde lui a échappé des mains et un cri étouffé est remonté des profondeurs de la  terre, ne laissant subsister  aucun doute sur la détresse des deux jeunes préposés, ce jour-là à l’extraction du minerai d’un filon, certes réputé dangereux, mais dont l’épaisseur fut particulièrement alléchante pour ces nouveaux forçats du Maroc émergeant!

En cette matinée hivernale particulièrement glacée dans la cuvette noire de Jérada, à une soixantaine de km au sud d’Oujda, ce fut d’abord l’espoir de secourir les deux jeunes victimes de l’éboulement qui va nourrir le fol espoir des jeunes mineurs alentour.

Ils sont des dizaines à accepter de prendre tous les risques et de se livrer à cette exploitation dite clandestine du charbon, depuis la fermeture officielle de la mine, à la fin du siècle dernier, mais qui trouve preneur, particulièrement pendant la saison froide, non seulement pour la petite consommation des particuliers, mais également parmi les quelques nouveaux riches de la région qui ont fait leur beurre de cette économie grise.

Durant plus de 36 heures, les tentatives et les recherches téméraires des jeunes de la région sont demeurées vaines, et ce n’est que le samedi soir que les deux corps inanimés et pétris de boue noire ont été arrachés à la gadoue. L’histoire s’est arrêtée dans la ville!

Les deux victimes frères portant le nom de Bourazza et prénommés Jadouane et Hassan, âgés de 23 et 27 ans, pères d’un et de deux enfants en bas âge, sont partis allonger la liste des martyrs du charbon arraché à mains nues aux galeries austères et piégées, et dans leur regard un lointain souvenir des vastes étendues des plateaux des Bni Guil, dont ils sont originaires!

 

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En cette fin de journée obscure et lourde, un cortège funèbre suivi de quelques milliers d’habitants de tous âges, hommes et femmes, enfants et vieillards a traversé la ville tout au long de l’artère principale, avec un cordon de sécurité autogéré par les marcheurs, qui ont surtout rejeté toute intervention ou une quelconque aide des pouvoirs publics ou de tout corps de métier ou de secours à caractère officiel.

Le cortège funèbre fut certes totalement pacifique, mais ici et là on entendit quelques slogans faisant référence à Bouazizi (étincelle du jadis printemps tunisien), Zefzafi (le porte-voix du hirak rifain) et divers slogans criant la mal-vie, les frustrations et le sentiment d’abandon de ces populations.

Alors, depuis ce samedi soir, baptisé «le samedi de la colère», un climat général de tension antérieure  entre la population et les autorités envenimé par des mouvements de protestation relatifs à une surfacturation de l’eau et de l’électricité, qui a donné lieu la semaine précédente à des confrontations qui se sont soldées par l’arrestation de quatre jeunes de la ville par les autorités, mais surtout des soupçons sur une tentative écervelée des autorités de faire inhumer clandestinement les deux victimes dans la nuit du samedi à dimanche. Tout cela a failli mettre le feu aux poudres, dans une région familières avec les explosions tant au sens minier du terme que dans son acception sociale.

Mais de mémoire des fils de la mine, jamais le ras-le-bol, la détresse et la colère ne sont arrivés au paroxysme auquel on assiste ces trois derniers jours à Jérada.

Dimanche, la ville s’est entièrement vidée pour aller participer à une marche impressionnante de plusieurs milliers de manifestants pacifiques qui sont allés jusqu’aux abords du siège de la province fortement protégée par les forces de l’ordre mobilisées en masse mais tout en maintenant la bonne distance par rapport aux manifestants.

Ce lundi, une grève générale est décrétée: personne n’est allé au travail et aucun commerce n’a ouvert ses portes.

Dimanche soir, les deux dépouilles mortelles étaient toujours à la morgue devant laquelle les manifestants avaient dressé des campements de veillée funèbre. Les revendications se font floues et parfois hors dimensionnement. Elles reflètent le désespoir de toute une population, toute une ville qui se sent à l’abandon, depuis la fermeture de la mine, et dont la population, après avoir tenté des solutions de rechange par l’auto-emploi, ou par l’émigration, notamment en Espagne, et après les déboires nés de toutes les crises et des replis au nord de la méditerranée, est désormais acculée à la complainte, à la mal-vie et au désespoir!. 

Lundi en milieu de journée, les deux mineurs décédés ont été inhumés, le cortège ayant été accompagné par une fouel impressionnante de quelques milliers de personnes en deuil et fortement émues.

Et demain, un trou noir et un saut dans l’inconnu…

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