Cour des comptes: sévère critique de la gouvernance des entreprises et établissements publics

La Cour des comptes vient de publier son rapport sur le secteur des établissements et entreprises publics au Maroc. Les profils des administrateurs sont pointés du doigt, le choix et la rémunération des dirigeants sont à revoir. La faible implication des ministères de tutelle est remise en cause.  

Cour des comptes: sévère critique de la gouvernance des entreprises et établissements publics

Le 22 juin 2016 à 15h44

Modifié 11 avril 2021 à 2h38

La Cour des comptes vient de publier son rapport sur le secteur des établissements et entreprises publics au Maroc. Les profils des administrateurs sont pointés du doigt, le choix et la rémunération des dirigeants sont à revoir. La faible implication des ministères de tutelle est remise en cause.  

La Cour des comptes a dévoilé, ce 22 juin, son rapport sur une mission d’évaluation ayant porté sur le thème: "Le secteur des établissements et entreprises publics au Maroc: ancrage stratégique et gouvernance".

"Cette mission a eu pour objectif de traiter les caractéristiques majeures du secteur, d’évaluer le système de pilotage stratégique des entreprises publiques et leur gouvernance", note un communiqué de la Cour.

Dans son rapport, la juridiction financière observe un certain nombre d'insuffisances. Le profil des administrateurs, la nomination et la rémunération des dirigeants, le lien entre les ministères et les EPP sous leur tutelle et le système de reddition des comptes sont remis en cause.

Des administrateurs souvent déconnectés

Concernant les organes de gouvernance des établissement publics, le rapport relève certaines insuffisances. Le profil de certains administrateurs est pointé du doigt.

"Dans plusieurs EEP, les ministères concernés sont représentés par des membres du gouvernement, agissant es-qualité, sans pour autant disposer des moyens pour assumer la fonction de gouvernance."

"Les représentants des ministères agissent souvent en porte-parole de leurs administrations respectives, en reléguant au second plan leur rôle, qui est  de défendre et de préserver l’intérêt social de l’entreprise publique."

"Les administrateurs désignés pour participer aux conseils d’administration de certains EEP fortement techniques, n’ont pas toujours les compétences, ni les qualifications professionnelles pour assumer la fonction d’administrateur."

"La participation des représentants du ministère de l’Economie et des finances ne se traduit pas toujours par une position cohérente par rapport à leur rôle, qui est d’incarner l’Etat actionnaire, mais a tendance à traduire leur responsabilité en tant que contrôleurs ou d'agents de l’autorité budgétaire."

Choix et rémunération des dirigeants à repenser

Les dirigeants des EEP dites "non stratégiques" sont nommés selon les mêmes règles que "les personnes appelées à occuper des postes de responsabilité dans l’Administration. Or, ce sont deux natures d’emplois distinctes, requérant des compétences et des qualifications professionnelles différentes."

"Par conséquent, le choix de dirigeants pour les EEP, même non stratégiques, requiert une procédure adaptée par rapport aux critères d’un management moderne des entreprises."

De même, "les rémunérations des dirigeants ne sont pas encadrées par une norme applicable à tous les EEP, déterminant notamment les seuils minima et maxima, en fonction de la nature de l’activité et de l’importance de l’entreprise."

Dans la pratique internationale, "la rémunération des dirigeants des entreprises publiques comprend une part fixe et une autre variable, pouvant être révisée à la hausse ou à la baisse en fonction du degré de réalisation des objectifs fixés par les lettres de mission établies lors de la nomination par les organes de gouvernance."

Les ministères de tutelle ne sont pas suffisamment impliqués

Le rapport note une certaine distance entre ministère et EPP, laissant "ces derniers livrés à eux-mêmes." Cette situation les amène "parfois à faire des arbitrages relevant en principe des compétences de l’Etat. Dans ces circonstances, la tutelle technique paraît fonctionner plutôt en réaction qu’en anticipation. Elle ne se manifeste qu’au moment de la préparation des conseils d’administration, dont les résolutions sont généralement prises dans l’urgence."

Le même problème se révèle au niveau de la contractualisation entre l'Etat et les EEP. Cet instrument de pilotage stratégique se trouve, selon la Cour des comptes, "réduit à des rapports entre les EEP concernés et le ministère de l'Economie et des finances (DEPP). Les ministères de tutelle technique paraissent moins impliqués dans le processus de négociation, même si ces derniers doivent, en principe, être en première ligne, du fait qu’ils sont responsables de la conception des stratégies sectorielles et du suivi de leur mise en œuvre."

Faible représentation de l'Etat dans les filiales

Pour ce qui est des EPP sous forme de sociétés anonymes, le rapport se penche sur le cas particulier des filiales et sous-filiales. Dans ces structures, "les organes de gouvernance sont en général présidés par les dirigeants des entreprises mères" ou par leurs collaborateurs (RAM, ONCF, CDG, ...).

"La représentation de l’Etat est, en général, faible, voire inexistante. (…) Ce sont, en général, les dirigeants des holdings publiques qui fixent les contours de la stratégie des filiales, avec le risque que cela ne se fasse pas en cohérence avec la politique publique décidée pour le secteur."

Des EPP qui se chevauchent, pour une efficacité incertaine

Le rapport observe l'implication de plusieurs EEP dans les mêmes domaines d’activité. Et pour cause, "Certains ministères ont arrêté une stratégie sectorielle, mais ne parviennent pas à s’assurer de sa cohérence avec les EEP opérant dans leurs secteurs. Cette situation a pour conséquence l’existence d’EEP dont les missions se chevauchent."

Résultat: des pertes d’énergie et de ressources publiques et une efficacité incertaine.

Reddition des comptes à améliorer

"Le principal instrument de reporting sur le secteur est le rapport annuel sur les EEP accompagnant les projets de loi de finances."

Toutefois, "les agrégats contenus dans le rapport (chiffre d’affaires, valeur ajoutée, EBE, ...) ne reflètent pas toujours la réalité des performances du secteur des EEP, du fait qu’ils sont calculés essentiellement à partir d’informations quantitatives fournies par les EEP, dont les systèmes comptables sont rarement homogènes."

Les contrats-programme demandés, mais peu utilisés

"Les dirigeants des grands EEP sont demandeurs de contrats-programmes avec l’Etat. Ce cadre leur donne de la visibilité par rapport aux stratégies sectorielles adoptées par le gouvernement et de la lisibilité quant à leurs projets et objectifs."

Or, "le temps de négociation de certains contrats-programmes est long, pouvant durer plusieurs mois, voire plusieurs années, sans certitude d’aboutir, au final, à un accord."

"Parfois, l’Etat ne respecte pas ses engagements, en raison de contraintes budgétaires ou de considérations d’ordre social, notamment en ce qui concerne les relèvements tarifaires de services publics de base comme l’eau, l’électricité et le transport."

Résultat, "le contrat-programme reste peu utilisé. (…) Entre 2013 et 2015, seulement quatre contrats-programmes ont été signés (ONEE, AAVBR, Barid Al Maghrib et RADEEMA)."

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