Les 10 clés pour comprendre la dégradation du discours politique

Le dernier incident au Parlement, où on a vu la suspension de la séance après un échange houleux Bekirane-Chabat, met en relief la dégradation du discours politique au Maroc.

Les 10 clés pour comprendre la dégradation du discours politique

Le 3 mai 2015 à 9h06

Modifié 3 mai 2015 à 9h06

Le dernier incident au Parlement, où on a vu la suspension de la séance après un échange houleux Bekirane-Chabat, met en relief la dégradation du discours politique au Maroc.

Ce n’est plus un débat mais des invectives.  Les politiques se donnent en spectacle. Cela a commencé par un âne exhibé dans une marche partisane. Le dernier épisode en date est le triste spectacle donné mardi dans l’enceinte du parlement au cours de la séance avec le Chef du gouvernement. Triste parce qu’il ne s’agit pas d’un incident isolé.

Il est inutile de s’interroger pour savoir qui a tort, qui a raison, qui a commencé, qui est le fautif… La question n’est pas là.

La dégradation du discours politique marocain est provoquée par une conjonction de facteurs :

1-l’effet de loupe grossissant provoqué par les nouvelles technolgies, la presse digitale, les réseaux sociaux, la facilité et la rapidité avec laquelle n’importe quelle mimique ou dérapage sont repris, mis en ligne, partagés. C’est une évolution inévitable.  Les hommes politiques oublient parfois ou semblent oublier, qu’il y a un micro ouvert, une caméra allumée, un smartphone qui enregistre…

Lorsqu’un dirigeant politique s’adresse à ses troupes dans une salle fermée, et que son intervention est filmée, il croit s’adresser à ses partisans, alors qu’en fait il s’adresse à tout le Maroc.

2-la plus grande liberté d’expression et d’initiative sur le champ politique. Le champ politique est devenu plus concurrentiel. La liberté d’expression plus grande. Et dans ce contexte, on oublie les limites. La politique n'évolue lus dans un système fermé.

3-la personnalité de deux protagonistes, Abdelilah Benkirane et Hamid Chabat. Dans une moindre mesure, Driss Lachgar.

Abdelilah Benkirane donne l’impression d’aimer l’adversité. En tous les cas, elle lui donne des ailes. Il ne résiste pas à la tentation de répliquer. Même lorsqu’il s’exprime en tant que chef du gouvernement, il lui arrive de répondre en tant que chef du PJD.

Sensible aux provocations et aux attaques personnelles, il démarre au quart de tour. Une phrase revient dans la plupart de ses discours lorsqu’il s’adresse à l’opposition: “vous ne m’impressionnez pas, vous ne me faites pas peur“.

Comme tous les tempéraments du sud de la Méditerranée, il est très sensible à la forme, jusqu’à donner l’impression de ne pas tolérer les critiques.

Les attaques le rechargent, lui donnent des ailes. Il fonce alors tête baissée.

4- Dans ce film, il y a eu deux moments forts: la sortie de l’Istiqlal du gouvernement en juin 2013, puis le discours prononcé par Benkirane à Dcheira le 7 mars 2015.

La sortie du gouvernement a été précédée puis suivie par une salve d’attaques contre Benkirane qualifié par exemple d’homme de Daech et du Mossad. L’épisode de l’âne où une manifestation était précédée par un équidé censé représenter le gouvernement, fut l’un des moments les plus atterrants de l’actualité politique.

A Dcheira le 7 mars dernier, Abdelilah Benkirane a animé un meeting politique très couru où il n’a pas ménagé l’opposition. Cet épisode a conduit in fine au mémorandum adressé par l’opposition au Roi Mohammed VI accusant Benkirane d’utiliser le nom du Roi dans ses campagnes et demandant son arbitrage.

Deux conseillers du Roi, Abdellatif Menouni et Fouad Ali El Himma, ont rencontré les leaders de l’opposition signataires du mémorandum; puis Abdelilah Benkirane.

Une sorte de trêve s’en était suivie. Elle n’aura duré qu’un mois. Elle a volé en éclats mardi dernier au Parlement.

Ci-dessous, le discours de Benkirane à Dcheira.

5-l’énigmatique Hamid Chabat: Des membres des premiers cercles istiqlaliens avouent ne pas comprendre sa stratégie. Hamid Chabat est un fonceur qui fait preuve d’une grande agressivité politique, n’hésitant pas à se livrer à des attaques personnelles. Le coup de l’âne exhibé dans une manifestation, les attaques ad hominem, les accusations excessives et surprenantes, c’est lui.

L’Istiqlal reste le grand parti de Allal Fassi. C’est le parti le plus structuré, le mieux organisé, celui qui quadrille le territoire.

Le leader actuel est parfois (très) contesté, mais il a été élu et sa légitimité ne fait aucun doute.

6-deux populistes contre un populiste: Selon une grande figure de l’opposition, l’un des courants de l’Etat profond s’accomode de cette situation, car il estime que pour contrer un populiste [Benkirane], deux populistes [Chabat et Lachgar] feront l’affaire. Mais Benkirane n’est pas populiste ou alors, il n’est pas que populiste. C’est un homme qui a du leadership, de la crédibilité, un bilan et une popularité.

7. Vacuité des discours et des arguments.

En plus des postures agressives, la nouvelle direction a du mal à mobiliser. Le discours d’opposition à la politique actuelle n’est pas très convaincant, ni suffisamment argumenté. Même lorsque Adil Douiri, le président de l’alliance des économistes istiqlaliens, prend la parole pour exposer ses critiques du programme gouvernemental et proposer des alternatives, son discours n’est pas suffisamment étayé.

En fait, le tandem USFP-Istiqlal n’a ni alternative ni bilan. A tel point que Abdelilah Benkirane leur a fait un jour la leçon: “pourquoi m’attaquez-vous personnellement, pourquoi n’attaquez-vous pas le bilan?“ Il a même fait mine de leur donner des conseils: "vous pourriez reprocher au gouvernement d'avoir échoué contre le chômage et contre la corruption".

8. Le salut par la société civile? Interrogé par Médias 24, Mohamed Alami Berrada, vice-président de l’institut de leadership politique Tariq Ibnou Ziyad Initiative déclare que le salut politique ne pourra venir que de la société civile.

«L’adoption de la loi organique sur les pétitions permettra aux Marocains de s’élever voire de déposer des chefs de parti ayant pris goût à des attaques indignes de la scène politique».

Pour cet expert indépendant et apolitique, seul le PJD et le PPS disposent de programmes politiques à même de séduire les Marocains alors que les autres partis préfèrent l’invective ou suivent le vent de leurs alliés.

9. Renouveler l’élite politique. La plupart des commentateurs semblent oublier qu’il y a eu un phénomène appelé “les printemps arabes“ et que ce phénomène a des effets durables. Une grande partie de l’ancienne élite est discréditée, elle n’a su ni se renouveler, ni renouveler son discours. Parfois, comme dans le cas du PAM, le discours est cohérent et le positionnement intelligent, mais la génétique du parti pose problème.

10. Les électeurs n’ont jamais autant suivi la politique. Selon un observateur politique, la situation actuelle est normale. Elle est le fruit d’une certaine liberté retrouvée. Pour lui, le peuple aime ça, et n’a jamais autant suivi la politique. Il pense que cet épisode va réconcilier une partie de l’opinion avec la politique et réduire la désaffection pour la politique.

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