Samir: incertitudes sur l'issue de la liquidation

Des repreneurs intéressés par la Samir élaborent des offres de reprise. Mais la raffinerie n’est pas suffisamment valorisée, le dossier de liquidation ne semble pas bien maîtrisé, les syndicats et les créanciers s’impatientent, chaque jour qui passe fait baisser la valeur de la Samir et éloigne l’espoir d'un redémarrage.

Samir: incertitudes sur l'issue de la liquidation

Le 5 décembre 2016 à 9h00

Modifié 5 décembre 2016 à 9h00

Des repreneurs intéressés par la Samir élaborent des offres de reprise. Mais la raffinerie n’est pas suffisamment valorisée, le dossier de liquidation ne semble pas bien maîtrisé, les syndicats et les créanciers s’impatientent, chaque jour qui passe fait baisser la valeur de la Samir et éloigne l’espoir d'un redémarrage.

Le 21 décembre prochain au plus tard, le tribunal devra de nouveau statuer sur l’éventuelle prolongation de la continuation de l’activité de la Samir. La précédente prolongation, d’une durée de six mois, arrive à échéance le 21 de ce mois. 

Prononcé le 21 mars 2016, le jugement de liquidation avait fixé un délai de trois mois, durant lequel la continuation de l'activité de la Samir devait être poursuivie. Le 21 juin, le tribunal a décidé, sur demande du M. Krimi, syndic de la Samir, d'accorder six mois supplémentaires, c’est-à-dire  jusqu'au 21 décembre 2016. 

Le syndic va vraisemblablement demander une nouvelle prolongation. La seule incertitude concerne la durée qui sera accordée, ainsi que l’argumentaire que développera le syndic pour étayer sa requête.

La précédente demande, en juin dernier, avait mis en avant l’utilité de faire redémarrer la raffinerie, pour mieux la valoriser.

Aujourd’hui, cela fait 16 mois que le raffinage s’est arrêté. Plus le temps passe, plus il est difficile de faire redémarrer la raffinerie. C’est plus complexe que de faire redémarrer une voiture restée au garage.

Les syndicats ne sont pas dupes. C’est pour cela qu’au cours des 15 derniers jours, ils ont renforcé leur mobilisation pour exiger un redémarrage de l’outil industriel et une intervention de l’Etat pour sauver le groupe.

Une partie de la ville de Mohammédia vit de la Samir. 1.200 salariés sont employés par ce groupe et 5.000 par les différentes sociétés sous-traitantes et divers fournisseurs, selon des sources syndicales.

Le mois de décembre sera donc celui où le sort de la Samir reviendra dans l’actualité, après avoir évolué dans la discrétion la plus totale au cours des derniers mois.

>Le silence du syndic suscite des interrogations. La loi ne l’oblige pas à communiquer, mais ne l’en empêche pas.

Les interrogations font naître les rumeurs et l’inquiétude. Les syndicats s’interrogent, mais aussi les créanciers, les sous-traitants, les habitants de Mohammédia… Cela fait beaucoup de monde.

L’enjeu est colossal: 6.000 emplois environ, de l’activité économique et de la valeur ajoutée, près de 9 milliards de DH de créances du secteur bancaire, plus de 12 milliards de DH de créances de la Douane (et donc du Trésor)…

 

>Depuis 6 mois, le syndic annonce un cahier des charges, un appel à manifestation d’intérêt, un appel d’offres… Jusqu’à présent, il n’y a rien eu de tout cela. Ou alors, cela s’est fait dans le secret.

Il n’y a eu aucune publicité autour des procédures. Or, on ne peut pas vendre un outil de cette taille, avec des enjeux pareils, sans assurer des procédures qui vont à la fois garantir le meilleur prix, les intérêts des créanciers et du personnel et enfin légitimer la transaction finale.

 

>Juridiquement, comment doit se dérouler la cession de la Samir? La liquidation judiciaire implique une chose: les dirigeants de la Samir ont été dessaisis de l'administration et de la disposition de ses biens et ce jusqu'à clôture de la liquidation. Pour l'heure, c'est le syndic M. Krimi qui assure la gestion de l'entreprise, tout en exerçant les droits et actions concernant le patrimoine du groupe.

Et l'on se dirige vers la cession des unités de production. Le code de commerce prévoit cette possibilité et M. Krimi a déjà suscité des offres d'acquisition, après avoir été contacté par des repreneurs potentiels.

D'après le code de commerce, il doit également fixer un délai pendant lequel ces offres seront reçues.

Ces offres doivent comporter les indications:

1) des prévisions d'activité et de financement;

2) du prix de cession et de ses modalités de règlement;

3) de la date de réalisation de la cession;

4) du niveau et des perspectives d'emploi, justifiés par l'activité considérée;

5) des garanties souscrites en vue d'assurer l'exécution de l'offre;

Les contrôleurs et les représentants du personnel sont informés du contenu des offres. Le syndic en a l'obligation.

>En pratique, selon des sources sûres, le syndic va recevoir dans les prochains jours ou prochaines semaines, les premières offres, à sa demande. Théoriquement, il n’a de comptes à rendre qu’au juge-commissaire et ce dernier peut, dans un délai de 15 jours, prendre une décision finale.

C'est le juge-commissaire qui dispose. Sérieux de l'offre,  paiement des créances, préservation, qualité et durabilité de l'emploi déterminent son choix. 

Le magistrat doit, au préalable, consulter le chef d'entreprise, des contrôleurs et des propriétaires des locaux dans lesquels l'unité de production est exploitée. De même, le syndic donne au tribunal tout élément permettant de vérifier le caractère sérieux des offres.

 

>Al Amoudi peut-il racheter la Samir? Toute personne intéressée peut soumettre son offre. Voici le principe. Des exceptions? Oui: ni le débiteur, ni les dirigeants de droit ou de fait de la Samir, ni aucun parent ni allié de ceux-ci jusqu'au deuxième degré inclusivement ne peuvent se porter acquéreurs.

Autrement dit,  le Cheikh Al Amoudi est exclu des personnes pouvant prétendre au rachat de la Samir. Idem pour Jamal Ba Amar, son dernier DG. Et c'est tant mieux…

>Tous les échos qui nous parviennent convergent vers un point: il existe une possibilité de cession de la Samir dans les prochaines semaines. Il n’y a aucune certitude, car le dernier mot revient, juridiquement parlant, au syndic et au juge-commissaire. Mais il y aura des offres.

M. Krimi a rencontré des repreneurs étrangers, il leur a fait visiter le site, fourni les données financières, demandé de déposer des offres.

La question dès lors, est la suivante: est-ce qu’on a fait le maximum de ce qui pouvait être fait pour valoriser le groupe à sa juste valeur?

Par exemple, y a-t-il eu des évaluations incontestables? Pourquoi le syndic n’a-t-il pas contacté le gouvernement pour demander une modification réglementaire du marché, pour accorder au groupe Samir un avantage minimum sur quelques années et garantir une meilleure valorisation?

 

>Que vaut la Samir? Si l’on se base sur les données financières publiques, la dette globale se situe entre 43 et 44 milliards de DH, peut-être plus, peut-être moins, car il faut auditer les comptes d’une manière indépendante. Et ces dettes doivent être déclarées et vérifiées une par une. Seulement une partie sont en cours de vérification, environ 60% en nombre de dossiers, selon nos sources.

Le nombre et la valeur des actifs immobilisés sont impressionnants. Le groupe dispose de biens immobiliers essentiellement à Mohammédia et Sidi Kacem, mais on en trouve aussi à Sefrou, Tétouan, Errachidia, Kénitra, Ifrane, Salé…. Environ 160 biens figurent dans les immobilisations. La valeur actualisée sur la base d’expertises récentes est inférieure à 4 MMDH. Le fleuron de ces biens est le terrain de Mohammédia, sur lequel la raffinerie est construite et qui vaut au moins 3 MMDH, au prix du marché.

Ces montants sont dans l’absolu élevés, mais ils restent faibles au regard de l’endettement.

Le second problème est le marché, qui a acquis son autonomie et qui fonctionne sans la Samir, par des importations directes. Le raffineur a-t-il sa place dans ce marché? Arrivera-t-il à être compétitif vis-à-vis des importations? Ou devra-t-il se tourner d’abord vers l’export?

L’acquéreur éventuel va donc hériter d’un endettement très élevé, des perspectives incertaines sur le marché et des actifs immobiliers qui ne dépassent pas 4 MMDH.

  >Plus le temps passe, plus il sera difficile de faire redémarrer la Samir et d’en obtenir le meilleur prix de cession.

De même: la valeur finale de cession dépend également du cadre réglementaire qui est, lui, entre les mains de l’Etat.

De ce fait, le gouvernement ne devrait-il pas intervenir, plutôt que de laisser le dossier cheminer entre les mains de deux personnes, le syndic et le juge-commissaire, aussi respectables et compétentes soient-elles?

>En conclusion. Le Maroc aujourd’hui, ne peut pas se permettre de perdre un outil industriel qui vaut quelques dizaines de milliards de DH, de supprimer plusieurs milliers d’emplois et de faire perdre 12 milliards de DH au Trésor et 9 milliards de DH au secteur bancaire.

Si, à Dieu ne plaise, le syndic décidait de vendre la Samir au dirham symbolique, ce serait légal. La loi lui accorde, avec le juge-commissaire, un pouvoir énorme, presqu’illimité.

Ce serait donc une cession légale, mais elle n’apparaîtra pas comme légitime, faute de communication, de publicité. Elle sera, nous en prenons le pari, contestée par toutes les parties. Et l’opinion, les créanciers, les salariés se demanderont si tout a été fait pour sauver l’outil industriel et obtenir le meilleur prix de cession.

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